Stephane M

Antiraciste

  • Affaire Luis Bico : la Cour de cassation valide le « permis de tuer » de la police | Flagrant Déni
    https://blogs.mediapart.fr/flagrant-deni/blog/210524/affaire-luis-bico-la-cour-de-cassation-valide-le-permis-de-tuer-de-l

    Pour la première fois, la #justice valide un #tir_policier_mortel, alors qu’il n’y avait pas légitime défense. Luis Bico ne présentait pas de danger immédiat. Mais le policier qui l’a tué, alors que des passants étaient dans sa ligne de mire, échappe à toute poursuite. La CEDH va être saisie.

    Deux pages d’une froideur terrible, pour conclure sept années de combat. Et enterrer un nouveau scandale policier et judiciaire. Mercredi 15 mai, la Cour de cassation a rendu son arrêt dans l’affaire Luis Bico, tué par la police près de Montargis en août 2017. Comme elle le fait habituellement, quand aucun doute juridique n’est possible, la plus haute juridiction s’est bornée à une phrase type, sans aucune argumentation : « la Cour de cassation constate qu’il n’existe, en l’espèce, aucun moyen de nature à permettre l’admission du pourvoi ».

    Un « circulez, y’a rien à voir », en langage judiciaire. Or, cette décision est hautement décisive. Elle valide, de la façon la plus officielle qui soit, le permis de tuer instauré par la loi de 2017 dans l’article L435-1 du Code de sécurité intérieure. Son promoteur, le socialiste Bernard Cazeneuve, s’en défend à qui veut l’entendre : « C’est un texte qui dit : “Vous ne pouvez tirer que lorsque vous êtes en situation de légitime défense” ». Et pourtant, c’est tout autre chose qui est désormais gravé dans le marbre de l’ordre juridique. Car dans l’affaire Luis Bico, la cour d’appel avait à la fois estimé que les conditions de la légitime défense classique ne s’appliquaient pas, mais que le nouvel article, si. La Cour de cassation valide ce raisonnement. L’article L.435-1 est donc bien un cadre plus large que la simple légitime défense.

    Pas de danger immédiat

    Et même beaucoup plus large. Dans l’affaire Bico, la cour d’appel d’Orléans avait relevé que Luis Bico ne menaçait personne au moment où il avait été tué. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’il n’y avait pas légitime défense. D’après la cour d’appel, Luis Bico était simplement « susceptible d’attenter à la vie ou à l’intégrité physique d’autrui », s’il parvenait à s’échapper. Un danger très hypothétique donc.
    En revanche, le policier qui a tiré sur Luis Bico, lui, l’a fait en visant pour tuer. Il a en outre tiré alors que des passants se trouvaient juste derrière, en plein dans sa ligne de mire, comme le montrent les images exclusives publiées par Flagrant déni en avril. « Ils visaient en haut, analyse Casimiros Bico, le frère de Luis, et d’ailleurs il y a une femme qui a entendu siffler une balle. Il y a 18 tirs, mais ils n’ont retrouvé que 9 impacts sur la voiture de Luis ». Dans cette affaire, pour un danger hypothétique, la #police a tué une personne, et mis en danger beaucoup d’autres. C’est ce que la Cour de cassation estime légal, sur la base de l’article L.435-1.

    Dossier inaccessible à la famille

    Cette décision est la conclusion d’un long combat, celui de la famille, face au mur aveugle de la justice. « On ne connaissait rien à la justice, donc on a fait confiance aux spécialistes, se souvient Christèle, la belle-sœur de Luis, très amère. On posait des questions, l’avocate nous disait “Ne vous inquiétez pas, c’est juridique”. Il ne fallait pas parler aux journalistes, pour ne pas énerver les juges, ni aux associations. On nous a complètement enfermés, et finalement, voilà le résultat ! ».

    La famille de Luis n’a jamais pu accéder au dossier. Jusqu’au dernier jour. Dans un courrier daté du 15 mai, que Flagrant déni a pu consulter, l’avocate continue de refuser de communiquer le dossier à la famille : « je ne puis m’autoriser à vous remettre un dossier d’instruction ». Dans un dossier conclu définitivement, comme c’est désormais le cas pour celui de Luis, aucun secret n’est pourtant plus en vigueur. « En tout, on en a eu pour 21500 euros de frais d’avocat, calcule Christèle, mais on ne peut toujours pas voir le dossier ».

    Contrôle d’identité de la famille à la sorte de l’audience

    A la Cour de cassation, le 4 avril dernier, la plupart des personnes venues en soutien n’ont pas pu accéder à l’audience, pourtant censément publique. Sous les surplombantes moulures dorées, la famille a dû rester cantonnée derrière une sorte de muret de bois, symbole bien visible de la séparation entre la justice, et les justiciables. Derrière ce muret, une fois assis, il était à peine possible de voir les trois juges installés tout au fond de l’immense salle. L’affaire a été évacuée en quelques minutes, sans suspense. « C’est pas la justice ça, ils n’ont retenu que les faits qui les arrangeaient », peste Casimiros à la sortie de l’audience.

    La famille n’a pas eu la parole, et son avocat n’était même pas présent. La police, en revanche, était bien là. Pour avoir posé quelques instants devant le palais de Justice, à la sortie de l’audience, avec des T-shirt « L.435-1 m’a tué·e » et des pancartes en mémoire de Luis, la famille et la quinzaine de soutiens présents, parmi lesquels de nombreuses victimes et familles de violences policières, ont eu le droit à un contrôle d’identité général.

    Une loi « mal interprétée, mal expliquée, mal conduite »

    L’affaire Luis Bico est aussi la parfaite illustration des ambiguïtés et de la dangerosité de l’article L435-1. L’Assemblée nationale doit rendre un rapport sur « la hausse du nombre de refus d’obtempérer et les conditions d’usage de leurs armes par les forces de l’ordre ». A propos de l’article L435-1, l’un des deux rapporteurs, Roger Vicot, député macroniste, estime que « la formulation de la loi est mal interprétée, mal expliquée, mal conduite ». Depuis cette loi, le nombre de personnes tuées par la police a été multiplié par cinq.
    Steven R., l’auteur des tirs mortels, est à l’époque des faits un adjoint de sécurité, noté comme indiscipliné par sa hiérarchie, et doté de très peu d’expérience. Grâce à la loi de 2017, désormais durement interprétée par la Cour de cassation, il échappe à toute poursuite, définitivement. « On s’y attendait, explique Christèle. On s’en doutait, même s’il y a toujours un petit espoir. Mais on va aller à la Cour européenne, ça c’est certain, le combat n’est pas terminé ». Encore une fois, il va falloir que la CEDH vienne sanctionner la France pour que les choses bougent, peut-être. A moins qu’entre temps, l’Assemblée nationale tire les conséquences de cette loi funeste, et décide enfin de l’abroger ?
    Lionel Perrin

    Comment la police a utilisé son “permis de tuer” sur Luis Bico
    https://www.flagrant-deni.fr/comment-la-police-a-utilise-son-permis-de-tuer-sur-luis-bico
    https://seenthis.net/messages/623282

  • Les explications de Johann Soufi sur la demande de mandats d’arrêt du procureur du CPI – très pédagogique, très intéressant.
    https://www.youtube.com/watch?v=7tYGSp4jvDM

    Le 20 mai 2024, le procureur de la Cour pénale internationale Karim Khan a demandé un mandat d’arrêt à l’encontre de plusieurs dirigeants israéliens, dont Benjamin Netanyahu concernant la situation en Palestine ainsi que 3 dirigeants du Hamas. Une requête qui sera examinée au cours des prochains mois par les magistrats de la Cour à partir de l’ensemble des éléments de preuve qui permettront de valider ou non ces mandats d’arrêts. On compte parmi les chefs d’accusation retenus par le procureur, celui de crime de guerre, crime contre l’humanité, d’extermination et de persécution. Cette annonce s’ajoute à la décision de la Cour internationale de justice qui avait, le 26 janvier dernier, reconnu un “risque de génocide” en cours à Gaza perpétré par le gouvernement israélien. Dans ce focus, l’avocat Johann Soufi revient sur cette annonce et les conséquences que cette requête de mandat d’arrêt pourrait avoir en matière de réponse internationale.

  • Qu’est ce qui se passera lorsque l’holocauste n’empêchera plus le monde de voir Israël tel qu’il est ?
    21 mai 2024 | Hagai El-Ad | Haaretz | Traduction SF pour l’AURDIP– Aurdip
    https://aurdip.org/quest-ce-qui-se-passera-lorsque-lholocauste-nempechera-plus-le-monde-de-voir

    Pour quiconque voulait bien voir, la vérité était déjà parfaitement claire en 1955 : « Ils traitent les Arabes, ceux qui sont encore là, d’une manière qui, en elle-même suffirait à rassembler le monde contre Israël » écrivait Hannah Arendt en 1955.

    Mais c’était en 1955, à peine une décennie après l’holocauste – notre grande catastrophe et en même temps l’enveloppe protectrice du sionisme. Donc, non, ce qu’Arendt a vu à Jérusalem à l’époque ne suffisait pas à rassembler le monde contre Israël.

    Près de 70 ans ont passé depuis. Pendant ce temps, Israël est devenu addict à la fois à son régime de suprématie juive sur les Palestiniens et à la capacité à exploiter la mémoire de l’holocauste de façon que les crimes qu’il commet contre eux ne rassemblent pas le monde contre lui.

    Le premier ministre Benjamin Netanyahou n’invente rien : pas les crimes et pas l’exploitation de l’holocauste pour faire taire la conscience du monde. Mais cela fait presque une génération qu’il est premier ministre. Pendant cette période, Israël, sous sa direction, a fait un autre grand pas vers un avenir dans lequel le peuple palestinien sera effacé de la scène historique, c’est certain si la scène en question est la Palestine, la patrie historique. (...)

    traduction en français de l’article signalé par @kassem https://seenthis.net/messages/1053695

  • Le bilan du raid palestinien à Jénine s’alourdit à 10 morts
    22 mai 2024 19:36 BST
    https://www.middleeasteye.net/live-blog/live-blog-update/palestinian-death-toll-jenin-raid-increases-10?nid=363631&topic=Israe

    Le bilan du raid israélien sur Jénine, en Cisjordanie occupée, est passé à 10 morts, selon le ministère palestinien de la santé.

    Le raid se poursuit depuis mardi, date à laquelle huit personnes ont été tuées. Deux autres Palestiniens ont été tués mercredi.

    Le bilan de l’attaque s’élève désormais à 10 Palestiniens tués et 25 blessés.

  • Vivent les haies ! - Agnès Stienne - Visionscarto
    https://www.visionscarto.net/vivent-les-haies

    L’agro-industrie dévore le bocage, dévorons l’agro-industrie.

    Décembre 2023, TGV 5280 voiture 5 place 105, Le Mans-Paris, première étape d’un voyage à destination des Ardennes.

    La grisaille de ces dernières semaines a levé le voile pour quelques jours seulement sur un ciel plus lumineux. Une chance. Je referme le livre qui m’accompagne dans ce périple et laisse mon regard se perdre dans le paysage qui défile à grande vitesse. Je n’avais pas fait ce trajet depuis la propagation de la pandémie de covid en 2019. Où sont les haies ? Au fur et à mesure qu’on approche de Chartres elles se raréfient, avant de disparaître totalement. L’agro-industrie n’a de cesse de dévorer le moindre îlot de verdure. « Révolution verte » qu’ils disaient.

  • No aid unloaded at US pier has reached Gaza : Pentagon
    https://thecradle.co/articles-id/25023
    http://thecradle-main.oss-eu-central-1.aliyuncs.com/public/articles/f531f84e-1824-11ef-ba4b-00163e02c055.webp

    Comme on pouvait s’en douter (et le craindre), la jetée flottante au bord de Gaza ne délivre aucune aide alimentaire, de l’aveu même des Etasunienns.

    The Pentagon said on 21 May that none of the humanitarian aid has been unloaded off of Washington’s floating pier on the coast of Gaza, as the US says it is working with the UN and Israel to identify safe routes into the besieged enclave.

    Pentagon spokesman, Major General Patrick Ryder, said on Tuesday that the US, Israel, and the UN are working to determine “alternative routes” for the delivery of over 500 tons of aid that has been transported to the Gaza pier since last week.

    The announcement comes after desperate Palestinians, stricken by famine as a result of Israel’s war, tried intercepting a number of trucks carrying aid from the pier over the weekend, according to Ryder.

    “As of today, I do not believe so,” Ryder said in response to a question on whether any aid has been delivered to starving Gazans in the besieged strip.

    “We do anticipate that assistance will be distributed in the coming days, of course, conditions permitting,” he added.

  • Des élèves bloquent l’entrée de leur lycée à Montpellier pour manifester leur soutien aux Palestiniens [16 mai]
    https://www.midilibre.fr/2024/05/16/soutien-aux-palestiniens-blocus-du-lycee-joffre-depuis-ce-matin-a-montpell

    « Palestine vaincra, Palestine vivra ». Depuis 6 heures ce matin, une centaine d’élèves du lycée Joffre bloquent les accès à l’établissement afin de manifester leur soutien aux Palestiniens.

    […]

    Un élargissement au lycée Jules-Guesde est aussi envisagé.

  • Mandats d’arrêt : « Le conflit israélo-palestinien est marqué par une impunité généralisée » | Le Télégramme
    https://www.letelegramme.fr/monde/israel-palestine/mandats-darret-le-conflit-israelo-palestinien-est-marque-par-une-impuni

    propos recueillis par Pierre Coudurier*

    Avocat spécialiste du droit international, Johann Soufi analyse la demande du procureur de la Cour pénale internationale (CPI) de délivrer des mandats d‘arrêt contre le premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, son ministre de la Défense ainsi que trois responsables du Hamas. Entretien.

    Le procureur de la Cour pénale internationale a demandé, lundi, des mandats d’arrêt contre le Premier ministre israélien et des dirigeants du Hamas. Comment qualifiez-vous cette procédure ?
    C’est un événement historique, car le conflit israélo-palestinien est marqué par une impunité généralisée pour les crimes commis des deux côtés. Depuis des années, nous avions l’impression que cette région échappait au droit international. Aujourd’hui, ça n’est plus le cas. De plus, la CPI était accusée de sélectivité en concentrant ses poursuites principalement contre des chefs de guerre africains, notamment des responsables de niveau moins élevé. En ce sens, le mandat d’arrêt émis à l’encontre de Vladimir Poutine avait déjà marqué un tournant historique dans l’histoire de la Cour. Mais il a aussi été interprété par certains comme un positionnement stratégique du Bureau du procureur aligné sur les intérêts occidentaux, en particulier suite à l’annonce du procureur de « déprioriser » ses enquêtes sur les crimes de guerre commis par des Américains en Afghanistan.

    Cette fois, c’est une vraie rupture. On le voit, d’ailleurs, à la réaction virulente de certains dirigeants occidentaux contre le procureur de la Cour. D’habitude, la Cour ne communique que lorsque le mandat d’arrêt a été émis. Mais, cette fois, l’annonce a été faite dès le lancement de la requête du procureur, probablement pour avoir un effet dissuasif et dans le but d’éviter certaines pressions. Les juges vont maintenant avoir un rôle de certification. Selon moi, il a peu de chance qu’il y ait de changement majeur. D’ici deux à trois mois, les mandats d’arrêt seront délivrés par la Cour.

    Alors que Joe Biden se réjouissait du mandat d’arrêt contre Poutine, le président des États-Unis trouve « scandaleuse » la procédure lancée à l’encontre de ses alliés israéliens. Les Américains sont-ils pris à leur propre jeu ?
    Ce n’est pas tant une question de jeu politique, qu’une question de cohérence entre les valeurs que Washington proclame, fondées sur l’importance du respect du droit international, et ses actes, qui sont parfois en contradiction avec ces valeurs. La justice n’a de sens qu’à partir du moment où elle s’applique de manière impartiale. Or Washington instrumentalise le droit et la justice internationale depuis le début de l’existence de la Cour. Le procureur, Karim Khan, l’a bien indiqué dans une interview à CNN, lundi, en expliquant qu’un responsable américain lui a dit que la Cour était réservée « aux dirigeants africains et aux puissances ennemies ». La cohérence du discours américain vis-à-vis de la justice internationale doit aussi être analysée en tenant compte de ce double standard et de cette hypocrisie.

    La France, à l’inverse, a affirmé soutenir la CPI
    Pour les 124 États qui y adhèrent - ce qui n’est pas le cas des États-Unis ni d’Israël - soutenir la CPI est une exigence légale. Tout comme le fait d’arrêter les personnes sous mandats d’arrêt si elles se trouvent sur le territoire national. La France et les autres États membres doivent aussi faciliter le travail de la Cour. D’abord financièrement, en contribuant au budget de la Cour, mais aussi en fournissant des informations issues des services de renseignement et des ressources matérielles comme c’est le cas concernant les enquêtes du procureur en Ukraine.

    Quelles incidences pour les responsables du Hamas et ceux d’Israël ?
    S’ils sont émis, ces mandats d’arrêt vont contribuer à marginaliser davantage ces individus sur la scène internationale. Quelle que soit la légitimité alléguée de leurs combats respectifs, ces mandats d’arrêt démontrent qu’ils agissent en violation du droit international humanitaire et qu’ils ont probablement commis des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité. Pour les responsables israéliens, le crime d’extermination, de persécution, mais aussi l’utilisation de la famine comme une arme de guerre. Du côté des dirigeants du Hamas, le crime d’extermination, la torture, le viol. Ce sont des crimes qui choquent notre conscience.

    Ces mandats permettent de remettre en question l’idée que la fin justifie les moyens. Au-delà des considérations politiques, il y a un instrument commun qui s’appelle le droit.

  • [Tribune] La France le dernier État colonial ? | Le Télégramme
    https://www.letelegramme.fr/opinions/tribune-la-france-le-dernier-etat-colonial-6588039.php

    Georges Cadiou, journaliste, écrivain, et ex-adjoint au maire de Quimper, évoque « la réalité d’un état colonial français » en faisant référence à la Nouvelle-Calédonie.*

    « Les colonies sont faites pour être perdues. Elles naissent avec la croix de mort au front. » (Don Alvaro dans « Le Maître de Santiago », Henry de Montherlant, 1947).

    Avec la récente flambée de violence en Nouvelle-Calédonie, la question que l’on ose rarement poser revient d’actualité : la France est-elle le dernier État colonial des pays occidentaux ?

    Il était beau le planisphère de notre enfance affiché dans nos écoles. En bleu, les colonies françaises, en rouge, les colonies anglaises et, plus discrètement, dans d’autres couleurs, les colonies portugaises en Afrique (Angola, Mozambique, Guinée Bissau), en Asie (Goa, Macao) et en Mélanésie (Timor) et, encore plus discrètement, les restes des ex-empires coloniaux comme l’Espagne ou les Pays-Bas (Indonésie, Guyane hollandaise, Antilles néerlandaises). Toutes ces possessions occidentales ont disparu au fil de l’Histoire, les anciennes colonies britanniques à commencer par l’Inde, ou les anciennes colonies hollandaises et, plus récemment, avec la Révolution des Œillets, les colonies portugaises. Toutes sauf celles que Jean-Claude Guillebaud avait judicieusement appelées « les confettis de l’Empire » dans un livre ainsi intitulé et publié au Seuil en 1975. Dans ce livre, le journaliste du Monde posait carrément la question : « En 1975, la France serait-elle la dernière puissance coloniale du monde ? ».

    La France avait connu plusieurs vagues de décolonisations, ou plutôt de pertes de son ex-empire : le Liban et la Syrie en 1943, l’Indochine après le désastre militaire de Dien Bien Phu en 1954, le Maroc et la Tunisie en 1955-56, la plupart des pays du continent africain en 1960 et, bien sûr, l’Algérie en 1962 à l’issue d’une guerre qui, longtemps, ne voulut pas dire son nom. Mais pour le citoyen lambda, cette indépendance algérienne scellait la période coloniale de la France. C’était faux bien sûr, car, dans les années 1970, sous la présidence de Giscard d’Estaing, d’autres territoires devenaient indépendants comme Djibouti, les Comores (moins Mayotte) ou le condominium franco-britannique des Nouvelles Hébrides (aujourd’hui nommé Vanuatu). Ce mouvement de décolonisation encouragé par l’Onu était général avec les multiples indépendances tout autour de ce que l’on appelait les DOM-TOM, les départements et territoires d’Outre-Mer français, par exemple la Barbade, la Guyana, le Surinam, Fidji et plusieurs îles du Pacifique ex-possessions anglaises ainsi que, nous l’avons dit, les ex-colonies portugaises.

    « L’orgueil national-français d’une présence sur tous les océans du monde pour se donner l’illusion d’être encore une grande puissance se fracasse sur une réalité, la réalité d’un état colonial et jacobin incapable de se réformer. »

    Seul contre-exemple : la France, qui s’accroche à ses confettis aux Antilles, en Guyane, à La Réunion, en Polynésie et donc en Nouvelle-Calédonie. On peut dire s’accrocher en dépit du droit international et des nombreuses résolutions de l’Onu dénonçant par exemple la présence française à Mayotte où la situation déjà explosive devient aujourd’hui ingérable. Seize résolutions de l’Onu exigent le retour de Mayotte aux Comores. La France n’en a respecté aucune. Aujourd’hui, c’est en Nouvelle -Calédonie que la situation s’envenime. Les accords dits de Matignon puis de Nouméa n’ont rien réglé. Cela n’a fait que retarder un processus inévitable : l’orgueil national français d’une présence sur tous les océans du monde pour se donner l’illusion d’être encore une grande puissance se fracasse sur une réalité, la réalité d’un État colonial et jacobin incapable de se réformer en envisageant, par exemple, une solution d’une indépendance d’un État associé comme l’est Porto Rico par rapport aux États-Unis ! Cela est impensable aux yeux de nos tenants d’un colonialisme d’un autre âge condamné à disparaître tôt ou tard. L’envoi de la troupe en Nouvelle-Calédonie n’y fera rien. Là aussi, comme dans d’autres parties du monde, la solution ne peut qu’être politique. Il faut dénoncer ceux qui veulent faire un petit remake de la guerre d’Algérie. Qu’ils le veuillent ou non, dans quelques années, la Kanaky sera libre. C’est le sens de l’Histoire.

    • et, sur la même page, l’édito bien rance d’Hubert Coudurier, directeur de l’information et frère du directeur de la publication (quatrième génération)

      [Édito] Macron ou les vertus du forcing | Le Télégramme
      https://www.letelegramme.fr/opinions/edito-macron-ou-les-vertus-du-forcing-6588241.php

      Notre éditorialiste Hubert Coudurier livre son point de vue sur la décision d’Emmanuel de se rendre lui-même en Nouvelle-Calédonie.

      Gérald Darmanin aurait dû, en toute logique, se rendre sur place. Le ministre de l’Intérieur et des Outre-mer connaît bien le dossier pour l’avoir repris des mains d’Édouard Philippe à son départ de Matignon. Il s’est rendu sept fois sur le « caillou ». Or c’est d’abord le rétablissement de l’ordre qui doit prévaloir. Dix mille jeunes mêlant militants indépendantistes et délinquants déferlant sur Nouméa, c’est terriblement anxiogène pour la population en manque de soins et d’alimentation. Une autre forme de chaos qu’on a pu observer dans les DOM-TOM. Du coup, les indépendantistes ont recréé une solidarité interethnique entre mélanésiens (autochtones) et néo-calédoniens (d’origine européenne). Emmanuel Macron, qui ne résiste jamais à l’envie de se mettre en avant, avait confié durant le week-end le dossier à son Premier ministre, avant de décider de se rendre sur place. Pourquoi cette précipitation ? Gabriel Attal n’écartait pas un assouplissement de l’agenda de la révision constitutionnelle prévue dans un Congrès fin juin. Laquelle prévoit le fameux élargissement du corps électoral qui fait bondir les indépendantistes malgré trois référendums qui leur ont été défavorables. Certes, le dernier, tenu durant la covid, a été boycotté par les kanaks dont la préoccupation principale était d’enterrer leurs morts. À moins qu’ils aient compris que c’est la cause de l’indépendance qui était morte. La promotion de la présidente loyaliste du sud a de surcroît nourri le soupçon que le gouvernement choisissait son camp. Mais au final, l’objectif des indépendantistes débordés par leur base, n’est que de gagner du temps. Le président français ayant décidé de passer en force, estimant que la messe était dite, s’expose néanmoins inutilement. Car la question décoloniale est sans fin puisqu’elle nous rattrape désormais dans l’Hexagone comme on l’a vu lors des émeutes de juin dernier.

  • Kenneth Stern, juriste américain : « Notre définition de l’antisémitisme n’a pas été conçue comme un outil de régulation de l’expression »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/05/21/kenneth-stern-juriste-americain-notre-definition-de-l-antisemitisme-n-a-pas-

    L’universitaire new-yorkais déplore, dans un entretien au « Monde », l’utilisation du concept d’antisémitisme à des fins politiques dans le cadre de la guerre Israël-Hamas.
    Propos recueillis par Valentine Faure

    Le juriste américain Kenneth Stern est directeur du Center for the Study of Hate de l’université de Bard (New York) et auteur de The Con­flict Over the Con­flict : The Israel/​Palestine Cam­pus Debate (University of Toronto Press, 2020, non traduit). Il a été le principal rédacteur du texte sur la définition de l’#antisémitisme de l’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste (IHRA), utilisée dans de nombreux pays, dont la France, où elle a été adoptée en 2019 par l’Assemblée nationale en tant qu’« instrument d’orientation utile en matière d’éducation et de formation et afin de soutenir les autorités judiciaires et répressives dans les efforts qu’elles déploient pour détecter et poursuivre les attaques antisémites ». Depuis plusieurs années, il s’élève contre le détournement de cette définition à des fins politiques, pour faire taire les propos critiques envers la politique du gouvernement israélien.

    Vous avez été le principal rédacteur de la définition de l’antisémitisme adoptée en 2016 par l’IHRA, une organisation intergouvernementale basée à Stockholm. Dans quel contexte est-elle née ?

    Après la deuxième Intifada [2000-2005], nous avons observé une nette résurgence de l’antisémitisme en Europe. Chargé de rédiger un rapport, l’Observatoire européen des phénomènes racistes et xénophobes [EUMC] a identifié un problème : ceux qui collectaient les données dans différents pays d’Europe n’avaient pas de point de référence commun sur ce qu’ils devaient inclure ou exclure de leurs enquêtes. Ils travaillaient avec une définition temporaire qui décrivait l’antisémitisme comme une liste d’actes et de stéréotypes sur les #juifs. Les attaques liées à #Israël – lorsqu’un juif est visé en tant que représentant d’Israël – étaient exclues du champ de l’antisémitisme si l’agresseur n’adhérait pas à ces stéréotypes.

    En avril 2004, une école juive de Montréal a été incendiée en réaction à l’assassinat par Israël d’un dirigeant du Hamas. J’ai profité de l’occasion pour interpeller publiquement le directeur de l’EUMC sur le fait que, selon leur définition temporaire, cet acte n’était pas considéré comme antisémite. L’American Jewish Committee, où j’étais expert en matière d’antisémitisme, a pris l’initiative de travailler avec l’EUMC pour élaborer une nouvelle définition, dans le but principal d’aider les collecteurs de données à savoir ce qu’il faut recenser, à travers les frontières et le temps. Le texte liste onze exemples contemporains d’antisémitisme, parmi lesquels « la négation du droit du peuple juif à l’autodétermination » et l’application d’un traitement inégalitaire à Israël, à qui l’on demande d’adopter des comportements qui ne sont ni attendus ni exigés d’une autre nation. Les exemples reflètent une corrélation entre ces types de discours et le niveau d’antisémitisme. Il ne s’agit cependant pas de dire qu’il y a un lien de cause à effet, ou que toute personne tenant de tels propos devrait être qualifiée d’antisémite.

    Aujourd’hui, vous regrettez l’usage qui a été fait de ce texte. Pourquoi ?

    Depuis 2010, des groupes de la #droite_juive américaine ont tenté de s’approprier cette définition, de la marier aux pouvoirs conférés par le Title VI (la loi de 1964 sur les droits civils, qui protège contre la discrimination fondée sur la race, la couleur et l’origine nationale) et de l’utiliser pour tenter de censurer les discours propalestiniens sur les campus. En 2019, Donald Trump a signé un décret exigeant que le gouvernement analyse les plaintes pour antisémitisme en tenant compte de cette définition. Une violation du Title VI peut entraîner le retrait des fonds fédéraux aux établissements d’enseignement supérieur. Au moment de l’adoption de ce décret, Jared Kushner, le gendre de Trump, a clairement indiqué son objectif dans une tribune au New York Times : qualifier tout #antisionisme d’antisémitisme.

    Or, notre définition n’a pas été conçue comme un outil de régulation de l’expression. Sur les campus universitaires, les étudiants ont le droit absolu de ne pas être harcelés ou intimidés. Mais il est acceptable d’être dérangé par des idées. Nous ne voudrions pas que la définition du #racisme utilisée sur les campus inclue l’opposition à la discrimination positive ou à Black Lives Matter, par exemple. L’université est censée être un lieu où les étudiants sont exposés à des idées, où ils apprennent à négocier avec la contradiction, etc. Nous devons être en mesure de répondre et d’argumenter face à ces discours.

    Lors de son témoignage au Congrès sur l’antisémitisme, dans le contexte de manifestations propalestiniennes sur les campus américains, à la question de savoir si « appeler au génocide des juifs violait le règlement sur le harcèlement à Harvard », Claudine Gay, qui était alors présidente de cette université, a répondu que « cela peut, en fonction du contexte ». Comment comprendre cette réponse ?

    Les universités, publiques comme privées, sont tenues de respecter le premier amendement, qui garantit la #liberté_d’expression. La distinction générale du premier amendement est la suivante. Je peux dire : « Je pense que tous les “X” devraient être tués » ; je ne peux pas crier cela si je suis avec un groupe de skinheads brandissant des battes et qu’il y a un « X » qui marche dans la rue à ce moment-là. La situation doit présenter une urgence et un danger. Il y a une distinction fondamentale entre le fait d’être intimidé, harcelé, discriminé, et le fait d’entendre des propos profondément dérangeants. David Duke [homme politique américain, néonazi, ancien leader du Ku Klux Klan] a été vilipendé, mais pas sanctionné, lorsque, étudiant dans les années 1970, il disait que les juifs devraient être exterminés et les Noirs renvoyés en Afrique, et qu’il portait même un uniforme nazi sur le campus. S’il avait été renvoyé, il serait devenu un martyr du premier amendement.

    La suspension de certaines sections du groupe des Students for Justice in Palestine [qui s’est illustré depuis le 7 octobre 2023 par ses messages de soutien au Hamas] est profondément troublante. Les étudiants doivent pouvoir exprimer des idées, si répugnantes soient-elles. La distinction que j’utilise ne se situe pas entre les mots et l’acte, mais entre l’expression (qui peut se faire par d’autres moyens que les mots) et le harcèlement, l’intimidation, les brimades et la discrimination, qui peuvent se faire par des mots également – de vraies menaces, par exemple. En d’autres termes, oui, cela dépend du contexte. Claudine Gay [qui a démissionné depuis] avait donc raison dans sa réponse, même si elle s’est montrée sourde au climat politique.

    Comment analysez-vous la décision de la présidente de Columbia, suivie par d’autres, d’envoyer la police pour déloger les manifestants propalestiniens ?

    La décision de faire appel à la police aussi rapidement n’a fait qu’enflammer la situation. Les campements ont probablement violé les règles qui encadrent le droit de manifester sur le campus. Mais faire appel à la police pour arrêter des étudiants devrait être, comme lorsqu’un pays entre en guerre, la dernière mesure prise par nécessité. D’autres #campus qui connaissent des manifestations similaires ont abordé le problème différemment, déclarant que, tant qu’il n’y a pas de violence ou de harcèlement, ils ne feront pas appel à la #police.

    Vous parlez de « zone grise » de l’antisémitisme. Qu’entendez-vous par là ?

    Dans sa forme la plus dangereuse, l’antisémitisme est une théorie du complot : les juifs sont considérés comme conspirant pour nuire aux non-juifs, ce qui permet d’expliquer ce qui ne va pas dans le monde. Mais voici une question plus difficile : « Où se situe la limite entre la critique légitime d’Israël et l’antisémitisme ? » Cette question porte davantage sur notre besoin de délimitations que sur ce que nous voulons délimiter. Nous voulons simplifier ce qui est complexe, catégoriser un propos et le condamner. L’antisémitisme, pour l’essentiel, ne fonctionne pas ainsi : on peut être « un peu » antisémite ou, plus précisément, avoir des opinions qui se situent dans la zone grise.

    La question la plus épineuse à cet égard demeure celle de l’antisionisme.

    Moi-même sioniste convaincu, je souffre d’entendre dire qu’Israël ne devrait pas exister en tant qu’Etat juif. Je comprends les arguments de ceux qui assurent qu’une telle conception est antisémite : pourquoi les juifs devraient-ils se voir refuser le droit à l’autodétermination dans leur patrie historique ? Mais l’opposition à l’idée d’un #Etat_juif est-elle intrinsèquement antisémite ? Imaginez un Palestinien dont la famille a été déplacée en 1948. Son opposition au sionisme est-elle due à une croyance en un complot juif ou au fait que la création d’Israël lui a porté préjudice, à lui et à ses aspirations nationales ? Et si vous êtes une personne qui s’identifie à la gauche et qui a décidé d’embrasser la cause palestinienne, est-ce parce que vous considérez que la dépossession des #Palestiniens est injuste, parce que vous détestez les juifs et/ou que vous voyez le monde inondé de conspirations juives, ou quelque chose entre les deux ?

    Certains #étudiants juifs sionistes progressistes se plaignent d’être exclus d’associations (de groupes antiracistes et de victimes de violences sexuelles, par exemple) par des camarades de classe qui prétendent que les sionistes ne peuvent pas être progressistes. Or il y a eu de nombreuses annulations d’intervenants perçus comme conservateurs et n’ayant rien à voir avec Israël ou les juifs, comme Charles Murray [essayiste aux thèses controversées] ou Ann Coulter [polémiste républicaine]. Le militant sioniste est-il exclu parce qu’il est juif ou parce qu’il est considéré comme conservateur ? L’exclusion peut être une forme de maccarthysme, mais n’est pas nécessairement antisémite. A l’inverse, certaines organisations sionistes, sur les campus et en dehors, n’autorisent pas des groupes comme Breaking the Silence ou IfNotNow – considérés comme trop critiques à l’égard d’Israël – à s’associer avec elles.

    La complexité du conflit israélo-palestinien, dites-vous, devrait en faire un exemple idéal de la manière d’enseigner la pensée critique et de mener des discussions difficiles…

    Pensez à l’articulation entre distorsion historique, antisionisme et antisémitisme. Le lien ancien entre les juifs et la terre d’Israël est un fondement essentiel du sionisme pour la plupart des juifs. Est-ce une distorsion historique que d’ignorer cette histoire, de considérer que le sionisme a commencé dans les années 1880 avec Herzl et l’#immigration de juifs européens fuyant l’antisémitisme et venant en Palestine, où les Arabes – et non les juifs – étaient majoritaires ? S’agit-il d’antisémitisme, au même titre que le déni de la Shoah, lorsque les antisionistes font commencer cette histoire à un point différent de celui des sionistes, à la fin du XIXe siècle, et omettent une histoire que de nombreux juifs considèrent comme fondamentale ? Un collègue de Bard, qui s’inquiétait de voir les étudiants utiliser des termes tels que « #colonialisme_de_peuplement », « #génocide », « sionisme », a décidé de mettre en place un cours qui approfondit chacun de ces termes. Je réserve le terme « #antisémite » aux cas les plus évidents. En fin de compte, la tentative de tracer des lignes claires ne fait qu’obscurcir la conversation.

  • Boycott des universités israéliennes : « Peu d’universitaires sérieux défendent la poursuite de l’occupation des territoires en Cisjordanie » par Astrid Van Busekist
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/05/21/boycott-des-universites-israeliennes-peu-d-universitaires-serieux-defendent-

    Avec quelques commentaires sur les glissements rhétoriques et omissions fâcheux de cette tribune...

    Alors que de nombreux enseignants israéliens sont confrontés à la défiance de leurs collègues internationaux, la professeure de Sciences Po Astrid von Busekist estime, dans une tribune au « Monde », qu’il ne faut pas rejeter les lieux où s’élabore le savoir critique en Israël.

    Inutile de se voiler la face, le boycott a déjà commencé. Ici de manière subreptice, là très ouvertement : lorsque tel professeur refuse d’évaluer le projet d’une collègue pour la Fondation israélienne des sciences, lorsque tel autre retire le nom d’un coauteur israélien, ou lorsque des revues académiques internationales retoquent les articles d’auteurs israéliens. Le quotidien Haaretz a documenté des centaines de cas de désinvitation, d’arrêt de coopération, d’annulation de colloques ou d’événements scientifiques. Le même scénario a lieu dans les sciences dures, en humanités ou en sciences sociales.

    Que répondre à un collègue qui a pour seul tort d’avoir la mauvaise nationalité ? La liste des raisons est assez brève et peu sophistiquée, le seul point commun dans cette nouvelle version de la « cancel culture » est la punition collective, le maniement de la partie pour le tout, exactement ce que nous apprenons à nos étudiants à ne pas faire.

    « Je crains que ce que votre pays a fait et continue de faire ne soit jamais oublié ou pardonné », écrit un collègue au physicien Nir Davidson de l’Institut Weizmann, cité par Haaretz, le 12 avril. « J’ai beaucoup d’estime pour vous, mais je n’ai plus l’intention de travailler avec vous. Vous commettez un génocide à Gaza », répond-on à Ravit Alfandari de l’université de Haïfa. Un chercheur d’une prestigieuse université européenne conditionne même son soutien à des décisions politiques nationales et internationales hors de portée d’un simple scientifique : « Si le gouvernement israélien s’engage irrévocablement en faveur d’une solution à deux Etats (dans les frontières de 1967), je serai heureux de m’engager auprès des institutions israéliennes, tant que cela n’est pas vrai, je refuse. »

    Renvoyés à leur identité juive
    Les universitaires, chercheurs, auteurs israéliens sont renvoyés à leur appartenance nationale et à leur identité juive (à ma connaissance mes collègues arabes, druzes ou chrétiens n’ont pas subi le même sort). [ça c’est un pur coup de force rhétorique : il n’est question dans les exemples précédents que de refus de coopérer avec les institutions d’Israël]
    Il y a quelques semaines encore, je me disais que le meilleur argument contre le boycott était le plus simple : on ne boycotte pas les lieux où s’élabore le savoir critique. Je le pense toujours, malgré l’ignorance qui règne dans certaines universités internationales ces derniers temps. Mais, aujourd’hui, l’argument plus fort est à la fois moral, pragmatique, contextuel et factuel.

    Moral. Imposer des sanctions indiscriminées et collectives à des individus singuliers est injuste. [il s’agit non pas d’un boycott contre les individus israéliens, mais d’un refus de coopérer avec les institutions, dans le cadre de programme impliquant des financements israéliens. Rien ne m’empêche de rencontrer et de dialoguer avec des Israéliens] D’autant que ces sanctions qui frappent les universitaires sont une réponse à une politique gouvernementale combattue par une très grande partie des facultés.[je dirais plutôt : un nombre de chercheuses et de chercheurs qui n’est pas négligeable et sans doute assez important. La majorité : qu’en sait elle ?]

    Pragmatique. D’une part, s’en prendre aux universités et aux chercheurs, rompre les relations scientifiques et le dialogue académique risque de contribuer à une baisse significative de la qualité de l’enseignement et de la recherche. [ce n’est pas notre problème] D’autre part, cela risque de produire des effets pervers. Parce que les universités sont des lieux de rencontre, quelquefois les seuls, entre populations juives et arabes. C’est sur les campus qu’elles interagissent et bénéficient de la myriade de programmes communs. Un grand nombre de centres sont engagés en faveur de la mobilité sociale des Arabes israéliens, de projets communautaires scientifiques culturels et de défense judiciaire des minorités. Le pourcentage d’étudiants arabes est proche de celui de la population générale dans les universités de Tel-Aviv, hébraïque de Jérusalem et Ben-Gourion du Néguev à Beer-Sheva, et il est plus important à l’université de Haïfa. [C’est bien parce que le boycott est contre les Israéliens qu’en effet, il aura des conséquences négatives aussi pour les citoyens arabes d’Israël]

    Indépendants
    Contextuel. Comme le dit l’ancien recteur de l’Université hébraïque de Jérusalem, Barak Medina, « affaiblir le monde universitaire israélien, c’est affaiblir le tissu démocratique de la société israélienne ». Ariel Porat, président de l’université de Tel-Aviv (la première à avoir organisé une importante conférence sur la crise humanitaire [une crise, vraiment ? le terme n’est il pas trop fort ?] à Gaza), a été un critique sévère de la réforme constitutionnelle et s’est engagé à combattre toute politique ou loi qui viendrait à affaiblir les fondements de la démocratie et des droits humains. Il est aujourd’hui, avec la vice-présidente de l’université, Milette Shamir, la voix du soutien à la création d’un Etat palestinien. Une communauté académique forte et critique devrait être soutenue et encouragée, car le contre-pouvoir y est chez lui.

    Factuel. Les universités sont-elles en quelque manière complices de la guerre à Gaza ? Des violations de droits humains ? Arment-elles indirectement Tsahal ? Certains le pensent, mais ces accusations ne sont guère étayées.
    [*_voilà un exemple, en français, de ce que fait l’Université de tel Aviv, trouvé en deux clics. https://www.ami-universite-telaviv.com/index.php/actualite-l-universite/1598-luniversite-de-tel-aviv-et-larmee-de-lair-creent-le-pre
    _*et je suis certain qu’il y a encore bien des choses à dire sur l’Université de Tel Aviv recensées déjà sur Seenthis
    ]
    Une proportion non négligeable des étudiants est réserviste ; ce sont les sentinelles et les témoins directs de la guerre en cours à Gaza. [les sentinelles ? de la prison de Gaza ? Sans doute parmi eux y a t il des militaires qui se mettent en scène en faisant exploser des universités, pillant des maisons, torturant des Palestiniens ?] Comme dans toutes les démocraties, les chercheurs sont indépendants. [certains sont des apologistes et des complices du génocide]

    Peu d’universitaires sérieux défendent la poursuite de l’occupation des territoires en Cisjordanie. Certains rappellent en revanche les occasions ratées, comme l’offre d’Ehoud Olmert, en 2008, de renoncer à 94 % des territoires.[debunking : https://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2008/08/15/le-vrai-faux-plan-de-paix-d-ehoud-olmert_1084111_3218.html ]

    Grave erreur
    Enfin, l’Université hébraïque de Jérusalem serait coupable de violations du droit international, car son campus du mont Scopus serait en territoire contesté. Or, celui-ci a été établi dès 1925 et il est resté une enclave contrôlée par Israël entre 1948 et 1967. La communauté internationale reconnaît qu’il fait partie d’Israël et non des territoires occupés en 1967. Quant au dortoir et au centre sportif qui se trouvent à Jérusalem-Est, ils se situent en effet dans une zone qui, selon la communauté internationale, fait partie des territoires occupés. Mais cette « occupation », comme le rappelle le recteur Tamir Sheafer, n’est pas illégale, car l’université possédait des terrains privés à Jérusalem-Est avant 1948 et y maintient des droits de propriété privée continus. [il y a une université à Ariel, une pure colonie]

    Que faire ? Rompre le dialogue ? Divorcer des meilleurs critiques d’un gouvernement qu’une majorité d’Israéliens tient pour coupable du 7 octobre 2023 mais aussi du sort des otages et de cette guerre infinie qui doit cesser ? Ce serait une grave erreur. Contre la liberté de penser, contre l’égalité morale des enseignants-chercheurs et contre une certaine fraternité intellectuelle dans l’adversité partagée.

    Astrid von Busekist est professeure de théorie politique à Sciences Po et éditrice de la revue « Raisons politiques » (Les Presses de Sciences Po).

    • à noter que des universitaires israélien.nes soutiennent l’idée d’un boycott, par exemple la philosophe israélienne Anat Matar

      Que pensez-vous des appels à rompre les liens et les partenariats avec les universités israéliennes, à les boycotter ?

      J’ai toujours été favorable à l’activisme populaire. Israël a été traité pendant des années en toute impunité par les États occidentaux. La pression populaire peut donc aider les gouvernements à changer cette attitude. Je suis de toute façon une partisane du mouvement BDS (Boycott, désinvestissement et sanctions). Je soutiens en ce moment tout particulièrement l’appel des étudiants pour que leurs universités se désengagent de toute implication militaire, etc. Il faut aider à promouvoir le désinvestissement universitaire et à atteindre les étudiants et les professeurs actuellement engagés dans des négociations

      https://www.mediapart.fr/journal/international/120524/comment-reagir-face-au-veritable-antisemitisme-lorsque-toute-critique-de-l
      Plusieurs exemples de répression contre des universitaires israéliens qui défendent des idées critiques de la politique israélienne par leurs hiérarchies académiques, de collègues, etc.

  • « SDAT is the question »
    https://expansive.info/SDAT-is-the-question-4587

    On est en plein gros backlash après l’affaire Tarnac. Ya eu une grosse affaire avec des gros soutiens et une "victoire" après 10 ans. Mais ensuite toutes les affaires suivantes sont maintenant durement réprimés avec les outils (en gens, en arme et en droit) de l’anti-terrorisme et là ya plus forcément autant de soutien (médiatique et matériel) que pour Tarnac. Et même quand il y a, comme c’est pour 5, 10, 15 affaires en même temps ça se dilue.

    Mais après avoir longuement délibéré, les 3 juges décidèrent de condamner les prévenus à des peines allant de 7500 euros à 15000 euros, soit le maximum légal encouru en terme d’amende. On saura apprécier l’exercice de multiplication qu’il leur a fallu faire pour gonfler le réquisitoire du procureur : 37,5 fois supérieur !
    Après avoir plus qu’ouvertement décrié le droit au silence des prévenus, au prétexte de leur supposée ’contestation systématique de toute forme d’autorité’, ils appuyèrent leur décision par l’implication de la SDAT dans les arrestations et la tenue des mesures de garde à vue sur la commune de Levallois. Envoûtement ou raison, si la SDAT est dans le coup, ce ne doit pas être pour rien !

    #répression #SLT #désarmement #justice #SDAT #anti-terrorisme #backlash

  • ’Unified Reich’: Trump campaign goes full Nazi
    https://www.theframelab.org/unified-reich-trump-campaign-goes-full-nazi


    Voilà, les gus s’auto-godwinent en toute décontraction.

    Trump is telling us exactly what he plans to do if he gets another term. He is framing his return to power as an authoritarian effort, and he is overtly using Nazi language and symbolism to drive home the point.

    This wasn’t a mistake. It isn’t a joke. American freedom and democracy are on the line in 2024. The main headline in Trump’s ad asks: “What’s Next for America?” Trump’s answer: authoritarianism and fascism.

    • Encore un truc drôlatique. C’est sous Biden, le libéral, que les étudiants pacifistes se font gazer et briser les os.

      Toujours cette voie sans issue, aux US, depuis 10 ans (et disons le, chez nous aussi). La Peste ou le Choléra. Clinton ou Trump. Les pourris ou les tarés. Pas de chemin intermédiaire possible. Toutes les alternatives sont systématiquement massacrées, pour cause d’incompatibilité manifeste avec le capitalisme.

  • 24 heures plus tard, à ma connaissance aucun journal n’est capable de t’expliquer :
    – comment se passe le traitement de la demande de mandat d’arrêt du procureur de la CPI par des juges (est-ce qu’ils se réunissent, s’ils se réunissent il faut attendre une date fixe ou juste ils peuvent se réunir d’urgence qu’il y a besoin, est-ce que c’est hyper-formel genre “grand jury” ou bien ils se mettent d’accord entre eux, ou bien comme dans les films le procureur il va au milieu de la nuit réveiller un juge pour lui faire signer un papier ?) ?
    – surtout : combien de temps c’est censé prendre ? (quelques jours, quelques semaines, quelques mois ?)
    – et : est-ce que ces demandes sont systématiquement acceptées, ou bien il y a des cas où ça a été refusé ?

    Ces informations devraient être connues depuis que les rumeurs de mandat d’arrêt circulaient. Que s’appelario « faire son travail ».

  • Murray Bookchin : à bas la hiérarchie !
    https://laviedesidees.fr/Murray-Bookchin-a-bas-la-hierarchie

    Écologiste anarchiste, penseur des causes sociales de l’affrontement destructeur entre nos sociétés et la nature, et théoricien d’un municipalisme libertaire à construire dès aujourd’hui, Murray Bookchin est une figure essentielle de l’écologie politique.

    #Philosophie #écologie #anarchisme #Portraits
    https://laviedesidees.fr/IMG/pdf/20240521_bookchin.pdf

  • Comment l’argent de l’UE permet aux pays du Maghreb d’expulser des migrants en plein désert
    https://www.lemonde.fr/afrique/article/2024/05/21/comment-l-argent-de-l-union-europeenne-permet-aux-pays-du-maghreb-de-refoule

    Comment l’argent de l’UE permet aux pays du Maghreb d’expulser des migrants en plein désert
    Par Nissim Gasteli (Tunis, correspondance), Maud Jullien (Lighthouse Reports), Andrei Popoviciu (Lighthouse Reports) et Tomas Statius (Lighthouse Reports)
    s des droits humains et avec le renfort de moyens européens.
    A Rabat, au Maroc, Lamine (toutes les personnes citées par un prénom ont requis l’anonymat), un jeune Guinéen, a été arrêté six fois par la police, en 2023, avant d’être renvoyé sans ménagement à l’autre bout du pays. En Mauritanie, Bella et Idiatou, également guinéennes, ont été abandonnées en plein désert après avoir été interpellées, puis incarcérées. Leur crime ? Avoir pris la mer pour tenter de rejoindre l’Espagne. En Tunisie, François, un Camerounais, s’est orienté comme il a pu après que les forces de sécurité l’ont lâché, au beau milieu des montagnes, près de la frontière avec l’Algérie. C’était la troisième fois qu’il était déporté en l’espace de quelques mois.
    Ces trois récits de personnes migrantes se ressemblent. Ils se déroulent pourtant dans trois Etats différents du nord de l’Afrique. Trois pays distincts qui ont en commun d’être les étapes ultimes des principales routes migratoires vers l’Europe : celle de la Méditerranée centrale, qui relie les côtes tunisiennes à l’île italienne de Lampedusa ; celle de la Méditerranée occidentale, qui part du Maghreb vers l’Espagne ou encore la route dite « Atlantique », qui quitte les rivages du Sénégal et du Sahara occidental pour rejoindre les îles Canaries.
    Pour cette raison, le Maroc, la Tunisie et la Mauritanie ont aussi en commun de faire l’objet de nombreuses attentions de l’Union européenne (UE) dans la mise en place de sa politique de lutte contre l’immigration irrégulière. Alors que la question migratoire crispe les opinions publiques et divise les Etats membres sur fond de montée de l’extrême droite dans de nombreux pays, l’Europe mobilise d’importants moyens pour éviter que les Subsahariens candidats à l’exil ne parviennent jusqu’à la mer. Au risque que l’aide apportée aux gouvernements du Maghreb participe à des violations répétées des droits humains.
    Depuis 2015, les trois Etats ont perçu plus de 400 millions d’euros pour la gestion de leurs frontières, rien que par l’entremise du fonds fiduciaire d’urgence (FFU), lancé par l’UE lors du sommet sur la migration de La Valette, capitale de Malte. Une somme à laquelle s’ajoutent des aides accordées directement par certains Etats membres ou relevant d’autres programmes. En juillet 2023, l’UE a encore signé un accord avec la Tunisie, qui inclut une aide de 105 millions d’euros pour lutter contre l’immigration irrégulière. Peu de temps avant, le 19 juin, le ministre de l’intérieur français, Gérald Darmanin, en déplacement à Tunis, s’était engagé à verser plus de 25 millions d’euros à Tunis pour renforcer le contrôle migratoire. Plus récemment, le 8 février, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, annonçait de Nouakchott la signature d’un soutien financier pour 210 millions d’euros à destination de la Mauritanie, dont une partie serait allouée à la « gestion des migrations ».
    A travers quelles pratiques ? Au terme de près d’un an d’enquête, Le Monde, le média à but non lucratif Lighthouse Reports et sept médias internationaux partenaires ont pu documenter pour la première fois le recours à des arrestations massives et à des expulsions collectives dans ces trois Etats. Au Maroc, en 2023, près de 59 000 migrants auraient été interpellés sur le territoire par les forces de sécurité, d’après un décompte officiel. Une partie d’entre eux ont été déportés vers le sud et vers l’intérieur du pays comme à Agadir, Khouribga, Errachidia, Béni Mellal. En Mauritanie, plusieurs bus rejoignent chaque semaine les étendues arides de la frontière avec le Mali et y abandonnent des groupes de migrants sans ressources. En Tunisie, ce sont onze renvois collectifs vers les frontières libyenne et algérienne, organisés par les forces de sécurité entre juillet 2023 et mai 2024, que nous avons pu documenter grâce à des témoignages, des enregistrements audio et vidéo. Une pratique aux conséquences dramatiques : au moins 29 personnes auraient péri dans le désert libyen, selon un rapport de la mission d’appui des Nations unies en Libye, paru en avril.
    Des migrants subsahariens abandonnés par la police tunisienne sans eau ni abri, dans le désert, non loin de la ville frontalière libyenne d’Al-Assah, le 16 juillet 2023.
    Interrogé sur le cas tunisien, en marge du discours sur l’état de l’Union devant le Parlement européen, le 15 septembre, le vice-président de la Commission européenne, le Grec Margaritis Schinas, assurait : « [Ces pratiques] ne se déroulent pas sous notre surveillance, et ne font pas partie de nos accords. L’argent européen ne finance pas ce genre de tactiques. » Notre enquête démontre le contraire.
    En Tunisie, des pick-up Nissan utilisés par la police pour arrêter les migrants correspondent à des modèles livrés par l’Italie et l’Allemagne entre 2017 et 2023. Au Maroc, les forces auxiliaires de sécurité, à l’origine de nombreuses arrestations, reçoivent une partie de l’enveloppe de 65 millions d’euros alloués par l’UE au royaume chérifien, entre 2017 et 2024, pour le contrôle de la frontière. En Mauritanie, les Vingt-Sept financent, dans les deux principales villes du pays et pour une enveloppe de 500 000 euros, la reconstruction de deux centres de rétention. Ceux-là mêmes où des migrants sont enfermés avant d’être envoyés dans le désert, acheminés dans des pick-up Toyota Hilux en tout point similaires à ceux livrés par l’Espagne en 2019. Des exemples, parmi d’autres, qui démontrent que ces opérations, contraires à la Convention européenne des droits de l’homme, bénéficient du soutien financier de l’UE et de ses Etats membres.
    Lamine, 25 ans, connaît les rues de Rabat comme sa poche. Le jeune homme, natif de Conakry, est arrivé au Maroc en 2017 « pour suivre une formation » de cuisine, relate-t-il lorsque nous le rencontrons, en octobre 2023, dans le quartier de Takaddoum, devenu le lieu de passage ou d’installation des migrants. Le jeune homme est enregistré auprès du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) comme demandeur d’asile, ce qui est censé le protéger d’une expulsion.
    Au fil des années, Lamine s’est habitué aux « rafles » quotidiennes par les forces auxiliaires de sécurité marocaines visant des migrants comme lui. A Takaddoum, nombreux sont ceux qui assurent avoir été témoins de l’une de ces arrestations de ressortissants subsahariens. « Tous les Blacks savent que s’ils sortent entre 10 et 20 heures, ils risquent de se faire embarquer », ajoute Mafa Camara, président de l’Association d’appuis aux migrants mineurs non accompagnés. Une affirmation « sans fondement », selon le ministère de l’intérieur marocain. Sollicité, le HCR confirme qu’« il arrive parfois que les réfugiés et les demandeurs d’asile soient arrêtés ». La suite est également connue : les personnes sont amenées dans des bâtiments administratifs faisant office de centres de rétention, avant d’être transférées dans un commissariat de la ville où des bus viennent les récupérer. Elles sont alors déportées, le plus souvent dans des zones reculées ou désertiques. Ce harcèlement serait un des maillons essentiels de la stratégie du royaume pour lutter contre l’immigration irrégulière. « Le but est bien sûr de rendre la vie des migrants difficile, soutient un consultant requérant l’anonymat. Si l’on vous emmène dans le Sahara deux fois, la troisième, vous voulez rentrer chez vous. » L’homme, qui a participé au Maroc à plusieurs projets de développement financés par l’UE, soutient que les autorités marocaines agissent de la sorte pour justifier les nombreux financements européens qu’elles reçoivent, dont 234 millions d’euros uniquement du FFU. « La relocalisation des migrants vers d’autres villes est prévue par la législation nationale. Elle permet de les soustraire aux réseaux de trafic et aux zones dangereuses », oppose, de son côté, le ministère de l’intérieur marocain.
    Début 2023, Rabat soutenait avoir empêché plus de 75 000 départs vers l’Europe, dont 59 000 sur son territoire et 16 000 en mer. En 2023, Lamine, lui, a été arrêté à six reprises avant d’être envoyé à l’autre bout du pays.
    Pendant plusieurs jours, nous avons suivi et filmé les minivans des forces auxiliaires qui sillonnent les rues de Rabat. Des témoignages, des vidéos et des enregistrements audio réunis par ailleurs attestent de l’ampleur du phénomène de harcèlement des migrants de Tanger à Fès, de Nador à Laayoune. Au cours de notre enquête, nous avons pu identifier deux types de véhicules utilisés pour ces opérations, achetés grâce à des financements européens. Comme ces utilitaires Fiat Doblo, visibles sur une vidéo d’arrestation de migrants, diffusée en mai 2021 à la télévision marocaine, identiques à ceux d’un lot acheté à partir de 2019 grâce au FFU. Ou ces 4 × 4 Toyota Land Cruiser, utilisés lors d’arrestations dont les images ont été diffusées sur les réseaux sociaux, et qui correspondent aux modèles achetés par l’Espagne, puis par l’Europe dans le cadre du FFU.
    Au Maroc, les forces auxiliaires de sécurité, à l’origine de nombreuses arrestations, filmées à Rabat, le 19 octobre 2023.
    Au Maroc, les forces auxiliaires de sécurité, à l’origine de nombreuses arrestations, filmées à Rabat, le 19 octobre 2023.
    Lors de ces arrestations collectives, le mode opératoire est toujours identique : deux minivans blancs stationnent dans un quartier fréquenté par des migrants, tandis que plusieurs agents en civil se mêlent à la foule. Ils contrôlent, puis appréhendent les migrants, avant de les faire monter dans les véhicules. Une vingtaine de personnes, que nous avons interrogées, assurent avoir été témoins ou victimes de violences policières lors de ces arrestations.
    Le 19 octobre 2023 à l’occasion d’une opération que nous avons documentée, un bus des forces auxiliaires a pris la direction de Khouribga, une bourgade à 200 kilomètres au sud de Rabat. En pleine nuit, les officiers ont déposé une dizaine de jeunes hommes à l’entrée de la petite ville. Ces derniers ont ensuite marché vers la gare routière, avant de rejoindre un petit groupe de migrants, eux-mêmes déportés quelques jours plus tôt. Parmi eux, Aliou, un Guinéen de 27 ans, affirme avoir été déplacé de la sorte « près de 60 fois » depuis son arrivée au Maroc, en 2020.

    C’est une valse incessante qui se joue ce 25 janvier, en fin de matinée, devant le commissariat du quartier de Ksar, à Nouakchott. Des véhicules vont et viennent. A l’intérieur de l’un d’eux – un minibus blanc –, une dizaine de migrants, le visage hagard. A l’arrière d’un camion de chantier bleu, une cinquantaine d’exilés se cramponnent pour ne pas basculer par-dessus bord. Tous ont été arrêtés par la police mauritanienne. Chaque jour, ils sont des centaines à découvrir l’intérieur décrépi de ces petits baraquements ocre. Cette étape ne dure que quelques jours au plus. « Il y a plusieurs bus par semaine qui partent vers le Mali », confirme un visiteur du commissariat faisant office de centre de rétention.
    Sur ces images filmées en Mauritanie, en caméra cachée, plus d’une dizaine de migrants sont sur le point d’être déposés devant le centre de rétention de Ksar, à Nouakchott, avant d’être déportés loin de la ville, le 25 janvier 2024.
    Sur ces images filmées en Mauritanie, en caméra cachée, plus d’une dizaine de migrants sont sur le point d’être déposés devant le centre de rétention de Ksar, à Nouakchott, avant d’être déportés loin de la ville, le 25 janvier 2024. Certains migrants ont été appréhendés dans les rues de Nouakchott. « Le bus des policiers se promène dans les quartiers où vivent les migrants, comme le Cinquième [un quartier à l’ouest de Nouakchott], témoigne Sady, un Malien arrivé en Mauritanie en 2019. Les policiers entrent dans les boutiques. Ils demandent aux gens : “Tu es étranger ?” Puis ils les emmènent. A chaque fois, j’ai vu des gens se faire frapper, maltraiter. On vit avec la crainte de ces refoulements. »
    « Les éventuelles interpellations concernant les étrangers en situation irrégulière se font conformément aux conventions, lois et règlements en vigueur, sans arbitraire ni ciblage de zones ou de quartiers spécifiques », assure le porte-parole du gouvernement mauritanien, Nani Ould Chrougha. Bella et Idiatou ont, quant à elles, été interceptées en mer par des gardes-côtes, lors d’une tentative de traversée en direction des îles Canaries, confettis d’îles espagnoles à plusieurs centaines de kilomètres des côtes africaines. Le traitement qui leur a été réservé est le même que pour les autres migrants, alors qu’elles bénéficiaient d’un titre de séjour mauritanien : une expulsion manu militari vers les frontières sud du pays. « Des expulsions vers le Sénégal et le Mali, sur des bases raciales, ont eu lieu entre 1989 et 1991, souligne Hassan Ould Moctar, spécialiste des questions migratoires. Mais les demandes répétées de l’Union européenne en matière migratoire ont réactivé cette dynamique. »Pour Bella et Idiatou comme pour Sady, la destination finale est Gogui, à la frontière malienne, une zone désertique à plus de 1 000 kilomètres de Nouakchott. « Ils nous ont jetés hors du bus, puis ils nous ont poussés vers la frontière. Ils nous ont chassés comme des animaux et ils sont partis », raconte, révoltée, Idiatou, quand nous la rencontrons au Sénégal, où elle a trouvé refuge. Ce récit, neuf migrants au total l’ont confié au Monde. Sady, qui vivait à Nouakchott grâce à des petits boulots, a été repoussé deux fois. Selon un document interne du HCR, que Le Monde a consulté, plus de 300 personnes dénombrées par le Haut-Commissariat ont fait l’objet du même traitement en 2023. La majorité d’entre elles assurent avoir été victimes de violations des droits humains. Sollicité, un porte-parole du HCR confirme avoir « reçu des rapports faisant état de cas de refoulement vers le Mali » et « plaider auprès des autorités mauritaniennes pour mettre fin à de telles pratiques ». « Les migrants en situation irrégulière sont reconduits aux postes-frontières officiels de leur pays de provenance », se défend le porte-parole du gouvernement mauritanien, selon lequel le procédé est conforme à la loi et réalisé en assurant une « prise en charge totale – nourriture, soins de santé, transport ». La Mauritanie est depuis quinze ans l’un des verrous des routes migratoires qui mènent en Espagne. D’après notre décompte, sans inclure l’argent promis début 2024, plus de 80 millions d’euros ont été investis par l’UE dans le pays depuis 2015, destinés surtout au renforcement des frontières, à la formation des effectifs de police ou encore à l’achat de véhicules. Les groupes d’action rapide-surveillance et intervention (GAR-SI), des unités d’élite financées par l’UE dans plusieurs pays du Sahel à travers le FFU, ont également fait partie du dispositif. En 2019, ils ont ainsi livré à la police mauritanienne 79 personnes appréhendées sur le territoire, d’après un document interne de l’UE. Un rapport non public de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), daté de février 2022, mentionne qu’une bonne partie de leurs effectifs – plus de 200 hommes – a été déployée à Gogui pour des missions de « surveillance frontalière ».
    En outre, plusieurs véhicules utilisés pour assurer les expulsions de Nouakchott vers le sud du pays correspondent à des modèles livrés par des Etats membres. Comme ces pick-up Toyota Hilux fournis par l’Espagne, « pour la surveillance du territoire ou la lutte contre l’immigration irrégulière ». Depuis 2006 et en vertu d’un accord bilatéral de réadmission de migrants entre les deux pays, une cinquantaine de policiers espagnols sont déployés en permanence à Nouakchott et à Nouadhibou, les deux principales villes du pays. Des moyens techniques, dont des bateaux, sont également mis à disposition. En 2023, près de 3 700 interceptions en mer ont ainsi été réalisées par des patrouilles conjointes, d’après un décompte du ministère de l’intérieur espagnol, consulté par Le Monde. Plusieurs sources policières et un visiteur des centres de rétention mauritaniens attestent de la présence fréquente de policiers ibériques à l’intérieur. Bella et Idiatou assurent avoir été prises en photo par ces derniers au commissariat de Nouakchott. Interrogée sur ce point, l’agence espagnole Fiiapp, principal opérateur de ces projets de coopération policière, a nié la présence d’agents dans le centre de rétention. Les autorités mauritaniennes, quant à elles, ont confirmé l’existence d’« échange d’informations dans le domaine de la lutte contre l’immigration clandestine », mais « dans le respect de la vie privée des personnes et de la protection de leurs données personnelles ». Selon un autre document du HCR, daté de janvier 2023, des migrants rapportent que les Espagnols ont participé aux raids les visant. « Parfois, ils essayaient même d’expulser des gens qu’on avait identifiés comme réfugiés », se souvient un salarié de l’agence, que nous avons interrogé. « Notre équipe de policiers sur le terrain n’est pas au courant de telles pratiques », assure la Fiiapp. Quand le ministère de l’intérieur espagnol se borne à répondre que ses effectifs travaillent « dans le respect des droits de l’homme, et en accord avec la législation nationale et internationale ».
    Un matin de novembre 2023, dans la ville tunisienne de Sfax, Moussa, un demandeur d’asile camerounais de 39 ans, et son cousin sortent d’un bureau de poste lorsqu’ils sont interpellés par les autorités. En quelques heures, les deux hommes se retrouvent à la frontière libyenne, remis aux mains d’une milice, puis enfermés dans l’un des centres de détention pour migrants du pays. Pendant plusieurs mois, ils subissent des violences quotidiennes.
    Selon la Mission d’appui des Nations unies en Libye (Manul), près de 9 000 personnes ont été « interceptées » depuis l’été 2023 par les autorités de Tripoli, à la frontière tunisienne. Dans une note interne que nous avons consultée, la Manul déplore des « expulsions collectives » et des « retours forcés sans procédure », exposant les migrants à de « graves violations et abus des droits humains, avec des cas confirmés d’exécution extrajudiciaire, de disparition, de traite, de torture, de mauvais traitement, d’extorsion et de travail forcé ». « Ils repartent d’où ils viennent, car ils causent des problèmes », justifie, sous le couvert de l’anonymat, un agent de la garde nationale. Sollicité, le ministère des affaires étrangères tunisien réfute les accusations d’« expulsion de migrants d’origine subsaharienne vers des zones désertiques », les qualifiant d’« allégations tendancieuses ».
    Dès le 7 juillet 2023, Frontex, l’agence européenne de garde-frontières, est pourtant informée – selon un rapport interne dont nous avons pris connaissance – de ces « opérations » consistant à « conduire des groupes de ressortissants subsahariens jusqu’à la frontière [de la Tunisie] avec la Libye et l’Algérie, en vue de leur refoulement ». Frontex ajoute que ces opérations sont surnommées sur les réseaux sociaux « ménage de blacks ». Une source européenne anonyme, au fait du dossier, veut croire qu’« aucune ressource provenant de l’UE n’a contribué à ce processus [d’expulsion] », mais reconnaît toutefois qu’il est « très difficile de tracer une limite, car [l’UE soutient] les forces de sécurité ».
    Utilisation de ressources européennes
    Depuis une dizaine d’années, de fait, l’UE participe au renforcement de l’appareil sécuritaire tunisien, d’abord à des fins de lutte contre le terrorisme, puis contre l’immigration irrégulière. Jusqu’en 2023, elle a investi plus de 144 millions d’euros dans la « gestion des frontières », auxquels s’ajoutent les aides directes des Etats membres, permettant l’achat d’équipements comme ​​des navires, des caméras thermiques, des radars de navigation… Près de 3 400 agents de la garde nationale tunisienne ont par ailleurs reçu des formations de la part de la police fédérale allemande entre 2015 et août 2023 ; et deux centres d’entraînement ont été financés par l’Autriche, le Danemark et les Pays-Bas, à hauteur de 8,5 millions d’euros.
    L’enquête du Monde et de ses partenaires montre que certaines de ces ressources ont directement été utilisées lors d’expulsions. Ainsi, Moussa a formellement identifié l’un des véhicules dans lequel il a été déporté vers la Libye : un pick-up Navara N-Connecta blanc du constructeur Nissan – modèle analogue aux 100 véhicules offerts à la Tunisie par l’Italie, en 2022 pour « lutter contre l’immigration irrégulière et la criminalité organisée ». A Sfax, en Tunisie, ces véhicules utilisés par la police lors d’une arrestation collective sont du même modèle que ceux fournis par l’Italie en 2022, comme le montre un document nos équipes se sont procuré.
    En 2017, le gouvernement allemand avait, lui aussi, offert à la Tunisie 37 Nissan Navara, en plus d’autres équipements, dans le cadre d’une aide à la « sécurisation des frontières ». Deux vidéos publiées sur les réseaux sociaux, et que nous avons vérifiées, montrent également l’implication des mêmes véhicules dans les opérations d’arrestation et d’expulsion menées par les autorités tunisiennes dans la ville de Sfax. Contacté, le ministère de l’intérieur allemand s’est dit attaché « à ce que les équipements remis dans le cadre de la coopération bilatérale soient utilisés exclusivement aux fins prévues », tout en estimant que les véhicules décrits par notre enquête sont « très répandus en Afrique ». Les autorités italiennes n’ont pas répondu à nos sollicitations.
    En dépit de la situation, largement relayée par la presse, de centaines de migrants repoussés dans les zones frontalières du pays, l’UE a signé, le 16 juillet 2023, un mémorandum d’entente avec la Tunisie, devenue le premier point de départ des migrants vers le continent. Un accord érigé en « modèle » par Mme von der Leyen. La médiatrice européenne, Emily O’Reilly, a toutefois ouvert une enquête sur ce mémorandum : « Le financement de l’UE (…) ne doit pas soutenir les actions ou mesures susceptibles d’entraîner des violations des droits de l’homme dans les pays partenaires », a rappelé Mme O’Reilly à Mme von der Leyen, dans une lettre rendue publique le 13 septembre 2023.
    « Les Etats européens ne veulent pas avoir les mains sales. Ils sous-traitent donc à des Etats tiers des violations des droits de l’homme, estime, pour sa part, Marie-Laure Basilien-Gainche, professeure de droit public à l’université Jean-Moulin-Lyon-III. Mais, du point de vue du droit, ils pourraient être tenus pour responsables. » La Commission européenne nous informe par la voix d’un porte-parole que « l’UE attend de ses partenaires qu’ils remplissent leurs obligations internationales, y compris le droit au non-refoulement » et que « tous les contrats de l’UE contiennent des clauses relatives aux droits de l’homme permettant à la Commission d’ajuster leur mise en œuvre si nécessaire ». Or, des documents que nous nous sommes procurés attestent de la connaissance que les instances de l’UE ont de ces arrestations et de ces déportations collectives. Une décision de la Commission européenne, de décembre 2019, à propos des financements de l’UE au Maroc, fait par exemple référence à une « vaste campagne de répression » contre des migrants subsahariens, se traduisant par des arrestations et des expulsions « illégales » dans des zones reculées. Dans un rapport finalisé en 2019, la Cour des comptes européenne s’inquiétait, déjà, de l’opacité avec laquelle les fonds attribués par les Vingt-Sept aux autorités marocaines étaient utilisés, ainsi que du manque de « procédures de contrôle ».
    En Mauritanie, plusieurs officiels du HCR, de l’OIM ou des forces de police espagnoles confient avoir connaissance de la pratique d’expulsion en plein désert. Des éléments repris dans un rapport et une recommandation du Parlement européen datés de novembre 2023 et janvier 2024. Alors que le déploiement de Frontex en Mauritanie est en cours de discussion, l’agence rappelait, en 2018, dans un guide de formation à l’analyse de risques, destiné aux Etats africains partenaires dans la lutte contre l’immigration irrégulière, que la « charte africaine des droits de l’homme et des peuples interdit les arrestations ou détentions arbitraires ». En dépit de cette attention, Frontex a ouvert une cellule de partage de renseignement à Nouakchott, dès l’automne 2022, et procédé à la formation de plusieurs policiers. Parmi eux se trouvent plusieurs agents en poste au centre de rétention de Nouakchott. Celui-là même par lequel transitent chaque jour des migrants victimes de déportation collective.

    #Covid-19#migrant#migrant#UE#tunie#maroc#mauritanie#espagne#frontex#oim#hcr#droit#sante#refoulement#violence#migrationirreguliere#politiquemigratoire#routemigratoire

  • En Antarctique, le « glacier de l’Apocalypse » fond encore plus vite que prévu
    https://reporterre.net/En-Antarctique-le-glacier-de-l-Apocalypse-fond-encore-plus-vite-que-prev

    Le glacier Thwaites, l’une des plus grosses et plus instables masses de glace terrestres, située dans la péninsule de l’Antarctique de l’Ouest, inquiète depuis de nombreuses années les chercheurs pour sa fonte accélérée : surnommé par les scientifiques le « glacier de l’Apocalypse », il est responsable à lui seul de 4 % de la hausse annuelle du niveau des mers.

    (...)

    À partir des données d’observation satellitaire particulièrement précises du réseau Iceye, les chercheurs ont mis en évidence une intrusion d’eau de mer chaude et dense sous la surface du glacier, sur plusieurs kilomètres.

    (...)

    Ce mécanisme provoque une « fonte vigoureuse » du glacier. À tel point que les chercheurs alertent sur le risque que nous ayons sous-estimé la montée des eaux à venir. Le glacier Thwaites, s’il fondait entièrement, représenterait à lui seul 60 cm de montée du niveau des mers.

    Ce que je trouve drôlatique, c’est que les plus riches n’ont rien trouvé de mieux que de ponctionner toujours plus de richesses, alors que bientôt, ces milliers de milliards ne vaudront plus rien, et qu’ils auraient été nettement plus utiles si on les avait injectés dans l’économie afin de nous préparer collectivement à ce qui arrive.

    C’est ce que j’appellerais le court-termisme extrême, ou l’extrême-thésaurisme.

  • I luoghi della memoria dell’Italia fascista

    Il territorio di questo paese conserva molte tracce del suo passato fascista sotto forma di edifici, monumenti, ma anche nomi di strade, vie o scuole. In alcuni casi, quando simboli, monumenti e intitolazioni sono presenti nella nostra vita quotidiana senza essere oggetto di commemorazione o ricostruzione memoriale specifica, essi giacciono lì, muti per la maggior parte della popolazione, ma presenti e disponibili a diversi tipi di riattivazione. In altri casi questi luoghi sono invece oggetto di commemorazioni e cerimonie, per lo più presidi di una memoria minoritaria, ma che riappare carsicamente nella storia d’Italia, coltivate da minoranze neofasciste o della nuova destra, che cercano di costruire un ponte che legittimi il presente attraverso la storia del passato fascista, ma anche che permetta di coltivare costruzioni identitarie antidemocratiche.

    Per riflettere su questi fenomeni, l’Istituto nazionale Ferruccio Parri ha avviato un progetto che ha l’obiettivo di mappare e ricostruire progressivamente la storia dei ‘luoghi della memoria’ locale e nazionale del fascismo storico (1919-1945). Obiettivo del progetto è individuare e analizzare i monumenti e le intitolazioni di strade e edifici pubblici che sono stati costruiti come luoghi della memoria del fascismo durante il regime o negli anni successivi alla Liberazione del paese.

    Questa mappatura ha l’obiettivo di verificare la geografia di questi monumenti e di queste intitolazioni ricorrenti; leggerne la stratificazione storica e in ogni caso ricostruire la storia di questi luoghi della memoria, del significato che hanno assunto del tempo e di come sono stati modificati dal tempo o dagli uomini e dalle donne di questo paese. Questa ricerca dovrebbe così permettere di leggere e analizzare i diversi modi in cui nelle composite comunità locali e territoriali la memoria del fascismo è stata preservata e/o ricostruita, come questa costruzione si collochi in relazione con altre memorie politiche e come, nel corso di questi anni, in concomitanza con la rilegittimazione in corso dell’esperienza fascista, queste memorie si siano ridefinite e rialimentate. Questo progetto ha nutrito anche una riflessione scientifica più articolata, che è stata ripresa e riarticolata nel volume curato da Giulia Albanese e Lucia Ceci intitolato I luoghi del fascismo. Memoria, politica e rimozione (Viella, 2022).

    Questo progetto è coordinato da Giulia Albanese insieme a un gruppo di lavoro del comitato scientifico del Parri composto da Filippo Focardi (direttore scientifico dell’Istituto nazionale Ferruccio Parri), Mirco Carrattieri, Lucia Ceci, Costantino Di Sante, Carlo Greppi, Metella Montanari, Nicola Labanca. Questo gruppo, a partire dal 2021, è stato sostituito dai membri del nuovo Comitato scientifico del Parri (2021-2024): Filippo Focardi (Direttore scientifico, Presidente), Laura Bordoni, Lucia Ceci, Annalisa Cegna, Chiara Colombini, Andrea Di Michele, Nicola Labanca, Matteo Mazzoni, Santo Peli, Antonella Salomoni, Giovanni Scirocco.

    Il progetto del sito e del database è stato realizzato da Igor Pizzirusso.
    Antonio Spinelli e Giulia Dodi hanno invece curato redazione, approfondimento scientifico e validazione delle schede (oltre a contribuire con ulteriori segnalazioni).
    Fondamentale è stato il lavoro dei volontari della rete degli istituti per la storia della resistenza che hanno inviato segnalazioni o realizzato il primo censimento, ma anche da studiosi indipendenti che hanno collaborato all’individuazione dei luoghi e alla loro schedatura. Questa ricerca è dunque il frutto di un progetto collaborativo e in progress, ma ciascuna scheda riporta l’indicazione dell’autore della compilazione.

    L’Istituto nazionale Ferruccio Parri ha aperto una collaborazione con Postcolonialitaly.com, per rendere disponibili a quel progetto i luoghi coloniali censiti in questo sito e ricevere le schede di quel sito con riferimento ai luoghi coloniali che sono pertinenti per questo progetto. Nella scheda descrittiva daremo conto di eventuali schede derivate da quel progetto.


    https://www.luoghifascismo.it

    #Italie_fasciste #fascisme #Italie #cartographie #traces #visualisation #mémoire #toponymie #toponymie_politique #toponymie_fasciste

    –-

    ajouté à la métaliste sur l’Italie coloniale (la question coloniale se chevauche avec la question fasciste) :
    https://seenthis.net/messages/871953

    • I luoghi del fascismo. Memoria, politica, rimozione

      Cosa resta dei monumenti, dei complessi architettonici, delle opere d’arte attraverso cui il fascismo intese esplicitamente celebrare e tramandare sé stesso? Quale uso è stato fatto nell’Italia repubblicana di queste tracce materiali?

      In che modo la memoria dei luoghi del fascismo somiglia a quanto è avvenuto in altri stati con esperienze analoghe?

      Il volume indaga questi temi a partire da alcuni luoghi particolarmente significativi nella storia italiana (presenti in città come Roma, Milano, Latina, Livorno, Padova o in piccoli centri della Calabria) e di alcuni paesi europei (Germania, Spagna, Portogallo). Il lavoro si inserisce in un ampio progetto di ricerca dell’Istituto nazionale Ferruccio Parri finalizzato alla mappatura dei luoghi della memoria commemorativa del fascismo in Italia.

      https://www.viella.it/libro/9791254691908

      #livre

  • Carte à la une. Déconstruire un récit impérial : le mythe Sykes-Picot — Géoconfluences
    https://geoconfluences.ens-lyon.fr/informations-scientifiques/a-la-une/carte-a-la-une/sykes-picot

    Très bon article

    La carte dite de Sykes-Picot (1916) est souvent présentée comme l’illustration la plus flagrante de l’impérialisme européen au Moyen-Orient et de la manière dont les frontières y ont été tracées arbitrairement. En replaçant cette carte dans son contexte historique, l’historiographie récente nuance cette idée. Exagérer son importance revient à occulter la longue histoire des frontières et tend à faire oublier que ce mythe est lui-même en partie hérité des discours impériaux.


    #cartographie #colonisation #géopolitique

  • Ukrainian Refugees in Switzerland: A research synthesis of what we know

    The objective of this research synthesis is to collect and summarize the research literature on Ukrainian refugees in Switzerland. This is done through a systematic review, mostly in the form of a narrative review and with statistical indicators that are synthesized. There is a wide range of evidence on Ukrainian refugees in Switzerland and their integration, although substantive and systematic gaps remain. The review provides a brief historical background, looks at the demographic composition of Ukrainian refugees in Switzerland, discusses economic integration, housing, education, social integration, crime and safety, health and well-being, and attitudes to Ukrainian refugees. Much less is known about cultural integration and political participation. Given the size of the population and the ongoing war in Ukraine, more research on Ukrainian refugees is warranted, particularly in the direction of successful integration in a context where return seems increasingly unlikely — although dual-intent remains the official focus —, and in areas beyond economic integration that affect well-being and intentions to return.

    https://osf.io/preprints/socarxiv/tcnhx

    #statistiques #chiffres #réfugiés_ukrainiens #réfugiés #Ukraine #asile #migrations #Suisse

  • La memoria rimossa del massacro di Debre Libanos e dell’età coloniale italiana

    Tra il 20 e il 29 maggio 1937 le truppe italiane massacrarono più di duemila monaci e pellegrini al monastero etiope. Una strage che, come altri crimini di guerra commessi nelle colonie, trova spazio a fatica nel discorso pubblico, nonostante i passi fatti da storiografia e letteratura. Con quel passato il nostro Paese non ha mai fatto i conti, né sul piano giuridico né su quello materiale.

    “Questo avvocato militare mi ha comunicato proprio in questo momento che habet raggiunto la prova assoluta della correità dei monaci del convento di Debra Libanos con gli autori dello attentato. Passi pertanto per le armi tutti i monaci indistintamente, compreso il vice-priore. Prego farmi assicurazione comunicandomi il numero di essi”.

    È il 19 maggio 1937. Con queste poche parole Rodolfo Graziani, “viceré d’Etiopia”, dà il via al massacro dei monaci di Debre Libanos, uno dei monasteri più importanti del Paese, il cuore della chiesa etiopica. Solo tre mesi prima Graziani era sopravvissuto a un attentato da parte di due giovani eritrei, ex collaboratori dell’amministrazione coloniale italiana, che agirono isolatamente, seppur vicini alla resistenza anti-italiana. La reazione fu spietata: tra il 19 e il 21 febbraio le truppe italiane, appoggiate dai civili e dalle squadre fasciste, uccisero quasi 20mila abitanti di Addis Abeba.

    Le violenze proseguirono per mesi e si allargarono in tutta la regione dello Scioa fino a raggiungere la città-monastero di Debre Libanos, a circa 150 chilometri dalla capitale etiope dove tra il 20 e il 29 maggio 1937 ebbe luogo il più grande eccidio di cristiani mai avvenuto nel continente africano.

    “Vennero massacrate circa duemila persone tra monaci e pellegrini perché ritenuti in qualche modo conniventi con l’attentato a Graziani -spiega ad Altreconomia Paolo Borruso, docente di storia contemporanea all’Università Cattolica di Milano e autore del saggio “Debre Libanos 1937” (Laterza, 2020)-. Si è trattato di un vero e proprio crimine di guerra, poiché l’eccidio è stato qualcosa che è andato al di là della logica militare, andando a colpire dei religiosi, peraltro cristiani e inermi”.

    Al pari di molte altre vicende legate al passato coloniale italiano, a partire proprio dal massacro di Addis Abeba, anche la tragica vicenda di Debre Libanos è rimasta ai margini del discorso pubblico. Manca una memoria consapevole sulle responsabilità per gli eccidi e le violenze commesse dagli italiani nel corso della loro “avventura” coloniale per andare alla ricerca di un “posto al sole” in Libia, in Eritrea, Somalia ed Etiopia al pari delle altre nazioni europee, vengono ancora oggi occultate dalla coscienza pubblica.

    “La storiografia, a partire dal lavoro di Angelo Del Boca, ha fatto enormi passi avanti. Non c’è un problema di ricerca storica sul tema, quello che manca, piuttosto, è la conoscenza di quello che è avvenuto in quella fase storica al di là dei circoli degli addetti ai lavori”, puntualizza Valeria Deplano, docente di storia contemporanea all’Università di Cagliari e autrice, assieme ad Alessandro Pes di “Storia del colonialismo italiano. Politica, cultura e memoria dall’età liberale ai nostri giorni” (Carocci, 2024).

    Se da un lato è molto difficile oggi trovare chi nega pubblicamente l’uso dei gas in Etiopia, dall’altro è ancora molto diffusa l’idea che le violenze furono delle eccezioni riconducibili alle decisioni di pochi, dei vertici: il mito degli italiani “brava gente”, dunque, resiste ancora a ben sedici anni di distanza dalla pubblicazione dell’omonimo libro di Angelo Del Boca.

    Che l’Italia non abbia ancora fatto compiutamente i conti con il proprio passato coloniale lo dimostrano, ad esempio, le accese polemiche attorno alle richieste avanzate da attivisti e comunità afro-discendenti per modificare e contestualizzare la toponomastica delle nostre città o per una ri-significazione dei di monumenti che celebrano il colonialismo italiano (ad esempio l’obelisco che celebra i cinquecento caduti italiani nella battaglia di Dogali a Roma, nei pressi della Stazione Termini) (https://altreconomia.it/perche-serve-mappare-i-segni-del-fascismo-presenti-nelle-nostre-citta). Temi che vengono promossi, tra gli altri, dalla rete Yekatit 12-19 febbraio il cui obiettivo è quello contribuire a un processo di rielaborazione critica e collettiva del ruolo del colonialismo nella storia e nel presente dell’Italia e che vorrebbe il riconoscimento di una giornata nazionale del ricordo delle oltre 700mila vittime del colonialismo italiano.

    “C’è un rifiuto a riconoscere il fatto che i monumenti e le strade intitolate a generali e luoghi di battaglia sono incompatibili con i valori di cui la Repubblica dovrebbe farsi garante”, sottolinea Deplano ricordando come fu proprio nel secondo Dopoguerra che si costruì un racconto del colonialismo finalizzato a separare quello “cattivo” del regime fascista da quello “buono” dell’Italia liberale. Una narrazione funzionale all’obiettivo di ottenere dalle Nazioni Unite un ruolo nella gestione di alcune ex colonie alla fine della Seconda guerra mondiale: se l’Eritrea (la “colonia primigenia”) nel 1952 entra a far parte della Federazione etiopica per decisione dell’Onu, Roma ottenne invece l’Amministrazione fiduciaria della Somalia, esercitando un impatto significativo sulle sorti di quel Paese per decenni.

    “Invece ci fu continuità -sottolinea Deplano-. Furono i governi liberali a occupare l’Eritrea nel 1882 e ad aprire le carceri dove vennero rinchiusi i dissidenti eritrei, a dichiarare guerra all’Impero ottomano per occupare la Libia nel 1911 dove l’Italia fu il primo Paese a utilizzare la deportazione della popolazione civile come arma di guerra. Il fascismo ha proseguito lungo questa linea con ancora maggiore enfasi, applicando in Africa la stessa violenza che aveva già messo in atto sul territorio nazionale”.

    Con quel passato l’Italia non ha mai fatto i conti, né sul piano giuridico né su quello materiale. Come ricorda Paolo Borruso in un articolo pubblicato su Avvenire (https://www.avvenire.it/agora/pagine/su-debre-libanos-il-dovere-della-memoria-e-conquista-di-civilta), Graziani venne condannato a 19 anni di reclusione per collaborazionismo con la Repubblica sociale italiana, ma non per i crimini commessi in Africa. Le ex colonie ricevettero indennizzi irrisori e persino gli oggetti sacri trafugati a Debre Libanos e portati in Italia non furono mai ritrovati.

    “Gli italiani non possono ricordare solo quelle pagine della loro storia funzionali alla costruzione di un’immagine positiva, serve una consapevolezza nuova”, riflette Borruso. Che mette l’accento anche su una “discrasia pericolosa: da un lato la giusta memoria delle stragi nazi-fasciste commesse ‘in Italia’ e dall’altro la pubblica amnesia sulle violenze commesse ‘dall’Italia’ nelle sue colonie in Africa. Questo distacco dalla storia è molto preoccupante perché lascia la coscienza pubblica in balìa di pericolose derive disumanizzanti, aprendo vuoti insidiosi e facilmente colmabili da slogan e da letture semplificate del passato, fino alla riemersione di epiteti e attributi razzisti, che si pensava superati e che finiscono per involgarire la coscienza civile su cui si è costruita l’Italia democratica”.

    Se agli storici spetta il compito di scrivere la storia, agli scrittori spetta quello di tracciare fili rossi tra passato e presente, portando alla luce memorie sepolte per analizzarle e contestualizzarle. Lo ha fatto, ad esempio, la scrittrice Elena Rausa autrice di “Le invisibili” (Neri Pozza 2024) (https://neripozza.it/libro/9788854529120), un romanzo che si apre ad Addis Abeba, durante la rappresaglia del 1937 per concludersi in anni più recenti e che dà voce a uno dei “reduci” dell’avventura coloniale italiana e a suo figlio. “Ho voluto indagare in che modo le memorie negate dei traumi inflitti o subiti continuano a influenzare l’oggi -spiega ad Altreconomia-. Tutto ciò che non viene raccontato continua a esercitare delle influenze inconsapevoli: si stima che un italiano su cinque abbia nella propria storia familiare dei cimeli legati alle campagne militari per la conquista dell’Eritrea, della Libia, della Somalia e dell’Etiopia. In larga parte sono uomini che hanno fatto o, più facilmente, hanno visto cose di cui pochi hanno parlato”.

    A confermare queste osservazioni, Paolo Borruso richiama il suo ultimo saggio “Testimone di un massacro” (Guerini 2022) (https://www.guerini.it/index.php/prodotto/testimone-di-un-massacro), relativa al diario di un ufficiale alpino che partecipò a numerose azioni repressive in Etiopia, al comando di un reparto di ascari (indigeni arruolati), fino alla strage di Debre Libanos, sia pur con mansioni indirette di sorveglianza del territorio: una testimonianza unica, mai apparsa nella memorialistica coloniale italiana.

    Un altro filo rosso è legato alle date: l’invasione dell’Etiopia da parte delle truppe dell’Italia fascista ebbe inizio il 3 ottobre 1935. Quasi ottant’anni dopo, nel 2013, in quello stesso giorno più di trecento profughi, in larga parte eritrei ed etiopi, perdevano la vita davanti all’isola di Lampedusa. Migranti provenienti da Paesi che hanno con l’Italia un legame storico.

    E se oggi la migrazione segue una rotta che va da Sud verso Nord, in passato il percorso è stato inverso: “Come il protagonista del mio romanzo, anche il mio bisnonno è partito per l’Etiopia, ma non per combattere -racconta-. Migliaia di persone lasciarono l’Italia per lavorare in Etiopia e molti rimasero anche dopo il 1941. Anche in quel caso a partire furono persone che si misero in viaggio alla ricerca di condizioni migliori di vita per sé e per i propri figli. Ricordare anche quella parte di storia migratoria italiana significa riconoscere la radice inconsapevole del nostro modo di guardare chi oggi lascia la propria terra per compiere un viaggio inverso”.

    https://altreconomia.it/la-memoria-rimossa-del-massacro-di-debre-libanos-e-delleta-coloniale-it
    #colonialisme #Italie_coloniale #colonialisme_italien #massacre #Debre_Libanos #monastère #Ethiopie #histoire_coloniale #Rodolfo_Graziani #fascisme #Scioa #violence #crimes_de_guerre #mémoire #italiani_brava_gente #passé_colonial #toponymie #toponymie_politique #toponymie_coloniale #déportations

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    • Debre Libanos 1937. Il più grave crimine di guerra dell’Italia

      Tra il 20 e il 29 maggio 1937 ebbe luogo, in Etiopia, il più grave eccidio di cristiani mai avvenuto nel continente africano: nel villaggio monastico di Debre Libanos, il più celebre e popolare santuario del cristianesimo etiopico, furono uccisi circa 2000 tra monaci e pellegrini, ritenuti ‘conniventi’ con l’attentato subito, il 19 febbraio, dal viceré Rodolfo Graziani. Fu un massacro pianificato e attuato con un’accurata strategia per causare il massimo numero di vittime, oltrepassando di gran lunga le logiche di un’operazione strettamente militare. Esso rappresentò l’apice di un’azione repressiva ad ampio raggio, tesa a stroncare la resistenza etiopica e a colpire, in particolare, il cuore della tradizione cristiana per il suo storico legame con il potere imperiale del negus. All’eccidio, attuato in luoghi isolati e lontani dalla vista, seguirono i danni collaterali, come il trafugamento di beni sacri, mai ritrovati, e le deportazioni di centinaia di ‘sopravvissuti’ in campi di concentramento o in località italiane, mentre la Chiesa etiopica subiva il totale asservimento al regime coloniale. L’accanimento con cui fu condotta l’esecuzione trovò terreno in una propaganda (sia politica che ‘religiosa’) che andò oltre l’esaltazione della conquista, fino al disprezzo che cominciò a circolare negli ambienti coloniali fascisti ed ecclesiastici nei confronti dei cristiani e del clero etiopici, con pesanti giudizi sulla loro fama di ‘eretici’, scismatici. Venne a mancare, insomma, un argine ad azioni che andarono oltre l’obiettivo della sottomissione, legittimate da una politica sempre più orientata in senso razzista. I responsabili di quel tragico evento non furono mai processati e non ne è rimasta traccia nella memoria storica italiana. A distanza di ottant’anni, la vicenda riappare con contorni precisi e inequivocabili che esigono di essere conosciuti in tutte le loro implicazioni storiche.

      https://www.laterza.it/scheda-libro/?isbn=9788858141083
      #livre #Paolo_Borruso

    • Storia. Su Debre Libanos il dovere della memoria è conquista di civiltà

      Dal 21 al 27 maggio 1937 il viceré Graziani fece uccidere duemila etiopi. Un eccidio coloniale a lungo rimosso che chiede l’attenzione delle istituzioni e della storiografia.

      Il nome di Debre Libanos è tristemente legato al più grave crimine di guerra italiano, ordinato dal viceré d’Etiopia Rodolfo Graziani come rappresaglia per un attentato da cui era sfuggito. È il più antico santuario cristiano dell’Etiopia, meta di pellegrini da tutto il paese. Il 12 Ginbot (20 maggio) ricorre la memoria della traslazione, nel 1370, dei resti di san Tekla Haymanot – fondatore nel XIII secolo della prima comunità monastica in quel sito –: è la festa più sacra dell’anno, particolarmente attesa a Debre Libanos non solo tra i monaci, ma da tutti i cristiani etiopici provenienti da ogni parte del paese. È il giorno di massima affluenza di persone nel monastero. Ed è il motivo che spinse il viceré d’Etiopia Rodolfo Graziani ad una cinica pianificazione fin nei minimi dettagli. Tra il 21 e il 27 maggio 1937 i militari italiani, sotto la guida del generale Pietro Maletti, presidiarono il santuario e prelevarono i presenti, caricandoli a gruppi su camion verso luoghi isolati, dove ebbero luogo le esecuzioni, ordinate ai reparti coloniali musulmani per scongiurare possibili ritrosie degli ascari cristiani di fronte a correligionari. Nonostante le 452 esecuzioni dichiarate da Graziani per cautelarsi da eventuali inchieste, le indagini più recenti attestano un numero molto più alto, compreso tra le 1.800 e le 2.200.

      Sono passati 86 anni da quel tragico episodio, che andò molto al di là di una strategia puramente militare. Un «crimine di guerra», appunto, per il quale i responsabili non furono mai processati. Nel dopoguerra Graziani fu condannato a 19 anni di reclusione per collaborazionismo con la Repubblica sociale italiana, ma non per le violenze inflitte in Africa, e scontò solo quattro mesi in seguito ad amnistia, divenendo nel 1952 presidente onorario del Movimento sociale italiano, erede diretto del fascismo.

      Nell’Italia del dopoguerra, le esigenze del nuovo corso democratico spinsero a rimuovere memorie e responsabilità di quella violenta e imbarazzante stagione, potenziali ostacoli ad una sua collocazione nel campo occidentale auspicata da Usa e Inghilterra. Dei risarcimenti previsti dai trattati di pace del ‘47, fu elargita una cifra irrisoria, oltre i termini temporali stabiliti di dieci anni; i beni e arredi sacri trafugati a Debre Libanos e portati in Italia, mai ritrovati; unica restituzione, il noto obelisco di Axum, avvenuta nel 2004 (dopo quasi 60 anni!). Paradossalmente, la copertura dell’episodio parve una scelta obbligata anche per l’Etiopia di Haile Selassie, in nome di una ripresa del paese, dopo la fine dell’occupazione coloniale e della guerra mondiale, e di una inedita leadership internazionale negli anni della decolonizzazione, nonostante la persistenza di una ferita profonda mai rimarginata.

      Solo negli anni settanta, a partire dagli studi di Angelo Del Boca, l’«assordante» silenzio attorno ai «crimini» dell’Italia in Africa ha cominciato a dissolversi, decostruendo faticosamente il mito dell’«italiano brava gente». La storiografia ambiva divenire un polo di interlocuzione importante per la “memoria” pubblica del paese ed apriva la strada a nuove relazioni con l’Etiopia. Ne fu un segnale la visita ad Addis Abeba del presidente della Repubblica Oscar Luigi Scalfaro, nel 1997, il quale richiamò il tributo di sangue versato dal popolo etiopico durante la dolorosa esperienza dell’occupazione fascista e la necessità di quella memoria per rilanciare proficui rapporti di pace e cooperazione. Ricordo, successivamente, la proposta di Del Boca, nel 2006, di istituire una “giornata della memoria” per le vittime del colonialismo italiano, ma neppure fu discussa in parlamento, e quindi fu archiviata. È qui che la storiografia è chiamata a consolidare gli anticorpi di fronte rimozioni e amnesie che rischiano di erodere rapidamente la coscienza pubblica. È il caso del monumento in onore del maresciallo Graziani, eretto nel 2012 ad Affile, nel Lazio, con i fondi della Regione, ultimo eclatante atto di oscuramento della memoria, suscitando immediate reazioni della comunità scientifica e dell’associazionismo italiano.

      A partire dal 2016, alcuni articoli apparsi sulla stampa, tra cui ripetuti interventi di Andrea Riccardi, e lo sconcertante film documentario Debre Libanos, realizzato da Antonello Carvigiani per TV 2000, hanno richiamato l’attenzione su quell’eccidio fascista. Un riconoscimento pubblico venne esplicitato in quell’anno dal presidente Mattarella ad Addis Abeba, quando in un eloquente “silenzio” depose una corona di fiori al monumento della vittoria Meyazia 27, in piazza Arat Kilo, in memoria dei caduti della resistenza etiopica dell’epoca e salutò uno ad uno ex partigiani etiopici, ormai anziani. Sotto queste sollecitazioni, l’allora ministero della difesa emanò un comunicato stampa, che richiamava la tragica rappresaglia con cui «il regime fascista fece strage della comunità dei copti; monaci, studenti, e fedeli del monastero di Debra Libanos. L’eccidio durò vari giorni, crudele e metodico. In Italia con il silenzio di tutti, durante il fascismo ma anche dopo, l’episodio era stato dimenticato […]», e si assumeva l’impegno ad approfondirne le dinamiche storiche con la costituzione di un’apposita commissione di studiosi, militari ed esperti. Altre urgenze, tuttavia, s’imposero nell’agenda politica e l’iniziativa non ebbe seguito.

      L’attuale disattenzione da parte delle istituzioni dello Stato italiano chiama nuovamente in causa la storiografia per la sua funzione civile di preservazione della memoria storica. C’è, qui, una discrasia da colmare: a fronte degli eccidi nazifascisti sul territorio italiano – oggi noti, con luoghi memoriali di alto valore simbolico per la storia nazionale –, il massacro di Debre Libanos è accaduto in Africa, fuori dal territorio nazionale, in un’area rimasta, per decenni, assente anche sul piano storiografico, le cui responsabilità sono ascrivibili direttamente all’Italia e non possono essere negate né oscurate. Occorre, in questo senso, allargare i confini della memoria storica, rinsaldando il rapporto tra storia e memoria come un argine di resistenza fondamentale per la difesa di una cultura civile, oggi provata da un crescente e preoccupante distacco dal vissuto storico. Lo smarrimento del contatto con “quel” passato coloniale, e con quella lunga storia di rapporti con l’Africa, rischia di lasciare la coscienza pubblica in balìa di pericolose derive disumanizzanti e discriminatorie, potenziali o in atto.

      https://www.avvenire.it/agora/pagine/su-debre-libanos-il-dovere-della-memoria-e-conquista-di-civilta