Le patron du Web Summit de Lisbonne démissionne après ses propos sur le soutien occidental à Israël

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    Le patron du Web Summit, Paddy Cosgrave, ici photographié en novembre 2022 à Lisbonne. PHOTO PATRICIA DE MELO MOREIRA/AFP

    Paddy Cosgrave, cofondateur et patron du Web Summit, grand-messe du numérique qui se déroule chaque année à Lisbonne, a été contraint de démissionner en raison de ses prises de position sur le conflit entre l’État hébreu et le Hamas. La presse portugaise déplore que l’expression de son opinion ait entraîné un boycott de géants du web et son éviction.

    Courrier international

    Publié le 24/10/2023

    “La liberté d’expression est l’otage du pouvoir économique, du poids des dollars.” C’est l’amer enseignement que Jorge Fonseca de Almeida, chroniqueur du Diário de Notícias, tire d’une récente polémique déclenchée par une déclaration pourtant “pleine de bon sens et d’humanisme”, juge-t-il. Son auteur, Paddy Cosgrave, le patron du Web Summit, s’est vu contraint de démissionner dans la foulée.
    Lire aussi : Analyse. Pourquoi Israël a projeté les vidéos des atrocités du Hamas à la presse internationale

    Le 13 octobre dernier, le cofondateur cette grand-messe de la tech, créée en 2009 à Dublin mais qui se tient à Lisbonne depuis 2016, avait affirmé sur X (ex-Twitter) être “choqué par la rhétorique et les actions de nombreux dirigeants et gouvernements occidentaux” en soutien à Israël, avant d’ajouter :

    “Les crimes de guerre sont des crimes de guerre, même lorsqu’ils sont commis par des alliés, et devraient être dénoncés pour ce qu’ils sont.”

    Appel au boycott de la part d’Israël

    Une sortie “scandaleuse”, selon l’ambassadeur d’Israël au Portugal, Dor Shapira, qui a appelé au boycott du Web Summit, lequel doit réunir 2 300 start-up et plus de 70 000 participants du 13 au 16 novembre.

    Certaines des plus grandes entreprises du monde, comme Google, Meta (propriétaire de Facebook, Instagram et WhatsApp), Amazon, Siemens ou encore IBM se sont donc retirées. Les excuses et la démission de Paddy Cosgrave n’ont rien changé. L’organisation de l’événement a toutefois annoncé que l’édition 2023 aurait bien lieu, malgré les désistements.

    Expresso donne la parole à Esther Mucznik, présidente de Memoshoá, l’association pour la mémoire et l’éducation à l’Holocauste. Cette dernière ne croit pas à la sincérité des excuses de l’entrepreneur irlandais de 41 ans : “Pour le Hamas, sa population n’est rien d’autre qu’un bouclier humain ou un outil pour accuser Israël. Tout cela, Paddy Cosgrave ne l’a pas compris ou n’a pas voulu le comprendre, et ses excuses ne sont manifestement qu’une tentative pour sauver la face, en maintenant la même pensée initiale qui est largement appréciée : Israël est coupable !”

    En contrepoint, toujours dans Expresso, le journaliste Nuno Ramos de Almeida prend la défense de Cosgrave :

    “Un massacre est un massacre et un génocide est un génocide, ici ou en Chine. Les efforts déployés par les autorités du gouvernement israélien d’extrême droite pour interdire la vérité doivent être combattus par toutes les personnes éprises de liberté.”

    Pour Ana Sá Lopes, rédactrice en chef de Público, Cosgrave est une victime de la “cancel culture” pour “une déclaration qui est tout à fait correcte au regard du droit international”.

    Dans le même journal, l’avocate Carmo Afonso observe : “Cosgrave a ressenti quelque chose que certains d’entre nous ne connaissent que trop bien : il existe un consensus établi concernant la guerre au Moyen-Orient qui protège la position d’Israël. Un consensus sélectif et capricieux qui […] n’éprouve aucune sympathie pour la pauvreté, la misère et la mort des Palestiniens.”

    Vincent Barros