après la Tunisie, l’Europe cherche un accord avec la Mauritanie

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  • Migrations : après la Tunisie, l’Europe cherche un accord avec la Mauritanie
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    Migrations : après la Tunisie, l’Europe cherche un accord avec la Mauritanie
    Par Philippe Jacqué (Bruxelles, bureau européen)
    Nouakchoot, le 8 février 2024.
    La Commission européenne avance, imperturbable, dans la construction de « partenariats stratégiques mutuellement bénéficiaires » avec les pays africains, incluant un vaste volet de gestion des migrations, sur le modèle de l’accord controversé passé entre l’Union européenne (UE) et la Tunisie à l’été 2023. Après Tunis, où Ursula von der Leyen s’était rendue en juillet en compagnie des premiers ministres italien et néerlandais, la présidente de l’exécutif européen s’est déplacée début février à Nouakchott avec le premier ministre espagnol, Pedro Sanchez.
    Le choix de cette destination n’est pas fortuit. En janvier, les arrivées irrégulières enregistrées par l’agence européenne Frontex ont fortement augmenté aux Canaries, au large des côtes marocaines. Quelque 6 686 entrées irrégulières ont été comptabilisées sur l’archipel espagnol, en hausse de 48 %. Dans le même temps, les arrivées se sont taries en provenance de la voie méditerranéenne centrale, avec 1 511 entrées en janvier, en chute de 71 %.
    Les départs, en hausse côté libyen, ont baissé depuis l’automne en Tunisie, entravés par une surveillance accrue des autorités. Preuve que le préaccord de partenariat global trouvé l’été dernier entre l’Europe et la Tunisie – un temps contesté par Tunis et une partie du Parlement européen – est bel et bien en cours d’application. Quelque 105 millions d’euros étaient prévus pour lutter contre l’immigration irrégulière vers l’Europe. Les services de l’exécutif européen travaillent à un niveau technique avec Tunis sur de multiples projets de coopération sur cette question.
    Depuis, la Commission a multiplié les échanges avec d’autres pays du nord de l’Afrique, et notamment la Mauritanie. Officiellement, il s’agit encore d’un partenariat global qui concerne à la fois le développement économique, avec le soutien à des projets d’énergies renouvelables, la sécurité et bien sûr la question migratoire.
    « Je tiens à souligner votre engagement à secourir les migrants qui prennent la route de l’Atlantique, une des plus dangereuses au monde, a rappelé Ursula von der Leyen le 9 février à Nouakchott. L’Union européenne et la Mauritanie doivent renforcer leur coopération dans ce domaine ainsi que pour la gestion des frontières, les retours et l’assistance aux réfugiés. »
    Pour ce faire, « nous avons discuté d’une déclaration et d’une feuille de route communes, que nous finaliserons au printemps, accompagnées d’une enveloppe financière – plus de 210 millions d’euros d’ici à la fin de l’année – pour la gestion de la migration, pour l’aide humanitaire aux réfugiés, mais aussi pour les investissements dans l’emploi, les compétences et l’entrepreneuriat », a-t-elle ajouté.
    Alors que cette feuille de route est toujours en négociation, son contenu reste flou. Quelque 14 millions d’euros devraient être utilisés pour couvrir les coûts liés à l’arrivée de 150 000 réfugiés maliens. Une autre partie sera consacrée à des accords avec l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) pour faciliter les retours. Enfin, des moyens devraient permettre d’améliorer le contrôle des frontières et des côtes, les douanes mauritaniennes – et leur vingtaine de navires – étant démunies pour couvrir les 750 km de façade maritime.Initialement, la Commission souhaitait déployer des agents de l’agence Frontex en Mauritanie – tout comme au Sénégal, où les négociations sont actuellement suspendues. « Il semble que ce ne soit plus d’actualité, confie une source européenne. Pour l’autoriser, le gouvernement mauritanien a fait monter les enchères en demandant davantage de visas d’entrée en Europe – qui ne relèvent pas de la responsabilité de Bruxelles, mais des Etats membres. Pour l’instant, cela coince. »
    Néanmoins, si Frontex n’est actuellement pas sur place, la Guardia civil espagnole est bien présente dans le pays, Madrid et Nouakchott ayant signé un partenariat opérationnel pour bloquer les flux de pirogues entre le Sénégal ou la Mauritanie et les Canaries.
    Au-delà de la Tunisie, de la Mauritanie ou du Maroc – qui dispose d’une aide budgétaire annuelle conséquente pour bloquer les migrations –, Bruxelles tente de conclure depuis de nombreux mois un autre partenariat avec l’Egypte. Des discussions sont toujours en cours pour un accord incluant là aussi un volet de contrôle migratoire. Le Caire devrait toucher plus de 80 millions d’euros, notamment pour des équipements de contrôle à la frontière libyenne et de nouveaux navires de patrouille. Les discussions n’ont cependant pas encore abouti, le gouvernement du maréchal Abdel Fattah Al-Sissi souhaitant un volet d’aide économique très conséquent qui passerait par un prêt de plusieurs milliards d’euros et qui aujourd’hui n’est pas encore bouclé.
    Lors de la révision budgétaire actée en décembre 2023, les dirigeants de l’UE ont certes décidé une enveloppe pour Kiev de 50 milliards d’euros, mais ils ont également validé une nouvelle enveloppe de 9,6 milliards d’euros pour la gestion externe des migrations. Sur cette somme, 2 milliards seront utilisés pour le voisinage du sud de l’Europe. Des moyens qui devraient venir abonder dans les mois qui viennent de nouvelles actions de contrôle migratoire. « On n’a pas fini de traiter l’Afrique sous le seul prisme migratoire, regrette une source diplomatique à Bruxelles. Et les élections européennes, qui auront lieu du 6 au 9 juin, ne devraient pas modifier cette perception. »

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