theses.fr – Clémence Lavigne, Le refus du mandat impératif en droit constitutionnel français.

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  • Le refus du mandat impératif | Thèse | 2020

    par Clémence Lavigne
    thèse en droit public
    pas encore en ligne

    https://www.theses.fr/s198563

    Résumé 3 pages + table des matières ici :

    https://www2.assemblee-nationale.fr/content/download/335229/3280533/version/1/file/Résumé_Lavigne_Le+refus+du+mandat+impératif.pdf

    Le refus du mandat impératif en droit constitutionnel français
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    Clémence LAVIGNE

    Docteur en droit public, Université de Bourgogne

    Résumé de la thèse
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    « Tout mandat impératif est nul ». Le premier alinéa de l’article 27 de la Constitution de 1958 ne retient guère l’attention de la doctrine constitutionnelle. S’inscrivant dans la tradition du droit public depuis la Révolution française, cette disposition induit en effet que l’élu dispose plutôt d’un mandat représentatif dont l’examen suscite davantage l’intérêt. Par son mandat général, libre, irrévocable et qu’il est présumé exercer conformément à la volonté de la Nation, le représentant bénéficie d’une confiance et d’une indépendance l’autorisant à agir avec la latitude nécessaire à la poursuite et à la satisfaction de l’intérêt général. L’acceptation largement partagée de cette donnée semble faire obstacle à l’examen particulier d’une telle disposition. Depuis le début du XXème siècle, qui a vu quelques thèses sur ce sujet, le refus du mandat impératif n’a fait l’objet d’aucune étude approfondie.

    Pourtant, même si l’application de cette règle de droit parlementaire a acquis, au fil des Républiques, la force d’une évidence, son étude s’impose par la mise en lumière des ambiguïtés qui entourent la définition même du mandat impératif.

    Cette thèse est partie du constat que les définitions qu’en propose la doctrine sont parfois équivoques, faisant douter de ce qui fait l’impérativité du mandat, et qu’aucune définition juridique du mandat impératif n’existe. Si la Constitution prévoit expressément la nullité du mandat impératif, elle n’indique pas aux représentants ce qu’ils ne doivent pas accepter pour ne pas tomber sous le coup de cette règle et, plus problématique encore, elle n’indique pas aux représentés ce qu’ils ne sont pas en droit d’attendre de leurs représentants. Quant à l’affirmation du Conseil constitutionnel selon lequel l’article 27 de la Constitution « impose le respect de la liberté des membres du Parlement dans l’exercice de leur mandat », elle décrit la conséquence du refus du mandat impératif mais n’en présente pas les contours.

    Une étude portant à la fois sur l’histoire du refus du mandat impératif et sur ses significations, à travers l’examen des volontés des constituants successifs, doit permettre de cerner le rôle du représentant dans une démocratie représentative, puisque c’est de la définition du mandat impératif que dépend la distance constitutionnellement admise entre représentants et représentés.

    C’est également la question de la survivance du refus du mandat impératif dans une démocratie représentative qui doit être posée, alors que cette règle a été conçue initialement pour éviter la démocratie. Son caractère traditionnel laisse en effet entendre qu’elle peut être comprise de la même manière qu’en 1789 alors que la théorie de la représentation qui la justifiait a bien évolué depuis la Révolution pour faire une plus large place à la volonté du corps électoral.

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    A partir de l’étude historique d’un mécanisme ancien, cette thèse propose de montrer que cette règle, dont la compréhension fluctue avec l’environnement historique, théorique et juridique dans lequel elle s’insère, peut et doit encore retenir l’attention pour penser le régime représentatif.

    1. Dans une première partie, la thèse propose de retracer l’histoire du refus du mandat impératif, de son origine jusqu’à la règle contemporaine, pour en comprendre les justifications.

    Puisque les Révolutionnaires ont cherché à interdire une pratique existante, cet examen doit partir de l’application du mandat impératif durant les réunions des Etats généraux pour tenter d’en tracer les caractéristiques, d’en comprendre les fondements ainsi que la volonté de s’en débarrasser avec force en 1789. Cette approche permet de déconstruire quelques présupposés comme l’analogie faite aujourd’hui entre mandats impératifs de cette période et mandats de droit privé. Elle permet également de constater que le mandat impératif des Etats généraux était en réalité un serment dont la valeur morale mais contraignante (compte tenu des liens qui unissaient les membres de la société d’Ancien régime) a imposé aux Révolutionnaires la construction d’une théorie capable d’exclure totalement ce mécanisme des esprits et du champ des possibles : la théorie de la souveraineté nationale.

    Puisque cette disposition est toujours présentée comme une règle traditionnelle depuis 1789, les arguments mobilisés par les Révolutionnaires pour repousser les mandats impératifs auxquels les députés étaient si attachés peuvent alors être examinés sous un nouvel angle pour poser une interrogation fondamentale : le refus des mandats impératifs peut-il aujourd’hui s’appuyer sur les mêmes justifications qu’à l’origine ?

    En retraçant les évolutions du régime représentatif à travers son ouverture, même partielle, à la théorie de la souveraineté populaire, à travers les mécanismes de participation des citoyens, à travers les tentatives de dépasser la distanciation entre représentants et représentés et de dépasser l’isolement du législateur dans sa fonction normative, il apparaît que les justifications juridiques et politiques du refus du mandat impératif sont aujourd’hui plus fragiles qu’en 1789. Alors qu’initialement la théorie de la représentation ne pouvait admettre le moindre lien entre représentants et représentés, plusieurs aspects institutionnels et politiques du régime représentatif ont été depuis repensés et assouplis. Au point de s’étonner que cette règle soit reproduite, sans discussion, de Constitution en Constitution et appliquée, tacitement et sans distinction, à tout type de mandat.

    2. Le fait que le refus du mandat impératif ne soit pas réinterrogé malgré l’évolution de son environnement légitimateur est expliqué en seconde partie de la thèse, à travers le constat que cette évolution coïncide avec un glissement de définition du mandat impératif qui doit être constaté puis analysé.

    Partant du principe que la proclamation de la liberté de l’élu ne peut suffire à comprendre les hypothèses que couvre concrètement l’article 27 de la Constitution, cette étude conduit à la recherche des différentes manières dont les constitutionnalistes, les historiens et les représentants eux-mêmes ont défini le mandat impératif. L’exploration des multiples présentations de ce mécanisme depuis la Révolution fait émerger deux conceptions du mandat impératif.

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    En 1789, le mandat impératif était conçu comme la simple instruction donnée par l’électeur à l’élu et qui faisait peser sur ce dernier une contrainte toute politique, conformément à ce qui s’observait sous les Etats généraux et à ce que Jean-Jacques Rousseau a décrit dans le Contrat social et les Considérations sur le gouvernement de Pologne. Suivant cette signification, le mandat impératif n’était pas systématiquement révocable et se reconnaissait par d’autres caractéristiques que la thèse expose. Le mécanisme révocatoire a d’ailleurs pu être envisagé indépendamment de la position sur le mandat impératif, y compris chez les plus grands défenseurs du mandat représentatif pendant la Révolution française.

    En revanche, depuis que le système représentatif s’est démocratisé sous l’effet, notamment, du suffrage universel, le mandat impératif est assimilé à un mécanisme dont le caractère révocable fait l’impérativité. Dans les discours, s’est donc imposée l’idée que si l’élu n’est pas révocable, son mandat ne peut être regardé comme impératif.

    Ce glissement de définition permet, d’une part, de faciliter la reconnaissance du mandat impératif et, d’autre part, d’adopter une position moins sévère à l’égard des engagements des élus vis-à-vis des électeurs.

    En montrant que la compréhension de l’objet de l’article 27 de la Constitution actuelle a changé, c’est l’absence de pertinence de l’inscription de cette règle dans la droite ligne de ce qu’ont souhaité les Révolutionnaires qui peut être révélée. Dès lors, de nouvelles questions émergent et sont examinées dans les derniers chapitres de la thèse. Elles consistent d’abord à se demander si le mandat impératif, tel qu’il a été repoussé en 1789, ne s’est pas refait une place parmi les institutions françaises pour intégrer certaines exigences démocratiques à l’origine exclues. Quant à la nouvelle compréhension du mandat impératif, qui n’est pas officialisée dans la Constitution ni par le Conseil constitutionnel, elle autorise encore une réflexion portant sur le mécanisme révocatoire et sa compatibilité avec le système représentatif, par l’examen, notamment, des expériences étrangères.

    En définitive, l’apport principal de la thèse est de redonner à l’article 27 de la Constitution de 1958 la place qu’il mérite dans la pensée constitutionnelle. Loin d’épuiser les questionnements autour du mandat impératif, la thèse montre au contraire qu’il en existe encore de nombreux. Sans trancher pour telle ou telle conception définitive du mandat impératif car la Constitution reste un instrument vivant et témoin des aspirations de la société, ce travail présente l’histoire d’un concept essentiel du droit public, la richesse des réflexions toujours possibles autour d’une disposition clé du régime représentatif ainsi que la potentialité qu’elle renferme pour la démocratie.

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    Sommaire de la thèse
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    Première partie. Les justifications du refus du mandat impératif.

    Titre 1. L’évidence du refus des mandats impératifs en 1789.

    Chapitre 1. Les mandats impératifs, relais d’une société divisée.
    Chapitre 2. Le rejet des mandats impératifs par la Révolution.

    Titre 2. Le refus du mandat impératif et la démocratie représentative : fragilisation des fondements de la règle.

    Chapitre 1. La fragilisation des fondements juridiques de la règle.
    Chapitre 2. La fragilisation des fondements politiques de la règle.

    Deuxième partie. L’évolution de la définition du mandat impératif.

    Titre 1. Un glissement de la définition du mandat impératif.

    Chapitre 1. La dissociation du mandat impératif et de la révocation.
    Chapitre 2. L’assimilation du mandat impératif à la révocation.

    Titre 2. Les implications du glissement de définition du mandat impératif.

    Chapitre 1. Le mandat impératif de 1789 dans la démocratie représentative contemporaine.
    Chapitre 2. La disqualification de la révocation populaire dans la démocratie représentative contemporaine.

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