• (néo-)municipalisme et humanisme

    Message aux seenthisien·nes...

    Je vais animer un atelier avec des étudiant·es de master en urbanisme autour du #municipalisme et de l’#humanisme...

    Un thème qui est relativement nouveau pour moi...

    Je suis donc preneuse de vos suggestions, surtout bibliographiques sur ce thème...

    J’ai déjà quelques éléments, mais je suis sure que votre bibliothèque est plus riche que la mienne :-)

    #néo-municipalisme #ressources_pédagogiques #municipalisme

    • Tout dépend quelle tradition du municipalisme : liberal, libertaire, socialiste, communalisme ou inter-municipalisme ? cf https://m.uneseuleplanete.org/Qu-est-ce-que-le-municipalisme. D’un point de vue historique "Municipalités de tous pays, unissez vous ! L’Union Internationale des Villes ou l’Internationale municipale(1913-1940),
      Renaud Payre, Pierre-Yves Saunier : https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00002762/document

    • Ok ! Je me suis permis de le préciser car comme le municipalisme a eu tendance à devenir un nouveau buzzword, on oublie parfois que ces stratégies politiques ont eu longues histoires qui ne se résume pas à la pensée de Murray Bookchin (même si sa pensée continue de beaucoup nous inspirer) !

    • @monolecte ça sera sous forme d’atelier, et pas de cours... mais il devrait y avoir un temps fort de présentation/discussion organisé par les étudiant·es lors de la Biennale des villes en transition (premier weekend d’avril, à Grenoble et distanciel) :-)

    • Du coup, en train de lire...

      Guide du municipalisme. Pour une ville citoyenne, apaisée, ouverte

      De plus en plus, nos villes sont devenues le lieu où sévissent la spéculation, les exclusions de toutes sortes et la ségrégation sociale. Pourtant, de l’Espagne aux États-Unis et à l’Afrique du Sud, en passant par le Chili, le Rojava syrien, la Serbie, la Pologne ou la France, des groupes renversent cette logique et inventent une nouvelle manière de vivre ensemble. Ce mouvement de démocratie radicale, qui s’ancre au niveau local mais se connecte au monde, place les citoyens au centre des décisions publiques et de la sauvegarde de l’intérêt général. Il réintroduit la démocratie directe en s’appuyant sur des valeurs sociales, féministes, écologiques et solidaires pour ouvrir le champ politique et en faire un espace d’émancipation et de transformation.

      Le municipalisme s’impose comme une alternative politique aux traditionnelles formes d’organisation et de pouvoir fondées sur la verticalité, la centralisation et le patriarcat. Ce guide est le fruit de la collaboration de plus de 140 maires, conseillers municipaux et militants du monde entier, tous investis dans le mouvement municipaliste mondial.

      Coordonné par la Commission internationale de Barcelona En Comú, il présente :

      – les bases théoriques du municipalisme et le rôle qu’il peut jouer, notamment dans la féminisation de la politique et la lutte contre l’extrême droite  ;

      – les outils pour préparer une candidature municipaliste, développer un programme participatif, rédiger un code éthique ou financer une campagne politique  ;

      – des exemples de politiques de transformation mises en œuvre dans des municipalités du monde entier en matière de logement, d’espace public ou de démocratie participative  ;

      – un répertoire des 50 principales plateformes municipales dans le monde.

      https://www.eclm.fr/livre/guide-du-municipalisme

    • POLICY ROUNDTABLE 17 RADICAL DEMOCRACY IN THE CITY COUNCIL

      Debate on the challenges, limits and opportunities of participatory procedures to develop real democracy at the local level.

      Speakers

      Elvira Vallés, Zaragoza City Council
      Bernardo Gutiérrez, MediaLab Prado, Madrid
      Gala Pin, Councilor for Participation and Districts, Barcelona City Council
      Brad Lander, Deputy Leader for Policy, New York City Council
      Áurea Carolina de Freitas, Councilor, Belo Horizonte City Council

      http://2017.fearlesscities.com/radical-democracy-in-the-city-council

      https://www.youtube.com/watch?v=xm7xOTsKpK8&feature=youtu.be

      #démocratie_radicale

    • Un #MOOC sur le municipalisme
      https://nos-communes.fr/actualites/mooc-sur-le-municipalisme

      Quelques captures d’écran :

      #Jonathan_Durand_Folco :

      « Dans [le] contexte [actuel] de crises et de revendications, c’est comme si il y avait une intuition qui est le fait que pour reconstruire la démocratie, on devait commencer à se réapproprier l’#espace_public comme tel et par la suite non seulement occuper des #places mais aussi à occuper les institutions. On pourrait dire que le relai organique de ces mouvements par la suite sera d’aller voir au plus près des conseils municipaux pour essayer de transformer les institutions de l’intérieur. Pour essayer de non seulement gouverner autrement, mais de pouvoir s’auto-gouverner et avec un certain relai revendications pour essayer de changer les choses par la suite »

      #Corinne_Morel_Darleux sur les limites du niveau local :

      « La #proximité dans un village ou dans une petite ville notamment est aussi source de #conflits, de #promiscuité, elle est aussi source de blocages politiques. Il faut les prendre en compte et ne pas sacraliser le local »

      #Magali_Fricaudet : Municipalisme et droit à la ville

      Les 4 caractéristiques du municipalisme :
      – la #radicalité_démocratique —> « comment est-ce qu’on gouverne en obéissant », comment est-ce qu’on applique la #démocratie_directe des #assemblées, mais aussi des mécanismes de contrôle de l’exercice du pouvoir, soutenir l’#expertise_citoyenne, travailler sur un #code_éthique des élus pour contrôler leur mandat
      – la #féminisation de la politique —> féminiser la politique c’est aussi changer l’approche de la politique et remettre en cause, par la pratique, le #patriarcat et ses valeurs (#compétitivité, exercice d’un #pouvoir basé sur le culture du chef et l’#autorité), c’est faire de la politique en écoutant
      – la #transition_écologique (#relocalisation_de_l'économie, les #remunicipalisations), comment changer le #paradigme_économique à partir du #local, contribution à la relocalisation, encourager l’#agriculture_urbaine et la gestion des #biens_communs
      – les #droits et les droits dans leur #universalité —> c’est la question des #migrants, quand on parle de #droits_universels on parle de #droits_pour_tous. Référence au #document_local_d'identité qui donne droit à toustes aux #droits_essentiels, aux équipements publics
      #universalité_des_droits —> « on gouverne pour les gens et par les droits ». Il s’agit de partir des droits et pas de la « machine qui prend en charge les gens »

    • "Collectivités locales, reprendre la main, c’est possible !"

      Le nouveau rapport de l’AITEC « Collectivités locales, reprendre la main, c’est possible ! Politiques publiques de #transition démocratique et écologique : #résistances et #alternatives locales à la libéralisation » se fonde sur une enquête approfondie menée en 2017 auprès d’élu-e-s, d’agents territoriaux, et d’acteur-trice-s du monde associatif. Il met en avant des politiques publiques locales alternatives, plus démocratiques, plus justes et plus durables, à rebours de la libéralisation des marchés, du tout-privé et d’une économie hors-sol.

      L’aspiration modeste est de dresser un paysage non exhaustif des contraintes réglementaires que rencontrent les collectivités locales progressistes pour porter des politiques publiques locales de transition démocratique et écologique. Ce rapport propose des pistes pour saisir les opportunités permettant de créer un “écosystème” d’alternatives afin de renouveler ou inventer des formes de gouvernance locale plus démocratiques, justes et durables.

      Les politiques néolibérales d’austérité et de libéralisation des échanges commerciaux et financiers ont poussé dans le sens d’une transposition des règles du marché dans la sphère publique. Elles placent les grandes entreprises, souvent transnationales et fortes de moyens techniques et financiers importants, en partenaires idéaux des pouvoirs publics. Ces politiques participent de l’assèchement des systèmes de solidarités publics et de l’asphyxie de l’économie de proximité : remise en cause de l’universalité des services publics, difficultés de relocalisation de l’économie, gestion comptable déshumanisée des politiques publiques, etc. Elles étouffent les possibilités de développer les politiques nécessaires pour répondre aux défis sociaux et environnementaux auxquels nous faisons face localement et globalement.

      Pour autant, ces contraintes n’éliment pas la motivation de certaines collectivités à faire émerger tout un panel de solutions pour contre-carrer les ambitions de lucrativité et d’accaparement portées par les tenants de la doxa néolibérale. Trois entrées d’alternatives ont pu être identifiées :

      1. Premièrement, il s’agit de (re)démocratiser des services publics : remunicipaliser les services publics, investir dans des sociétés coopératives d’intérêt général (SCIC), ne pas s’enfermer dans des contrats de partenariats publics-privés etc. Cela permet de pouvoir garder la main publique sur les services et donc le contrôle des dépenses et des orientations, d’inclure les citoyen-ne-s dans les processus de contrôle et de décision, et d’orienter les (ré)investissements pour l’amélioration et l’accessibilité du service ;

      2. Deuxièmement, il s’agit d’aller vers une commande publique responsable : privilégier les achats publics locaux en prenant en compte les notions de cycle de vie ou de circuit-court, bien connaître l’offre territoriale pour adapter la demande publique aux capacités des TPE/PME et entreprises de l’économie sociale et solidaire (ESS), etc. Cela permet de prendre en compte l’impact social et environnemental de l’achat public tout en relocalisant l’économie et en soutenant les acteurs socio-économiques locaux ;

      3. Troisièmement, il s’agit de travailler avec et pour le tissu socio-économique du territoire : structurer l’offre des acteur-trice-s économiques locaux (familiaux, artisanaux, agricoles ou éthiques), faciliter l’accès au foncier et aux équipements publics pour les acteur-trice-s de l’ESS, soutenir des initiatives de coopératives citoyennes (d’habitant-e-s, d’énergies renouvelables, etc.), etc. Cela renforce l’offre locale face aux grands groupes, tout en allant vers une (re)démocratisation des rapports socio-économiques locaux.

      https://aitec.reseau-ipam.org/spip.php?article1663

      #rapport #AITEC

    • Le « municipalisme libertaire » de Bookchin : un chemin vers la reconquête démocratique ?

      Débat entre #Pinar_Selek, sociologue et militante féministe, et #Aurélien_Bernier, essayiste et défenseur de la démondialisation. Tous deux discutent des thèses de Murray Bookchin concernant le « #communalisme », et des expériences qu’elle nourrissent.

      Citation de Bookchin pour commencer le débat :

      https://www.youtube.com/watch?v=ejksnPBJVtU

    • Agir ici et maintenant. Penser l’#écologie_sociale de Murray Bookchin

      L’effondrement qui vient n’est pas seulement celui des humains et de leur milieu, mais bien celui du capitalisme par nature prédateur et sans limites. Historiquement désencastré du social et nourri par l’exploitation et la marchandisation des personnes, il étend désormais son emprise sur toute la planète et sur tous les domaines du vivant. C’est en se désengageant d’un constat fataliste et culpabilisant que nous retrouverons une puissance d’agir ici et maintenant. Quoi de mieux, pour cela, que de relire Murray Bookchin et d’appréhender toutes les expérimentations et pratiques qui se développent après lui, aujourd’hui, autour de nous ?

      Floréal M. Romero dresse ici le portrait du fondateur de l’écologie sociale et du municipalisme libertaire. Il retrace son histoire, son cheminement critique et politique. De l’Espagne au Rojava, en passant par le Chiapas, l’auteur propose, à partir d’exemples concrets, des manières d’élaborer la convergence des luttes et des alternatives pour faire germer un nouvel imaginaire comme puissance anonyme et collective.

      Essai autant que manifeste, ce livre est une analyse personnelle et singulière de la pensée de Bookchin qui trouve une résonance bien au-delà de l’expérience de l’auteur. Il apporte des conseils pratiques pour sortir du capitalisme et ne pas se résigner face à l’effondrement qui vient.

      https://www.editionsducommun.org/products/agir-ici-et-maintenant-floreal-m-romero

    • L’illusion localiste. L’arnaque de la décentralisation dans un monde globalisé

      Rapprocher le pouvoir du citoyen , instaurer la « démocratie participative, soutenir le développement territorial et l’économie « de proximité…

      A l’approche des élections municipales, on assiste à une surenchère des mots d’ordre localistes et décentralisateurs. On les retrouve dans tous les discours politiques, de la gauche à l’extrème-droite en passant par la droite et les socio-démocrates.

      La participation des habitants et les promesses de changement « par en bas » sont dans tous les programmes. Les démarches et les listes « citoyennes », plus ou moins instrumentalisées par les partis traditionnels, se multiplient. Même le président de la République s’affiche localiste : en réponse à la crise de « Gilets jaunes », il promet une nouvelle phase de décentralisation pour la deuxième moitié de son mandat. A en croire nos élites, c’est donc par l’action municipale ou régionale que les problèmes économiques, sociaux, environnementaux ou démocratiques pourraient être résolus...

      Ce livre s’attache à déconstruire ce mensonge. Car la mondialisation, elle, ne rapproche pas le pouvoir du citoyen, mais l’éloigne considérablement. Les décisions économiques sont concentrées aux mains des grandes firmes et de leurs actionnaires, et s’imposent aux peuples par delà les principes démocratiques. Les droits sociaux sont en régression permanente à cause de la concurrence internationale. Et la classe politique n’en finit plus de se discréditer en obéissant aux injonctions des marchés.

      La « mondialisation heureuse » ayant fait long feu, c’est le « localisme heureux » qu’à présent on cherche à nous vendre. Le terroir et les circuits courts pour compenser les ravages de la mondialisation. Le régionalisme pour masquer le désengagement de l’État, la destruction ou la privatisation des services publics.

      Cette « illusion localiste » doit être dénoncée. Non pas que l’action de proximité soit négligeable, car s’engager dans la vie locale est tout à fait nécessaire. Mais pour sortir du piège de la mondialisation, cela ne suffit pas. Plutôt que d’opposer l’action locale et celle de l’État, mieux vaudrait les articuler.

      http://www.editions-utopia.org/2019/11/04/lillusion-localiste

    • Un séminaire en ligne (et en italien) avec #Iolanda_Bianchi, qui a écrit une thèse de doctorat sur Barcelone:

      Città, beni comuni, partecipazione: Esiste il modello Barcellona? Seminario online di formazione con Iolanda Bianchi

      PRESENTAZIONE
      Barcellona è stata al centro delle mobilitazioni popolari contro le politiche di austerità che si svilupparono in Spagna a partire dal 2011 (il cosiddetto movimento degli indignados - M-15). Nel 2015 fu eletta al governo della città una coalizione civica «Barcelona en comú» guidata da Ada Colau, un’attivista per il diritto all’abitare. Da allora il governo locale si è impegnato a mettere in campo politiche volte a correggere le distorsioni dello sviluppo urbano di segno neoliberale, sui temi della regolamentazione degli alloggi turistici (a partire dal piano PEUAT del 2017), della vivibilità dello spazio pubblico (la pedonalizzazione di isolati urbani, i cosiddetti «superblocchi» o «supermanzanas»), della gestione dei beni comuni. Queste iniziative sono state segnate da successi come da fallimenti. Alla luce di questa esperienza, in questo seminario discutiamo del cosiddetto «modello Barcellona» di neo-municipalismo, in connessione con le esperienze italiane di campagne per il diritto alla città e all’abitare in cui noi in prima persona siamo stati coinvolti in questi anni.

      IOLANDA BIANCHI è una studiosa di processi politici in una dimensione urbana. Ha conseguito il dottorato di ricerca in urbanistica e politiche pubbliche presso l’Università Autonoma di Barcellona e l’Istituto Universitario di Architettura di Venezia. La sua ricerca si focalizza sulle forme alternative di soddisfacimento dei bisogni e dei diritti primari alla scala urbana, osservate dal punto di vista delle collaborazioni tra società civile e istituzioni pubbliche. Attualmente è ricercatrice post-dottorato «Juan de la Cierva» presso l’IGOP, l’Istituto di Governo e Politica Pubblica dell’Università Autonoma di Barcellona. E’ autrice di numerosi articoli scientifici in riviste internazionali e italiane.

      https://www.facebook.com/events/409241853637821

    • Hello,

      La Fondation Roi Baudouin a initié pas mal de travaux, réflexions, projets visant à développer au niveau communal des analyses et/ou des projets qu’on pourrait qualifier « d’inspiré.e.s par un certain humanisme ». Je discerne un lien avec les études en urbanisme et je trouve (un peu « vite fait »...) par exemple 2 documents qui me semble potentiellement inscrits dans la liaison entre les thématiques Commune/Humanisme/Urbanisme (mais les « ismes », dont le municipal, sont sous-jacents, non spécifiquement étudiés). Cela pourrait être utile par exemple comme fond documentaire pour un tel atelier ? ;-)

      – La pauvreté des enfants au niveau local : cartographie communale
      https://www.kbs-frb.be/fr/cartographie_pauvreteinfantile
      – Communes Alzheimer Admis – Un guide pour vous inspirer
      https://www.kbs-frb.be/fr/Virtual-Library/2011/295136

  • Attention, robot méchant
    http://www.piecesetmaindoeuvre.com/spip.php?page=resume&id_article=1448

    Ceci n’est pas le meilleur ami de l’homme, mais son pire ennemi. Si vous le croisez, fracassez-le, mettez-le en pièces détachées, écrabouillez-le. Voici quelques mois de cela, on s’effarait de voir cet engin sinistre dans les rues de Singapour pour faire respecter la « distanciation sociale » et diffuser les messages officiels (voir la vidéo). Il est vrai qu’au même moment, on voyait des drones survoler les villes chinoises en en enjoignant aux gens de rentrer chez eux. C’était le bon temps. Maintenant, c’est chez nous. A Nantes par exemple, d’où une lectrice nous envoie ce lien vers un article du site Nantes Révoltée : « Un robot chien de surveillance dans les rues de Nantes » (ici et ci-dessous.)

    * Le quadrupède robotisé fait aboyer les vrais chiens et pleurer les enfants sur la Place Graslin, à (...)

    https://www.leparisien.fr/video/video-singapour-un-chien-robot-pour-faire-respecter-la-distanciation-soci
    https://www.nantes-revoltee.com/dystopie-un-robot-chien-de-surveillance-dans-les-rues-de-nantes #Service_compris

  • Sommes-nous encore une communauté ?

    « Il y a des étudiants fragiles qui se suicident », disait la ministre #Frédérique_Vidal le 2 janvier, une ministre et un gouvernement qui ne soutiennent ni les étudiants, ni l’université, ni la recherche. Et qui mettent des milliers de vies en danger. Publication d’un message aux collègues et étudiant.e.s de l’Université de Strasbourg, qui devient ici une lettre ouverte.

    Chères toutes, chers tous,

    Je tente de rompre un silence numérique intersidéral, tout en sachant que les regards se portent outre-atlantique …

    Cette journée du mercredi 6 janvier a été calamiteuse pour l’Université de Strasbourg. Elle a montré une fois de plus les graves conséquences des carences en moyens financiers, techniques et en personnels dans l’#enseignement_supérieur et la recherche, y compris dans les grandes universités dites de recherche intensive, qui communiquent sur leur excellent équipement et qui sont dans les faits sous-financées – tout comme les plus grands hôpitaux - et sont devenues des usines à fabriquer de la #souffrance et de la #précarité. Il faudra bien sûr identifier les causes précises de la panne informatique géante subie par toute la communauté universitaire de Strasbourg, alors que se tenaient de très nombreux examens à distance : voir ici 8https://www.dna.fr/education/2021/01/06/incident-reseau-durant-un-examen-partiel-etudiants-stresses-et-en-colere) ou là (https://www.francebleu.fr/infos/insolite/universite-de-strasbourg-une-panne-informatique-perturbe-les-examens-de-m).

    Nous avons été informés uniquement par facebook et twitter - je n’ai volontairement pas de comptes de cette nature et n’en aurai jamais, il me semble : je pratique très mal la pensée courte - et par sms. 50 000 sms, promet-on. Mais je n’ai rien reçu sur mon 06, bien que je sois secrétaire adjoint du CHSCT de cette université et que la bonne information des représentants des personnels du CHSCT dans une telle situation soit une obligation, la sécurité des personnels et des étudiants n’étant plus assurée : plus de téléphonie IP, plus de mail, plus aucun site internet actif pendant des heures et des heures. Et ce n’est peut-être pas totalement terminé à l’heure où je publie ce billet (15h).

    Il ne s’agit pas ici d’incriminer les agents de tel ou tel service, mais de faire le constat qu’une université ne peut pas fonctionner en étant sous-dotée et sous-administrée. Une fois de plus, la question qu’il convient de se poser n’est pas tant de savoir si l’université est calibrée pour le virage numérique qu’on veut lui faire prendre à tous les niveaux et à la vitesse grand V en profitant de la crise sanitaire (au profit des #GAFAM et de la #Fondation SFR_que soutient Frédérique Vidal pour booster l’accès aux data des étudiants), que de déterminer si des #examens à distance, des cours hybrides, l’indigestion de data ou de capsules vidéo ne dénaturent pas fondamentalement l’#enseignement et la relation pédagogique et ne sont pas vecteurs de multiples #inégalités, #difficultés et #souffrances, aussi bien pour les étudiants que pour les enseignants et les personnels.

    Ce sont donc des milliers d’étudiants (entre 2000 et 4000, davantage ?), déjà très inquiets, qui ont vu hier et encore aujourd’hui leur #stress exploser par l’impossibilité de passer des examens préparés, programmés de longue date et pour lesquels ils ont tenté de travailler depuis de longs mois, seuls ou accompagnés au gré des protocoles sanitaires variables, fluctuants et improvisés qu’un ministère incompétent ou sadique prend soin d’envoyer systématiquement à un moment qui en rendra l’application difficile, sinon impossible. Le stress des étudiant.e.s sera en conséquence encore plus élevé dans les jours et semaines qui viennent, pour la poursuite de leurs examens et pour la reprise des cours ce 18 janvier. De mon côté et par simple chance j’ai pu garantir hier après-midi la bonne tenue d’un examen de master à distance : je disposais de toutes les adresses mail personnelles des étudiants et j’ai pu envoyer le sujet et réceptionner les travaux dans les délais et dans les conditions qui avaient été fixées. Tout s’est bien passé. Mais qu’en sera-t-il pour les milliers d’autres étudiants auxquels on promet que l’incident « ne leur sera pas préjudiciable » ? Le #préjudice est là, et il est lourd.

    Mes questions sont aujourd’hui les suivantes : que fait-on en tant que personnels, enseignants, doctorants et étudiant.e.s (encore un peu) mobilisé.e.s contre la LPR, la loi sécurité globale, les réformes en cours, le fichage de nos opinions politiques, appartenances syndicales ou données de santé ? Que fait-on contre la folie du tout #numérique et contre les conséquences de la gestion calamiteuse de la pandémie ? Que fait-on en priorité pour les étudiants, les précaires et les collègues en grande difficulté et en souffrance ? Que fait-on pour éviter des tentatives de suicide d’étudiants qui se produisent en ce moment même dans plusieurs villes universitaires ? Et les tentatives de suicide de collègues ?

    Je n’ai pas de réponse. Je lance une bouteille à la mer, comme on dit. Et je ne suis pas même certain d’être encore en mesure d’agir collectivement avec vous dans les jours qui viennent tant j’ai la tête sous l’eau, comme beaucoup d’entre vous … Peut-être qu’il faudrait décider de s’arrêter complément. Arrêter la machine folle. Dire STOP : on s’arrête, on prend le temps de penser collectivement et de trouver des solutions. On commence à refonder. On se revoit physiquement et on revoit les étudiants à l’air libre, le plus vite possible, avant l’enfer du 3ème confinement.

    Nous sommes une #intelligence_collective. « Nous sommes l’Université », avons-nous écrit et dit, très souvent, pendant nos luttes, pour sauver ce qui reste de l’Université. Je me borne aujourd’hui à ces questions : Sommes-nous encore l’Université ? Sommes-nous encore une intelligence collective ? Que reste-t-il de notre #humanité dans un système qui broie l’humanité ? Sommes-nous encore une #communauté ?

    En 2012, j’ai écrit un texte dont je me souviens. Il avait pour titre « La communauté fragmentée ». Je crois que je pensais à Jean-Luc Nancy en écrivant ce texte, à la fois de circonstance et de réflexion. A 8 années de distance on voit la permanence des problèmes et leur vertigineuse accélération. Nous sommes aujourd’hui une communauté fragmentée dans une humanité fragmentée. Comment faire tenir ensemble ces fragments ? Comment rassembler les morceaux épars ? Comment réparer le vase ? Comment réinventer du commun ? Comment faire ou refaire communauté ?

    Je pose des questions. Je n’ai pas de réponse. Alors je transmets quelques informations. Je n’imaginais pas le faire avant une diffusion officielle aux composantes, mais vu les problèmes informatiques en cours, je prends sur moi de vous informer des avis adoptés à l’unanimité par le CHSCT qui s’est tenu ce 5 janvier. Ce n’est pas grand-chose, mais un avis de CHSCT a quand même une certaine force de contrainte pour la présidence. Il va falloir qu’ils suivent, en particulier sur le doublement des postes de médecins et de psychologues. Sinon on ne va pas les lâcher et on ira jusqu’au CHSCT ministériel.

    Je termine par l’ajout de notes et commentaires sur les propos de #Vidal sur France Culture le 2 janvier (https://www.franceculture.fr/emissions/politique/frederique-vidal-ministre-de-lenseignement-superieur-et-de-la-recherch

    ). Je voulais en faire un billet Mediapart mais j’ai été tellement écœuré que je n’ai pas eu la force. Il y est question des suicides d’étudiants. Il y a des phrases de Vidal qui sont indécentes. Elle a dit ceci : « Sur la question des suicides, d’abord ce sont des sujets multi-factoriels … On n’a pas d’augmentation massive du nombre de suicides constatée, mais il y a des étudiants fragiles qui se suicident ».

    Sur le réseau CHSCT national que j’évoquais à l’instant, il y a des alertes très sérieuses. Des CHSCT d’université sont saisis pour des TS d’étudiants. L’administrateur provisoire de l’Université de Strasbourg a bien confirmé ce 5 janvier que la promesse de Vidal de doubler les postes de psychologues dans les universités n’était actuellement suivi d’aucun moyen, d’aucun financement, d’aucun effet. Annonces mensongères et par conséquent criminelles ! Si c’est effectivement le cas et comme il y a des tentatives de suicides, il nous faudra tenir la ministre pour directement responsable. Et il faut le lui faire savoir tout de suite, à notre ministre "multi-factorielle" et grande pourvoyeuse de data, à défaut de postes et de moyens effectifs.

    Je vais transformer ce message en billet Mediapart. Car il faut bien comprendre ceci : nous n’avons plus le choix si on veut sauver des vies, il faut communiquer à l’extérieur, à toute la société. Ils n’ont peur que d’une seule chose : la communication. Ce dont ils vivent, qui est la moitié de leur infâme politique et dont ils croient tenir leur pouvoir : la #communication comme technique du #mensonge permanent. Pour commencer à ébranler leur système, il nous faut systématiquement retourner leur petite communication mensongère vulgairement encapsulée dans les media « mainstream" par un travail collectif et rigoureux d’établissement des faits, par une éthique de la #résistance et par une politique des sciences qui repose sur des savoirs et des enseignements critiques. Et j’y inclus bien sûr les savoirs citoyens.

    Notre liberté est dans nos démonstrations, dans nos mots et dans les rues, dans nos cris et sur les places s’il le faut, dans nos cours et nos recherches qui sont inséparables, dans nos créations individuelles et collectives, dans l’art et dans les sciences, dans nos corps et nos voix. Ils nous font la guerre avec des mensonges, des lois iniques, l’imposture du « en même temps » qui n’est que le masque d’un nouveau fascisme. Nous devons leur répondre par une guerre sans fin pour la #vérité et l’#intégrité, par la résistance de celles et ceux qui réinventent du commun. Au « en même temps », nous devons opposer ceci : "Nous n’avons plus le temps !". Ce sont des vies qu’il faut sauver. Le temps est sorti de ses gonds.

    Bon courage pour tout !

    Pascal

    PS : Avec son accord je publie ci-dessous la belle réponse que ma collègue Elsa Rambaud a faite à mon message sur la liste de mobilisation de l’Université de Strasbourg. Je l’en remercie. Je précise que la présente lettre ouverte a été légèrement amendée et complétée par rapport au message original. Conformément à celui-ci, j’y adjoins trois documents : la transcription commentée de l’entretien de Frédérique Vidal sur France Culture, les avis du CHSCT de l’Université de Strasbourg du 5 janvier 2021 et le courriel à tous les personnels de l’université de Valérie Robert, Directrice générale des services, et François Gauer, vice-président numérique. Nous y apprenons que c’est "le coeur" du système Osiris qui a été « affecté ». Il y a d’autres cœurs dont il faudra prendre soin … Nous avons besoin d’Isis... Soyons Isis, devenons Isis !

    –—

    Cher Pascal, cher-e-s toutes et tous,

    Merci de ce message.

    Pour ne pas s’habituer à l’inacceptable.

    Oui, tout ça est une horreur et, oui, le #distanciel dénature la #relation_pédagogique, en profondeur, et appauvrit le contenu même de ce qui est transmis. Nos fragilités institutionnelles soutiennent ce mouvement destructeur.

    Et pour avoir suivi les formations pédagogiques "innovantes" de l’IDIP l’an passé, je doute que la solution soit à rechercher de ce côté, sinon comme contre-modèle.

    Je n’ai pas plus de remèdes, seulement la conviction qu’il faut inventer vraiment autre chose : des cours dehors si on ne peut plus les faire dedans, de l’artisanat si la technique est contre nous, du voyage postal si nos yeux sont fatigués, du rigoureux qui déborde de la capsule, du ludique parce que l’ennui n’est pas un gage de sérieux et qu’on s’emmerde. Et que, non, tout ça n’est pas plus délirant que le réel actuel.

    Voilà, ça ne sert pas à grand-chose - mon mail- sinon quand même à ne pas laisser se perdre le tien dans ce silence numérique et peut-être à ne pas s’acomoder trop vite de ce qui nous arrive, beaucoup trop vite.

    Belle année à tous, résistante.

    Elsa

    https://blogs.mediapart.fr/pascal-maillard/blog/070121/sommes-nous-encore-une-communaute
    #étudiants #université #France #confinement #covid-19 #crise_sanitaire #santé_mentale #suicide #fragmentation

    • Vidal sur France Culture le 2 janvier :

      https://www.franceculture.fr/emissions/politique/frederique-vidal-ministre-de-lenseignement-superieur-et-de-la-recherch

      En podcast :

      http://rf.proxycast.org/d7f6a967-f502-4daf-adc4-2913774d1cf3/13955-02.01.2021-ITEMA_22529709-2021C29637S0002.mp3

      Titre d’un billet ironique à faire : « La ministre multi-factorielle et téléchargeable »

      Transcription et premiers commentaires.

      Reprise des enseignements en présence « de manière très progressive ».

      Dès le 4 janvier « Recenser les étudiants et les faire revenir par groupe de 10 et par convocation. » Comment, quand ?

      « Les enseignants sont à même d’identifier ceux qui sont en difficulté. » Comment ?

      « Le fait qu’on ait recruté 20 000 tuteurs supplémentaires en cette rentrée permet d’avoir des contacts avec les étudiants de première année, voir quels sont leur besoin pour décider ensuite comment on les fait revenir … simplement pour renouer un contact avec les équipes pédagogiques. » Mensonge. Ils ne sont pas encore recrutés. En 16:30 Vidal ose prétendre que ces emplois ont été créé dans les établissement au mois de décembre. Non, c’est faux.

      « 10 % des étudiants auraient pu bénéficier de TP. » Et 0,5% en SHS, Lettres, Art, Langues ?

      La seconde étape concernera tous les étudiants qu’on « essaiera de faire revenir une semaine sur deux pour les TD » à partir du 20 janvier.

      Concernant les étudiants : « souffrance psychologique très forte, … avec parfois une augmentation de 30 % des consultations »

      « Nous avons doublé les capacités de psychologues employés par les établissements ». Ah bon ?

      « Sur la question des suicides, d’abord ce sont des sujets multi-factoriels ». « On n’a pas d’augmentation massive du nombre de suicides constatée, mais il y a des étudiants fragiles qui se suicident ».

      « on recrute 1600 étudiants référents dans les présidences universitaires » (à 10 :30) « pour palier au problème de petits jobs ».

      « On a doublé le fond d’aide d’urgence. »

      « Nous avons-nous-même au niveau national passé des conventions avec la Fondation SFR … pour pouvoir donner aux étudiants la capacité de télécharger des data … », dit la ministre virtuelle. SFR permet certainement de télécharger une bouteille de lait numérique directement dans le frigo des étudiants. « Donner la capacité à télécharger des data » : Vidal le redira.

      L’angoisse de la ministre : « La priorité est de garantir la qualité des diplômes. Il ne faut pas qu’il y ait un doute qui s’installe sur la qualité des diplômés. »

      La solution est le contrôle continu, « le suivi semaine après semaine des étudiants » : « Ces contrôles continus qui donnent évidemment beaucoup de travail aux étudiants et les forcent à rester concentrés si je puis dire, l’objectif est là aussi. » Cette contrainte de rester concentré en permanence seul devant la lumière bleue de son écran, ne serait-elle pas en relation avec la souffrance psychologique reconnue par la ministre et avec le fait que « des étudiants fragiles se suicident » ?

    • Question posée par nombre d’étudiants non dépourvus d’expériences de lutte : puisque les tribunes et autres prises de position, les manifs rituelles et les « contre cours » ne suffisent pas, les profs et les chercheurs finiront-ils par faire grève ?

      Dit autrement, la « résistance » doit-elle et peut-elle être platonique ?

      Et si le suicide le plus massif et le plus terrible était dans l’évitement de ces questions ?

    • @colporteur : tes questions, évidemment, interrogent, m’interrogent, et interrogent tout le corps enseignant de la fac...
      « Les profs finiront-ils (et elles) pour faire grève ? »

      Réponse : Je ne pense pas.
      Les enseignant·es ont été massivement mobilisé·es l’année passée (il y a exactement un an). De ce que m’ont dit mes collègues ici à Grenoble : jamais ielles ont vu une telle mobilisation par le passé. Grèves, rétention des notes, et plein d’autres actions symboliques, médiatiques et concrètes. Les luttes portaient contre la #LPPR (aujourd’hui #LPR —> entérinée le matin du 26 décembre au Journal officiel !!!), contre les retraites, contres les violences policières, etc. etc.
      Cela n’a servi strictement à rien au niveau des « résultats » (rien, même pas les miettes).
      Les profs sont aussi très fatigué·es. J’ai plein de collègues qui vont mal, très mal.
      Les luttes de l’année passée ont été très dures, et il y a eu de très fortes tensions.
      On n’a pas la possibilité de se voir, de se croiser dans les couloirs, de manger ensemble. On est tou·tes chez nous en train de comprendre comment éviter que les étudiant·es lâchent.

      Je me pose tous les jours la question : quoi faire ? Comment faire ?

      L’université semble effriter sous nos pieds. En mille morceaux. Avec elle, les étudiant·es et les enseignant·es.

      Venant de Suisse, les grèves étudiantes, je ne connais pas. J’ai suivi le mouvement l’année passée, j’ai été même identifiée comme une des « meneuses du bal ». Je l’ai payé cher. Arrêt de travail en septembre. Mes collègues m’ont obligée à aller voir un médecin et m’ont personnellement accompagnée pour que je m’arrête pour de bon. Beaucoup de raisons à cela, mais c’était notamment dû à de fortes tensions avec, on va dire comme cela, « l’administration universitaire »... et les choses ont décidément empiré depuis les grèves.

      Personnellement, je continue à être mobilisée. Mais je ne crois pas à la confrontation directe et aux grèves.

      Le problème est de savoir : et alors, quelle stratégie ?

      Je ne sais pas. J’y pense. Mes collègues y pensent. Mais il y a un rouleau compresseur sur nos épaules. Difficile de trouver l’énergie, le temps et la sérénité pour penser à des alternatives.

      J’ai peut-être tort. Mais j’en suis là, aujourd’hui : détourner, passer dessous, passer derrière, éviter quand même de se faire écraser par le rouleau compresseur.
      Stratégie d’autodéfense féministe, j’ai un peu l’impression.

      Les discussions avec mes collègues et amiEs de Turquie et du Brésil me poussent à croire qu’il faut changer de stratégie. Et un mot d’ordre : « si on n’arrivera pas à changer le monde, au moins prenons soins de nous » (c’était le mot de la fin de la rencontre que j’avais organisée à Grenoble avec des chercheur·es de Turquie et du Brésil :
      https://www.pacte-grenoble.fr/actualites/universitaires-en-danger-journee-de-reflexion-et-de-solidarites-avec-

    • #Lettre d’un #étudiant : #exaspération, #résignation et #colère

      Bonjour,
      Je viens vers vous concernant un sujet et un contexte qui semblent progressivement se dessiner…
      Il s’agit du second semestre, et le passage en force (par « force » je veux dire : avec abstraction de tout débat avec les principaux acteur·ices concerné·es, post-contestations en 2019) de la loi LPR qui, il me semble, soulève une opposition d’ensemble de la part des syndicats enseignants universitaires (étant salarié, je suis sur la liste de diffusion de l’université).
      Aussi je viens vers vous concernant le deuxième semestre, qui risque de faire comme le premier : on commence en présentiel, puis on est reconfiné un mois et demi après. Bien entendu, je ne suis pas devin, mais la politique de ce gouvernement est assez facile à lire, je crois.
      Quelle opposition est possible, concrètement ? Car, loin d’aller dans des débats philosophiques, la solution d’urgence du numérique est certainement excusable, sauf lorsque cela tend à s’inscrire dans les mœurs et qu’elle ne questionne pas « l’après », mais qu’elle le conditionne. Or, je ne suis pas sûr qu’il soit sain d’envisager la transmission de savoirs d’une manière aussi arbitraire et insensée dans la durée, et qu’en l’absence de projet politique, cela semble devenir une réponse normée aux différentes crises prévues.
      J’ai la chance d’avoir un jardin, une maison, de l’espace, de pouvoir m’indigner de ceci car j’ai moins de contraintes, et de l’énergie mentale préservée de par un « capital culturel ». Ce n’est pas le cas d’autres, qui sont bloqué·es dans un 9 m2 depuis deux mois.
      Je ne veux pas me prononcer en le nom des autres étudiant·es, mais je peux affirmer que l’exaspération du distanciel et la validation de cette loi (ainsi que les autres, soyons francs) sont en train de soulever un dégoût assez fort. C’est très usant, d’être le dernier maillon d’une chaîne qui se dégrade, sous prétexte que « le distanciel fait l’affaire en attendant » alors même que rien n’est fait en profondeur pour améliorer le système de santé public, ni aucun, sinon l’inverse (l’on parle encore de réduction de lits en 2021 dans l’hôpital public). Je suis pour la solidarité nationale, mais celle-ci n’envisage aucune réciprocité. Et nous les « jeunes » sommes les bizus assumés du monde qui est en train de s’organiser.
      Et cela commence à peser sérieusement sur les promotions.

      (…)
      Je suis convaincu que personne n’apprécie la présente situation, comme j’ai l’impression qu’il n’y aura pas 36 000 occasions d’empêcher les dégradations générales du service public. Et je crains que, par l’acceptation de ce qui se passe, l’on avorte les seules options qu’il reste.
      Je suis désolé de ce message, d’exaspération, de résignation, de colère.

      J’ai choisi l’université française pour les valeurs qu’elle portait, pour la qualité de son enseignement, la force des valeurs qu’elle diffusait, la symbolique qu’elle portait sur la scène internationale et sa distance avec les branches professionnelles. Et j’ai l’impression que tout ce qui se passe nous condamne un peu plus, alors que la loi sécurité globale élève un peu plus la contestation, et que le gouvernement multiplie ses erreurs, en s’attaquant à trop de dossiers épineux en même temps. N’y a t’il pas un enjeu de convergence pour rendre efficace l’opposition et la proposition ?
      L’université n’est pas un bastion politique mais elle a de tout temps constitué un contre-pouvoir intellectuel se légitimant lors de dérives non-démocratiques, ou anti-sociales. Lorsqu’une autorité n’a que des positions dogmatiques, se soustrait de tout débat essentiel, d’acceptation de la différence (ce qui fait société !), n’est-il pas légitime de s’y opposer ?
      Nous, on se prend le climat, l’austérité qui arrive, la fragilisation de la sécu, des tafta, des lois sur le séparatisme, des policier·es décomplexé·es (minorité) qui tirent sur des innocents et sont couverts par des institutions qui ne jouent pas leur rôle arbitraire, on se fait insulter d’islamo-gauchistes sur les chaînes publiques parce qu’on porte certaines valeurs humanistes. J’avais à cœur de faire de la recherche car la science est ce qui nourrit l’évolution et garantit la transmission de la société, la rendant durable, je ne le souhaite plus. À quoi ça sert d’apprendre des notions de durabilité alors qu’on s’efforce de rendre la société la moins durable possible en pratique ?
      Que peut-on faire concrètement ? Ne nous laissez pas tomber, s’il vous plaît. Nous sommes et serons avec vous.
      Vous, enseignant·es, que vous le vouliez ou non êtes nos « modèles ». Les gens se calquent toujours sur leurs élites, sur leurs pairs.
      Vous êtes concerné·es aussi : les institutions vont commencer à faire la chasse aux sorcières dans les corpus universitaires si les dérives autoritaires se banalisent.

      L’orientation du débat public et la « fachisation » d’idéaux de société va inéluctablement faire en sorte que les enseignant·es soient en ligne de mire pour les valeurs qu’iels diffusent. C’est déjà en cours à la télé, des député·es banalisent ce discours.
      N’est-il pas du devoir des intellectuel·les d’élever le niveau du débat en portant des propositions ?
      Je ne suis pas syndiqué, pas engagé dans un parti, et je me sens libre de vous écrire ceci ; et je l’assumerai.
      Ce que je souhaite, c’est que l’on trouve un discours commun, motivant, pour que l’action puisse naître, collectivement et intelligemment : étudiant·es, et enseignant·es.
      Avec tout mon respect, fraternellement, et en considérant la difficile situation que vous-même vivez.

      Un étudiant en M1
      2 décembre 2020

      https://academia.hypotheses.org/29240

    • Des #vacataires au bord de la rupture se mettent en #grève

      Depuis le 23 novembre 2020, les vacataires en sociologie de l’#université_de_Bourgogne sont en #grève_illimitée. Ils et elles dénoncent les conditions de précarité dans lesquelles ils et elles travaillent, et demandent qu’un dialogue autour de ces problématiques soit enfin instaurer.

      Suite à leur communiqué, les enseignant·e·s–chercheur·e·s du département de sociologie ont décidé de leur apporter tout leur soutien.

      –---

      Communiqué des vacataires en sociologie à l’université de Bourgogne au bord de la rupture

      Nous, docteur·es et doctorant·es, vacataires et contractuel.le.s au département de sociologie, prenons aujourd’hui la parole pour dire notre colère face aux dysfonctionnements structurels au sein de l’université de Bourgogne, qui nous mettent, nous et nos collègues titulaires, dans des situations ubuesques. Nous tirons la sonnette d’alarme !

      L’université de Bourgogne, comme tant d’autres universités en France, recourt aux vacataires et aux contractuel·les pour réaliser des missions pourtant pérennes. Ainsi, en termes d’enseignement, nous vacataires, assurons en moyenne 20 % des enseignements des formations de l’université de Bourgogne. Et au département de sociologie cette proportion grimpe à près de 30%.

      Le statut de vacataire est, à l’origine, pensé pour que des spécialistes, qui ne seraient pas enseignant·es-chercheur·ses à l’université, puissent venir effectuer quelques heures de cours dans leur domaine de spécialité. Cependant aujourd’hui ce statut est utilisé pour pallier le manque de postes, puisque sans nous, la continuité des formations ne peut être assurée : en comptant les vacations ainsi que les heures complémentaires imposées aux enseignants titularisés, ce sont en effet 46% des cours qui dépassent le cadre normal des services des enseignant-chercheurs. Nous sommes donc des rouages essentiel du fonctionnement de l’université.

      Doctorant·es (bien souvent non financé·es, notamment en Sciences Humaines et Sociales) et docteur·es sans postes, nous sommes payé·es deux fois dans l’année, nous commençons nos cours bien souvent plusieurs semaines (à plusieurs mois !) avant que nos contrats de travail soient effectivement signés. Nous sommes par ailleurs rémunéré·es à l’heure de cours effectuée, ce qui, lorsqu’on prend en compte le temps de préparation des enseignements et le temps de corrections des copies, donne une rémunération en dessous du SMIC horaire1.

      Au delà de nos situations personnelles, bien souvent complexes, nous constatons tous les jours les difficultés de nos collègues titulaires, qui tentent de « faire tourner » l’université avec des ressources toujours plus limitées, et en faisant face aux injonctions contradictoires de l’administration, la surcharge de travail qu’induit le nombre croissant d’étudiant·es et les tâches ingrates à laquelle oblige l’indigne sélection mise en place par Parcoursup ! Sans compter, aujourd’hui, les charges administratives qui s’alourdissent tout particulièrement avec la situation sanitaire actuelle. Nous sommes contraint·es d’adapter les modalités d’enseignement, sans matériel et sans moyens supplémentaires, et dans des situations d’incertitudes absolues sur l’évolution de la situation. Nous sommes toutes et tous au maximum de nos services et heures complémentaires et supplémentaires, à tel point que, quand l’un·e ou l’autre doit s’absenter pour quelques raisons que ce soit, nos équipes sont au bord de l’effondrement ! Et nous ne disons rien ici du sens perdu de notre travail : ce sentiment de participer à un vrai service public de l’enseignement supérieur gratuit et ouvert à toutes et tous, systématiquement saboté par les réformes en cours du lycée et de l’ESR !

      C’est pour ces raisons, et face au manque de réponse de la part de l’administration, que nous avons pris la difficile décision d’entamer un mouvement de grève illimité à partir du lundi 23 novembre 2020 à 8 h. Ce mouvement prendra fin lorsqu’un dialogue nous sera proposé.

      Nos revendications sont les suivantes :

      Mensualisation des rémunérations des vacataires ;
      Souplesse vis-à-vis des « revenus extérieurs » insuffisants des vacataires, particulièrement en cette période de crise sanitaire ;
      Exonération des frais d’inscription pour les doctorant.e.s vacataires ;
      Titularisation des contractuelles et contractuels exerçant des fonctions pérennes à l’université ;
      Plus de moyens humains dans les composantes de l’université de Bourgogne.

      Nous avons bien conscience des conséquences difficiles que cette décision va provoquer, autant pour nos étudiant.e.s, que pour le fonctionnement du département de sociologie. Nous ne l’avons pas pris à la légère : elle ne s’est imposée qu’à la suite d’abondantes discussions et de mûres réflexions. Nous en sommes arrivé.es à la conclusion suivante : la défense de nos conditions de travail, c’est aussi la défense de la qualité des formations de l’université de Bourgogne.

      Pour ceux qui se sentiraient désireux de nous soutenir, et qui le peuvent, nous avons mis en place une caisse de grève afin d’éponger en partie la perte financière que recouvre notre engagement pour la fin d’année 2020.

      https://www.papayoux-solidarite.com/fr/collecte/caisse-de-greve-pour-les-vacataires-sociologie-dijon

      Nous ne lâcherons rien et poursuivrons, si besoin est, cette grève en 2021.
      Lettre de soutien des enseignant·es–chercheur·ses du département de sociologie à l’université de Bourgogne

      https://academia.hypotheses.org/29225
      #précarité #précaires

    • Un étudiant de Master, un doyen de droit : à quand les retrouvailles ?

      Academia republie ici, avec l’accord de leurs auteurs, deux courriels adressés l’un sur une liste de diffusion de l’Université de Paris-1 Panthéon-Sorbonne et l’autre par le doyen de la faculté de droit. Les deux disent la même chose : le souhait de se retrouver, de le faire dans des bonnes conditions sanitaires, mais de se retrouver. Aujourd’hui, seul le gouvernement — et peut-être bientôt le Conseil d’État qui devrait rendre la décision concernant le référé-liberté déposé par Paul Cassia — et audiencé le 3 décembre 2020 ((Le message que Paul Cassia a adressé à la communauté de Paris-1 à la sortie de l’audience avec un seul juge du Conseil d’État vendredi, n’était pas encourageant.)) — les en empêchent.

      –—

      Courriel de Dominik, étudiant en Master de Science Politique à l’Université de Paris-1

       » (…) Je me permets de vous transmettre le point de vue qui est le mien, celui d’un étudiant lambda, mais qui passe beaucoup de temps à échanger avec les autres. Je vous conjure d’y prêter attention, parce que ces quelques lignes ne sont pas souvent écrites, mais elles passent leur temps à être prononcées entre étudiantes et étudiants.

      Je crois qu’il est temps, en effet, de se préoccuper de la situation, et de s’en occuper à l’échelle de l’université plutôt que chacun dans son coin. Cette situation, désolé de répéter ce qui a été dit précédemment, est alarmante au plus haut point. J’entends parler autour de moi de lassitude, de colère, de fatigue, voire de problèmes de santé graves, de dépressions et de décrochages. Ce ne sont pas des cas isolés, comme cela peut arriver en novembre, mais bien une tendance de fond qui s’accroît de jour en jour. J’ai reçu des appels d’étudiantes et d’étudiants qui pleuraient de fatigue, d’autres d’incompréhensions. L’un m’écrivait la semaine dernière qu’il s’était fait remettre sous antidépresseurs, tandis que plusieurs témoignent, en privé comme sur les groupes de discussion, de leur situation de “décrochage permanent”.

      Ce décrochage permanent, je suis en train de l’expérimenter, consiste à avoir en permanence un train de retard que l’on ne peut rattraper qu’en prenant un autre train de retard. Le travail est en flux tendu, de 9 heures à 21 heures pour les plus efficaces, de 9h à minuit, voire au-delà pour les plus occupés, ceux qui font au système l’affront de vouloir continuer à suivre un second cursus (linguistique, dans mon cas), voire pire, de continuer à s’engager dans la vie associative qui rend notre Alma Mater si singulière. Parce que nous l’oublions, mais la vitalité associative est elle aussi en grand danger.

      Pour revenir au décrochage permanent, qui est à la louche le lot de la moitié des étudiantes et étudiants de ma licence, et sûrement celui de milliers d’autres à travers l’Université, c’est une situation qui n’est tenable ni sur le plan physique, ni sur le plan psychique, ni sur le plan moral, c’est à dire de la mission que l’Université se donne.

      Sur le plan physique, nous sommes victimes de migraines, de fatigue oculaire (une étudiante me confiait il y a trois jours avoir les yeux qui brûlent sous ses lentilles), de maux de dos et de poignet. Certains sont à la limite de l’atrophie musculaire, assis toute la journée, avec pour seul trajet quotidien l’aller-retour entre leur lit et leur bureau, et éventuellement une randonnée dans leur cuisine. Je n’arrive pas non plus à estimer la part des étudiantes et étudiants qui ne s’alimente plus correctement, mangeant devant son écran ou sautant des repas.

      Sur le plan psychique, la solitude et la routine s’installent. Solitude de ne plus voir ni ses amis ni même quiconque à ce qui est censé être l’âge de toutes les expériences sociales, lassitude des décors (le même bureau, la même chambre, le même magasin), routine du travail (dissertation le lundi, commentaire le mardi, fiche de lecture le mercredi, etc. en boucle) et des cours (“prenez vos fascicules à la page 63, on va faire la fiche d’arrêt de la décision n°xxx”).

      Sur le plan moral, parce que notre Université est en train d’échouer. La Sorbonne plus que toute autre devrait savoir en quoi elle est un lieu de débat d’idées, d’élévation intellectuelle, d’émancipation et d’épanouissement. Sans vie associative, sans conférences, sans rencontres, sans soirées endiablées à danser jusqu’à 6 heures avant l’amphi de Finances publiques (désolé), sans les interventions interminables des trotskystes dans nos amphis, les expos dans la galerie Soufflot, les appariteurs tatillons en Sorbonne et les cafés en terrasse où on se tape dessus, entre deux potins, pour savoir s’il vaut mieux se rattacher à Bourdieu ou à Putnam, à Duguit ou à Hauriou, sans tout ce qui fait d’une Université une Université et de la Sorbonne la Sorbonne, nous sommes en train d’échouer collectivement.

      Sous prétexte de vouloir s’adapter à la situation sanitaire, nous avons créé un problème sanitaire interne à notre établissement, et nous l’avons recouvert d’une crise du sens de ce que nous sommes en tant qu’étudiantes et étudiants, et de ce que Paris I est en tant qu’Université.

      Ce problème majeur ne pourra être traité qu’à l’échelle de toute l’Université. Parce que nombre de nos étudiants dépendent de plusieurs composantes, et qu’il serait dérisoire de croire qu’alléger les cours d’une composante suffira à sauver de la noyade celles et ceux qui seront toujours submergés par les cours de la composante voisine. Parce qu’il semble que nous ayons décidé de tenir des examens normaux en présentiel en janvier, alors même que nombre d’entre nous sont confinés loin de Paris, alors même que la situation sanitaire demeure préoccupante, alors même qu’il serait risible de considérer qu’un seul étudiant de cette Université ait pu acquérir correctement les savoirs et savoir-faires qu’on peut exiger de lui en temps normal.

      Je ne dis pas qu’il faut tenir des examens en distanciel, ni qu’il faut les tenir en présentiel, pour être honnête je n’en ai pas la moindre idée. Je sais en revanche que faire comme si tout était normal alors que rien ne l’est serait un affront fait aux étudiants.

      J’ajoute, enfin, pour conclure ce trop long mot, que je ne parle pas ici des mauvais élèves. Lorsque je parle de la souffrance et de la pénibilité, c’est autant celle des meilleurs que des médiocres. Quand quelqu’un qui a eu 18,5 au bac s’effondre en larmes au bout du fil, ce n’est plus un problème personnel. Quand des étudiantes et étudiants qui ont été sélectionnés sur ParcourSup à raison d’une place pour cent, qui ont été pour beaucoup toute leur vie les modèles les plus parfaits de notre système scolaire, qui sont pour nombre d’entre eux d’anciens préparationnaires à la rue d’Ulm, quand ceux-là vous disent qu’ils souffrent et qu’ils n’en peuvent plus, c’est que le système est profondément cassé.

      Désolé, je n’ai pas de solutions. On en a trouvé quelques-unes dans notre UFR, elles sont listées dans le mail de M. Valluy, mais je persiste à croire que ce n’est pas assez. Tout ce que je sais, c’est qu’il faut arrêter de faire comme si tout allait bien, parce que la situation est dramatique.

      Je sais, par ailleurs, que ce constat et cette souffrance sont partagés par nombre d’enseignants, je ne peux que leur témoigner mon indéfectible soutien. Je remercie également Messieurs Boncourt et Le Pape d’alerter sur cette situation, et ne peux que souscrire à leur propos.

      Prenez soin de notre société, Prenez soin de vous (…) »

      Dominik

      –—

      Mesdames, Messieurs, chers étudiants,
      Comment vous dire ? Pas d’information ici, pas de renseignement. Je voulais vous parler, au nom de tous.
      La Faculté est froide, déserte. Pas de mouvement, pas de bruit, pas vos voix, pas vos rires, pas l’animation aux pauses. Il n’y a même plus un rayon de soleil dans la cour.
      Nous continuons à enseigner devant des écrans, avec des petites mains qui se lèvent sur teams et une parole à distance. Quelque fois nous vous voyons dans une petite vignette, un par un.
      Quelle tristesse qu’une heure de cours devant un amphithéâtre vide, dont on ne sent plus les réactions, à parler devant une caméra qui finit par vous donner le sentiment d’être, vous aussi, une machine.
      Quel manque d’âme dans ce monde internet, ce merveilleux monde du numérique dont même les plus fervents défenseurs perçoivent aujourd’hui qu’il ne remplacera jamais la chaleur d’une salle remplie de votre vie.

      Vous nous manquez, plus que vous ne l’imaginez. Vous nous manquez à tous, même si nous ne savons pas toujours ni vous le dire, ni vous le montrer.
      Et au manque s’ajoute aujourd’hui une forme de colère, contre le traitement qui vous est fait. Votre retour en février seulement ? Inadmissible. La rentrée en janvier est devenue notre combat collectif.
      Partout les Présidents d’Université expriment leur désaccord et seront reçus par le Premier Ministre. Les doyens de Faculté sont montés au créneau devant le Ministre de l’enseignement supérieur. On ne garantit pas d’être entendus mais on a expliqué que l’avenir ne s’emprisonne pas et que vous êtes l’avenir. Il semble que cela fasse sérieusement réfléchir.
      Si d’aventure nous obtenions gains de cause, et pouvions rentrer en janvier, je proposerai de décaler la rentrée en cas de besoin pour qu’on puisse reprendre avec vous.
      Et vous ?
      Ne croyez pas que nous ignorions que beaucoup d’entre vous se sentent isolés, délaissés, abandonnés même, et que, parfois, même les plus forts doutent. Nous percevons, malgré votre dignité en cours, que la situation est déplaisante, anxiogène, désespérante. Et nous pensons à celles et ceux qui ont été ou sont malades, ou qui voient leurs proches souffrir.
      Nous le sentons bien et souffrons de nous sentir impuissants à vous aider davantage.
      Je veux simplement vous dire que vous devez encore tenir le coup. C’est l’affaire de quelques semaines. C’est difficile mais vous allez y arriver. Vous y arriverez pour vous, pour vos proches, pour nous.

      Pour vous parce que, quelle que soit l’issue de ce semestre, vous aurez la fierté d’avoir résisté à cet orage. Vous aurez été capables de surmonter des conditions difficiles, et serez marqués, par ceux qui vous emploieront demain, du sceau de l’abnégation et courage. Ce sera, de toute façon, votre victoire.
      Pour vos proches parce qu’ils ont besoin, eux aussi, de savoir que vous ne cédez pas, que vous continuez à tout donner, que si vous avez parfois envie d’en pleurer, vous aurez la force d’en sourire.
      Pour nous enfin car il n’y aurait rien de pire pour nous que de ne pas vous avoir donné assez envie pour aller de l’avant. Nous ne sommes pas parfaits, loin de là, mais faisons honnêtement ce que nous pouvons et espérons, de toutes nos forces, vous avoir transmis un peu de notre goût pour nos disciplines, et vous avoir convaincus que vous progresserez aussi bien par l’adversité que par votre réussite de demain.
      Comment vous dire ? j’avais juste envie de vous dire que nous croyons en vous et que nous vous attendons. Bon courage !

      Amicalement
      Fabrice GARTNER
      Doyen de la Faculté de droit, sciences économiques et gestion de Nancy
      Professeur de droit public à l’Université de Lorraine
      Directeur du Master 2 droit des contrats publics
      Avocat spécialiste en droit public au barreau d’Epinal

      https://academia.hypotheses.org/29334

    • « Un #dégoût profond pour cette République moribonde » , écrit un étudiant de sciences sociales

      Le message a circulé. Beaucoup.
      Sur les listes de diffusion, sur les plateformes de messagerie. Le voici publié sur un site : Bas les masques. Il n’est pas inutile de le relire. Et de continuer à se demander que faire. De son côté, Academia continue : proposer des analyses, proposer des actions.

      –---

      Bonjour,

      Je suis enseignant de sciences sociales en lycée en Bretagne et j’ai reçu le cri d’alarme d’un de mes ancien-ne-s élèves de première qui a participé à la manifestation parisienne contre la loi dite de sécurité globale le samedi 5 décembre dernier. Il a aujourd’hui 21 ans et il est étudiant.

      Je me sens démuni pour répondre seul à ce cri d’alarme alors je le relaie en espérant qu’il sera diffusé et qu’il suscitera quelque chose. Une réaction collective à imaginer. Mais laquelle ?

      Merci d’avance pour la diffusion et pour vos éventuelles réponses.

      « Bonjour Monsieur,

      Ce mail n’appelle pas nécessairement de réponse de votre part, je cherchais simplement à écrire mon désarroi. Ne sachant plus à qui faire part du profond mal-être qui m’habite c’est vous qui m’êtes venu à l’esprit. Même si cela remonte à longtemps, l’année que j’ai passée en cours avec vous a eu une influence déterminante sur les valeurs et les idéaux qui sont aujourd’hui miens et que je tente de défendre à tout prix, c’est pour cela que j’ai l’intime conviction que vous serez parmi les plus à même de comprendre ce que j’essaye d’exprimer.

      Ces dernières semaines ont eu raison du peu d’espoir qu’il me restait. Comment pourrait-il en être autrement ? Cette année était celle de mes 21 ans, c’est également celle qui a vu disparaître mon envie de me battre pour un monde meilleur. Chaque semaine je manifeste inlassablement avec mes amis et mes proches sans observer le moindre changement, je ne sais plus pourquoi je descends dans la rue, il est désormais devenu clair que rien ne changera. Je ne peux parler de mon mal-être à mes amis, je sais qu’il habite nombre d’entre eux également. Nos études n’ont désormais plus aucun sens, nous avons perdu de vue le sens de ce que nous apprenons et la raison pour laquelle nous l’apprenons car il nous est désormais impossible de nous projeter sans voir le triste futur qui nous attend. Chaque semaine une nouvelle décision du gouvernement vient assombrir le tableau de cette année. Les étudiants sont réduits au silence, privés de leurs traditionnels moyens d’expression. Bientôt un blocage d’université nous conduira à une amende de plusieurs milliers d’euros et à une peine de prison ferme. Bientôt les travaux universitaires seront soumis à des commissions d’enquêtes par un gouvernement qui se targue d’être le grand défenseur de la liberté d’expression. Qu’en est-il de ceux qui refuseront de rentrer dans le rang ?

      Je crois avoir ma réponse.

      Samedi soir, le 5 décembre, j’étais présent Place de la République à Paris. J’ai vu les forces de l’ordre lancer à l’aveugle par-dessus leurs barricades anti-émeutes des salves de grenades GM2L sur une foule de manifestants en colère, habités par une rage d’en découdre avec ce gouvernement et ses représentants. J’ai vu le jeune homme devant moi se pencher pour ramasser ce qui ressemblait à s’y méprendre aux restes d’une grenade lacrymogène mais qui était en réalité une grenade GM2L tombée quelques secondes plus tôt et n’ayant pas encore explosée. Je me suis vu lui crier de la lâcher lorsque celle-ci explosa dans sa main. Tout s’est passé très vite, je l’ai empoigné par le dos ou par le sac et je l’ai guidé à l’extérieur de la zone d’affrontements. Je l’ai assis au pied de la statue au centre de la place et j’ai alors vu ce à quoi ressemblait une main en charpie, privée de ses cinq doigts, sorte de bouillie sanguinolente. Je le rappelle, j’ai 21 ans et je suis étudiant en sciences sociales, personne ne m’a appris à traiter des blessures de guerre. J’ai crié, crié et appelé les street medics à l’aide. Un homme qui avait suivi la scène a rapidement accouru, il m’a crié de faire un garrot sur le bras droit de la victime. Un garrot… Comment pourrais-je avoir la moindre idée de comment placer un garrot sur une victime qui a perdu sa main moins d’une minute plus tôt ? Après quelques instants qui m’ont paru interminables, les street medics sont arrivés et ont pris les choses en main. Jamais je n’avais fait face à un tel sentiment d’impuissance. J’étais venu manifester, exprimer mon mécontentement contre les réformes de ce gouvernement qui refuse de baisser les yeux sur ses sujets qui souffrent, sur sa jeunesse qui se noie et sur toute cette frange de la population qui suffoque dans la précarité. Je sais pertinemment que mes protestations n’y changeront rien, mais manifester le samedi me permet de garder à l’esprit que je ne suis pas seul, que le mal-être qui m’habite est général. Pourtant, ce samedi plutôt que de rentrer chez moi heureux d’avoir revu des amis et d’avoir rencontré des gens qui gardent espoir,je suis rentré chez moi dépité, impuissant et révolté. Dites-moi Monsieur, comment un étudiant de 21 ans qui vient simplement exprimer sa colère la plus légitime peut-il se retrouver à tenter d’installer un garrot sur le bras d’un inconnu qui vient littéralement de se faire arracher la main sous ses propres yeux, à seulement deux ou trois mètres de lui. Comment en suis-je arrivé là ? Comment en sommes-nous arrivés là ?

      Je n’ai plus peur de le dire. Aujourd’hui j’ai un dégoût profond pour cette République moribonde. Les individus au pouvoir ont perverti ses valeurs et l’ont transformée en appareil répressif à la solde du libéralisme. J’ai développé malgré moi une haine profonde pour son bras armé qui défend pour envers et contre tous ces hommes et ces femmes politiques qui n’ont que faire de ce qu’il se passe en bas de leurs châteaux. J’ai toujours défendu des valeurs humanistes et pacifistes, qui m’ont été inculquées par mes parents et desquelles j’ai jusqu’ici toujours été très fier. C’est donc les larmes aux yeux que j’écris ceci mais dites-moi Monsieur, comment aujourd’hui après ce que j’ai vu pourrais-je rester pacifique ? Comment ces individus masqués, sans matricules pourtant obligatoires peuvent-ils nous mutiler en toute impunité et rentrer chez eux auprès de leur famille comme si tout était normal ? Dans quel monde vivons-nous ? Dans un monde où une association de policiers peut ouvertement appeler au meurtre des manifestants sur les réseaux sociaux, dans un monde où les parlementaires et le gouvernement souhaitent renforcer les pouvoirs de cette police administrative qui frappe mutile et tue.Croyez-moi Monsieur, lorsque je vous dis qu’il est bien difficile de rester pacifique dans un tel monde…

      Aujourd’hui être français est devenu un fardeau, je suis l’un de ces individus que l’Etat qualifie de « séparatiste », pourtant je ne suis pas musulman, ni même chrétien d’ailleurs. Je suis blanc, issu de la classe moyenne, un privilégié en somme… Mais quelle est donc alors cette religion qui a fait naître en moi une telle défiance vis-à-vis de l’Etat et de la République ? Que ces gens là-haut se posent les bonnes questions, ma haine pour eux n’est pas due à un quelconque endoctrinement, je n’appartiens à l’heure actuelle à aucune organisation, à aucun culte « sécessioniste ». Pourtant je suis las d’être français, las de me battre pour un pays qui ne veut pas changer. Le gouvernement et les individus au pouvoir sont ceux qui me poussent vers le séparatisme. Plutôt que de mettre sur pied des lois visant à réprimer le séparatisme chez les enfants et les étudiants qu’ils s’interrogent sur les raisons qui se cachent derrière cette défiance. La France n’est plus ce qu’elle était, et je refuse d’être associé à ce qu’elle représente aujourd’hui. Aujourd’hui et malgré moi je suis breton avant d’être français. Je ne demanderais à personne de comprendre mon raisonnement, seulement aujourd’hui j’ai besoin de me raccrocher à quelque chose, une lueur, qui aussi infime soit-elle me permette de croire que tout n’est pas perdu. Ainsi c’est à regret que je dis cela mais cette lueur je ne la retrouve plus en France, nous allons au-devant de troubles encore plus grands, le pays est divisé et l’antagonisme grandit de jour en jour. Si rien n’est fait les jeunes qui comme moi chercheront une sortie, un espoir alternatif en lequel croire, quand bien même celui-ci serait utopique, seront bien plus nombreux que ne l’imaginent nos dirigeants. Et ce ne sont pas leurs lois contre le séparatisme qui pourront y changer quelque chose. Pour certains cela sera la religion, pour d’autre comme moi, le régionalisme. Comment pourrait-il en être autrement quand 90% des médias ne s’intéressent qu’aux policiers armés jusqu’aux dents qui ont été malmenés par les manifestants ? Nous sommes plus de 40 heures après les événements de samedi soir et pourtant je n’ai vu nulle part mentionné le fait qu’un manifestant avait perdu sa main, qu’un journaliste avait été blessé à la jambe par des éclats de grenades supposées sans-danger. Seul ce qui reste de la presse indépendante tente encore aujourd’hui de faire la lumière sur les événements terribles qui continuent de se produire chaque semaine. Soyons reconnaissants qu’ils continuent de le faire malgré les tentatives d’intimidation qu’ils subissent en marge de chaque manifestation.

      Je tenais à vous le dire Monsieur, la jeunesse perd pied. Dans mon entourage sur Paris, les seuls de mes amis qui ne partagent pas mon mal-être sont ceux qui ont décidé de fermer les yeux et de demeurer apolitiques. Comment les blâmer ? Tout semble plus simple de leur point de vue. Nous sommes cloitrés chez nous pendant que la planète se meurt dans l’indifférence généralisée, nous sommes rendus responsables de la propagation du virus alors même que nous sacrifions nos jeunes années pour le bien de ceux qui ont conduit la France dans cette impasse. Les jeunes n’ont plus l’envie d’apprendre et les enseignants plus l’envie d’enseigner à des écrans noirs. Nous sacrifions nos samedis pour aller protester contre ce que nous considérons comme étant une profonde injustice, ce à quoi l’on nous répond par des tirs de grenades, de gaz lacrymogènes ou de LBD suivant les humeurs des forces de l’ordre. Nous sommes l’avenir de ce pays pourtant l’on refuse de nous écouter, pire, nous sommes muselés. Beaucoup de chose ont été promises, nous ne sommes pas dupes.

      Ne gaspillez pas votre temps à me répondre. Il s’agissait surtout pour moi d’écrire mes peines. Je ne vous en fait part que parce que je sais que cette lettre ne constituera pas une surprise pour vous. Vous êtes au premier rang, vous savez à quel point l’abime dans laquelle sombre la jeunesse est profonde. Je vous demanderai également de ne pas vous inquiéter. Aussi sombre cette lettre soit-elle j’ai toujours la tête bien fixée sur les épaules et j’attache trop d’importance à l’éducation que m’ont offert mes parents pour aller faire quelque chose de regrettable, cette lettre n’est donc en aucun cas un appel au secours. J’éprouvais seulement le besoin d’être entendu par quelqu’un qui je le sais, me comprendra.

      Matéo »

      https://academia.hypotheses.org/29546

    • Les étudiants oubliés : de la #méconnaissance aux #risques

      Ce qui suit n’est qu’un billet d’humeur qui n’engage évidemment ni la Faculté, ni ses étudiants dont je n’entends pas ici être le représentant. Et je ne parle que de ceux que je crois connaître, dans les disciplines de la Faculté qui est la mienne. On ne me lira pas jusqu’au bout mais cela soulage un peu.

      Le président de la République a vécu à « l’isolement » au pavillon de la Lanterne à Versailles. Ce n’était pas le #confinement d’un étudiant dans sa chambre universitaire, mais il aura peut-être touché du doigt la vie « sans contact ». On espère qu’elle cessera bientôt pour nos étudiants, les oubliés de la République…

      #Oubliés des élus (j’excepte mon député qui se reconnaîtra), y compris locaux, qui, après avoir milité pour la réouverture des petits commerces, n’ont plus que le 3e confinement comme solution, sans y mettre, et c’est le reproche que je leur fais, les nuances qu’appelle une situation estudiantine qui devient dramatique.

      Oubliés depuis le premier confinement. Alors qu’écoliers, collégiens et lycéens rentraient, ils n’ont jamais eu le droit de revenir dans leur Faculté. Le « #distanciel » était prôné par notre Ministère. On neutralisera finalement les dernières épreuves du baccalauréat, acquis sur tapis vert. Pourtant, aux étudiants, et à nous, on refusera la #neutralisation des #examens d’un semestre terminé dans le chaos. Ils devront composer et nous tenterons d’évaluer, mal.

      Tout le monde rentre en septembre… Pour les étudiants, le ministère entonne désormais l’hymne à « l’#enseignement_hybride »… On coupe les promotions en deux. On diffuse les cours en direct à ceux qui ne peuvent s’asseoir sur les strapontins désormais scotchés… Les étudiants prennent l’habitude du jour sur deux. Les débuts technologiques sont âpres, nos jeunes ont une patience d’ange, mais on sera prêts à la Toussaint.

      Oubliés au second confinement. Le Ministre de l’éducation a obtenu qu’on ne reconfine plus ses élèves, à raison du risque de #décrochage. Lui a compris. L’enseignement supérieur n’obtient rien et reprend sa comptine du « distanciel ». Les bambins de maternelle pourront contaminer la famille le soir après une journée à s’esbaudir sans masque, mais les étudiants n’ont plus le droit de venir, même masqués, même un sur deux, alors que c’est la norme dans les lycées.

      Oubliés à l’annonce de l’allègement, quand ils, apprennent qu’ils ne rentreront qu’en février, quinze jours après les restaurants… Pas d’explication, pas de compassion. Rien. Le Premier ministre, décontenancé lors d’une conférence de presse où un journaliste, un original pour le coup, demandera … « et les étudiants ? », répondra : « Oui, nous avons conscience de la situation des étudiants ».

      Des collègues croyant encore aux vertus d’un #référé_liberté agiront devant le Conseil d’Etat, en vain. Merci à eux d’avoir fait la démarche, sous la conduite de Paul Cassia. Elle traduit une demande forte, mais sonne comme un prêche dans le désert.

      Oubliés alors que le ministère a connaissance depuis décembre des chiffres qui montrent une situation psychologique dégradée, des premières tentatives de suicide. Il a répondu… ! Nos dernières circulaires nous autorisent à faire revenir les étudiants dès janvier pour… des groupes de soutien ne dépassant pas 10 étudiants… Ce n’est pas de nounous dont les étudiants ont besoin, c’est de leurs enseignants. Et les profs n’ont pas besoin d’assistants sociaux, ils veulent voir leurs étudiants.

      On pourrait refaire des travaux dirigés en demi salles… à une date à fixer plus tard. Le vase déborde ! Quand va-t-on sérieusement résoudre cet #oubli qui ne peut résulter que de la méconnaissance et annonce des conséquences graves.

      La méconnaissance

      Fort d’une naïveté qu’on veut préserver pour survivre, on va croire que l’oubli est le fruit non du mépris, mais d’une méprise.

      Les étudiants sont d’abord victimes de leur nombre. Le Premier Ministre parlera d’eux comme d’un « #flux », constitué sans doute d’écervelés convaincus d’être immortels et incapables de discipline. Les éloigner, c’est évidemment écarter la masse, mais l’argument cède devant les étudiants (les nôtres par exemple), qui ont prouvé leur capacité à passer leurs examens « en présentiel » dans un respect impressionnant des consignes. Il cède aussi devant la foule de voyageurs du métro ou les files d’attente des grands magasins. Brassage de population ? Il y en a des pires.

      Ils sont ensuite victime d’un cliché tenace. Dans un amphi, il ne se passe rien. L’enseignant débite son cours et s’en va. Le cours ayant tout d’un journal télévisé, on peut le… téléviser. Tous les enseignants, mais se souvient-on qu’ils existent, savaient et on redécouvert que tout dans un amphi est fait d’échanges avec la salle : des #regards, des #sourires, des sourcils qui froncent, un brouhaha de doute, un rire complice. Le prof sent son public, redit quand il égare, accélère quand il ennuie, ralentit quand il épuise.

      Le ministère croit le contraire, et le Conseil d’Etat, dont l’audace majeure aura été de critiquer la jauge dans les églises, a cédé au cliché pour les amphis en jugeant que le distanciel « permet l’accès à l’enseignement supérieur dans les conditions sanitaires » actuelles (ord. n°447015 du 10 décembre). Nous voilà sauvés. Le prêtre serait-il plus présent que le professeur ? La haute juridiction, pour les théâtres, admettant que leurs #mesures_sanitaires sont suffisantes, nous avons d’ailleurs les mêmes, concèdera que leur fermeture compromet les libertés mais doit être maintenue dans un « contexte sanitaire marqué par un niveau particulièrement élevé de diffusion du virus au sein de la population », autant dire tant que le gouvernement jugera que ça circule beaucoup (ord. n°447698 du 23 décembre). Si on résume, « 30 à la messe c’est trop peu », « pour les études la télé c’est suffisant » et « on rouvrira les théâtres quand ca ira mieux ».

      Au ministère, on imagine peut-être que les étudiants se plaisent au distanciel. Après tout, autre #cliché d’anciennes époques, ne sont-ils pas ces comateux en permanente grasse matinée préférant se vautrer devant un écran en jogging plutôt que subir la corvée d’un cours ? Cette armée de geeks gavés à la tablette depuis la poussette ne goûtent-ils pas la parenté entre un prof en visio et un jeu vidéo ? Ils n’en peuvent plus de la distance, de ces journées d’écran… seuls, au téléphone ou via des réseaux sociaux souvent pollués par des prophètes de malheur ayant toujours un complot à dénoncer et une rancoeur à vomir.

      Enfin, les étudiants, adeptes chaque soir de chouilles contaminantes, doivent rester éloignés autant que resteront fermés les bars dont ils sont les piliers. Ignore-t-on que la moitié de nos étudiants sont boursiers, qu’ils dépenseront leurs derniers euros à acheter un livre ou simplement des pâtes plutôt qu’à s’enfiler whisky sur vodka… ? Ignore-t-on les fêtes thématiques, les soirées littéraires, les conférences qu’ils organisent ? Quand on les côtoie, ne serait-ce qu’un peu, on mesure que leur #convivialité n’est pas celles de soudards.

      Ils survivraient sans les bars et peuvent rentrer avant qu’on les rouvre.

      Ceux qui les oublient par facilité ne les connaissent donc pas. Et c’est risqué.

      Le risque

      Le risque est pédagogique. On sait que ça décroche, partout. Les titulaires du bac sans l’avoir passé n’ont plus de repères. Leur échec est une catastrophe annoncée. Les étudiants plus aguerris ne sont pas en meilleur forme. L’#apprentissage est plus difficile, la compréhension est ralentie par l’absence d’échange. Et, alors que deux semestres consécutifs ont déjà été compromis, le premier dans l’urgence, le second par facilité, faut-il en ajouter un troisième par #lâcheté ? La moitié d’une licence gachée parce qu’on ne veut pas prendre le risque de faire confiance aux jeunes ? Les pédagogues voient venir le mur et proposent qu’on l’évite au lieu d’y foncer en klaxonnant.

      Le risque est économique. On ne confine pas les élèves en maternelle car il faut que les parents travaillent. Les étudiants ne produisent rien et peuvent se garder seuls. C’est pratique ! Mais le pari est à court terme car la génération qui paiera la dette, c’est eux. Faut-il décourager des vocations et compromettre l’insertion professionnelle de ceux qui devront avoir la force herculéenne de relever l’économie qu’on est en train de leur plomber ? Plus que jamais la #formation doit être une priorité et le soutien aux jeunes un impératif.

      Il est sanitaire. A-t-on eu des #clusters dans notre fac ? Non. Et pourtant on a fonctionné 7 semaines, avec bien moins de contaminations que dans les écoles, restées pourtant ouvertes. On sait les efforts et le sacrifice des soignants. Nul ne met en doute ce qu’ils vivent et ce qu’ils voient. Les étudiants ont eu, eux aussi, des malades et des morts. Ils savent ce qu’est la douleur. Les enseignants aussi. Mais la vie est là, encore, et il faut la préserver aussi.

      Et attention qu’à force de leur interdire les lieux dont les universités ont fait de véritables sanctuaires, on les incite aux réunions privées, à dix dans un studio juste pour retrouver un peu de partage. On sait pourtant que c’est dans la sphère privée que réside le problème. Le retour dans les #amphis, c’est la réduction du #risque_privé, et non l’amplification du #risque_public.

      Il est humain. Un étudiant n’est pas un être solitaire. Il étudie pour être utile aux autres. Il appartient toujours à une #promo, qu’en aucun cas les réseaux sociaux ne peuvent remplacer. Il voulait une #vie_étudiante faite des découvertes et des angoisses d’un début de vie d’adulte avec d’autres jeunes adultes. Ce n’est pas ce qu’on lui fait vivre, pas du tout. L’isolement le pousse au doute, sur la fac, sur les profs, sur les institutions en général, et, pire que tout, sur lui-même. La #sécurité_sanitaire conduit, chez certains, à la victoire du « à quoi bon ». Si quelques uns s’accommodent de la situation, la vérité est que beaucoup souffrent, ce qu’ils n’iront pas avouer en réunion publique quand on leur demande s’ils vont bien. Beaucoup se sentent globalement délaissés, oubliés, voire méprisés. Va-t-on continuer à leur répondre « plus tard », « un peu de patience », sans savoir jusque quand du reste, et attendre qu’on en retrouve morts ?

      Il est aussi politique. Certains étudiants ont la sensation de payer pour d’autres ; ceux qui ont affaibli l’hôpital, ceux qui n’ont pas renouvelé les masques, ceux qui ont cru à une grippette, et on en passe. Il est temps d’éviter de les culpabiliser, même indirectement.

      Pour retrouver une #confiance passablement écornée, les gouvernants doivent apprendre à faire confiance à leur peuple, au lieu de s’en défier. Les étudiants sont jeunes mais, à condition de croire que c’est une qualité, on peut parier qu’ils ne décevront personne s’ils peuvent faire leurs propres choix. N’est-ce pas à cela qu’on est censé les préparer ?

      Si la préservation des populations fragiles est un devoir que nul ne conteste, au jeu de la #fragilité, les étudiants ont la leur ; leur inexpérience et le besoin d’être guidés.

      Dans l’histoire de l’Homme, les aînés ont toujours veillé à protéger la jeune génération. Les parents d’étudiants le font dans chaque famille mais à l’échelle du pays c’est la tendance inverse. Une génération de gouvernants ignore les #jeunes pour sauver les ainés. Doit-on, pour éviter que des vies finissent trop tôt, accepter que d’autres commencent si mal ? C’est un choc de civilisation que de mettre en balance à ce point l’avenir sanitaire des uns et l’avenir professionnel des autres.

      Alors ?

      Peut-on alors revenir à l’équilibre et au bon sens ? Que ceux qui ont besoin d’être là puissent venir, et que ceux qui préfèrent la distance puissent la garder ! Que les enseignants qui veulent des gens devant eux les retrouvent et que ceux qui craindraient pour eux ou leurs proches parlent de chez eux. Peut-on enfin laisser les gens gérer la crise, en fonction des #impératifs_pédagogiques de chaque discipline, des moyens de chaque établissement, dans le respect des normes ? Les gens de terrain, étudiants, enseignants, administratifs, techniciens, ont prouvé qu’ils savent faire.

      Quand le silence vaudra l’implicite réponse « tout dépendra de la situation sanitaire », on aura compris qu’on fait passer le commerce avant le savoir, comme il passe avant la culture, et qu’on a préféré tout de suite des tiroirs caisses bien pleins plutôt que des têtes bien faites demain.

      https://academia.hypotheses.org/29817

    • Covid-19 : des universités en souffrance

      En France, les valses-hésitations et les changements réguliers de protocole sanitaire épuisent les enseignants comme les étudiants. Ces difficultés sont accentuées par un manque de vision politique et d’ambition pour les universités.

      Les années passées sur les bancs de l’université laissent en général des souvenirs émus, ceux de la découverte de l’indépendance et d’une immense liberté. La connaissance ouvre des horizons, tandis que se construisent de nouvelles relations sociales et amicales, dont certaines se prolongeront tout au long de la vie.

      Mais que va retenir la génération d’étudiants qui tente de poursuivre ses études malgré la pandémie de Covid-19 ? Isolés dans des logements exigus ou obligés de retourner chez leurs parents, livrés à eux-mêmes en raison des contraintes sanitaires, les jeunes traversent une épreuve dont ils ne voient pas l’issue. Faute de perspectives, l’épuisement prend le dessus, l’angoisse de l’échec est omniprésente, la déprime menace.

      Des solutions mêlant enseignement présentiel et à distance ont certes permis d’éviter les décrochages en masse, mais elles n’ont pas empêché l’altération de la relation pédagogique. Vissés derrière leur écran pendant parfois plusieurs heures, les étudiants pâtissent de l’absence d’échanges directs avec les professeurs, dont certains ont du mal à adapter leurs cours aux nouvelles contraintes. Faute de pouvoir transmettre leur savoir dans de bonnes conditions, certains enseignants passent du temps à faire du soutien psychologique.

      Ces difficultés sont communes à l’ensemble des établissements d’enseignement supérieur, partout dans le monde. Mais en France, elles sont accentuées par un manque de vision politique et d’ambition pour les universités et une ministre de l’enseignement supérieur, Frédérique Vidal, qui brille par sa discrétion.
      Deux vitesses dans l’enseignement supérieur

      Les universités anglo-saxonnes ont adopté des politiques plus radicales, mais qui ont le mérite de la clarté. Bon nombre d’entre elles ont décidé dès l’été que le semestre d’automne, voire toute l’année, serait entièrement en ligne. En France, les valses-hésitations et les changements réguliers de protocole sanitaire épuisent les enseignants, les empêchent de se projeter, tandis que les étudiants peinent à s’adapter sur le plan matériel, certains se retrouvant contraints de payer le loyer d’un appartement devenu inutile, alors que tous les cours sont à distance.

      La situation est d’autant plus difficile à vivre que l’enseignement supérieur avance à deux vitesses. Hormis pendant le premier confinement, les élèves des classes préparatoires et des BTS, formations assurées dans des lycées, ont toujours suivi leurs cours en présentiel. En revanche, pour l’université, c’est la double peine. Non seulement les étudiants, généralement moins favorisés sur le plan social que ceux des classes préparatoires aux grandes écoles, sont moins encadrés, mais ils sont contraints de suivre les cours en ligne. Cette rupture d’égalité ne semble émouvoir ni la ministre ni le premier ministre, qui n’a pas eu un mot pour l’enseignement supérieur lors de sa conférence de presse, jeudi 7 janvier.

      Là encore, la pandémie agit comme un révélateur de faiblesses préexistantes. Les difficultés structurelles des universités ne sont que plus visibles. Ainsi, les établissements ne parviennent pas à assumer l’autonomie qui leur a été octroyée. Obligés d’accueillir chaque année davantage d’étudiants, soumis à des décisions centralisées, ils manquent de moyens, humains et financiers, pour s’adapter. Les dysfonctionnements techniques lors des partiels, reflet d’une organisation indigente ou sous-dimensionnée, en ont encore témoigné cette semaine.

      https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/01/09/covid-19-des-universites-en-souffrance_6065728_3232.html

    • Hebdo #96 : « Frédérique Vidal devrait remettre sa démission » – Entretien avec #Pascal_Maillard

      Face au danger grave et imminent qui menace les étudiants, Pascal Maillard, professeur agrégé à la faculté des lettres de l’université de Strasbourg et blogueur de longue date du Club Mediapart, considère que « l’impréparation du ministère de l’enseignement et de la recherche est criminelle ». Il appelle tous ses collègues à donner leurs cours de travaux dirigés (TD) en présentiel, même si pour cela il faut « boycotter les rectorats » !

      C’est comme si l’on sortait d’une longue sidération avec un masque grimaçant au visage. D’un cauchemar qui nous avait enfoncé dans une nuit de plus en plus noire, de plus en plus froide, sans issue. Et puis d’un coup, les étudiants craquent et on se dit : mais bon sang, c’est vrai, c’est inhumain ce qu’on leur fait vivre ! Nous abandonnons notre jeunesse, notre avenir, en leur apprenant à vivre comme des zombies.

      Depuis le début de la crise sanitaire, ils sont désocialisés, sans perspective autre que d’être collés à des écrans. Une vie numérique, les yeux éclatés, le corps en vrac et le cœur en suspens. Le mois de décembre avait pourtant redonné un peu d’espoir, Emmanuel Macron parlait de rouvrir les universités, de ne plus les sacrifier. Et puis, pschitt ! plus rien. Les fêtes sont passées et le discours du 7 janvier du premier ministre n’a même pas évoqué la question de l’enseignement supérieur. Un mépris intégral !

      Dans le Club, mais aussi fort heureusement dans de nombreux médias, la réalité catastrophique des étudiants a pris la une : ils vont mal, se suicident, pètent les plombs et décrochent en masse. De notre côté, Pascal Maillard, professeur agrégé à la faculté de lettres de l’université de Strasbourg, et blogueur infatigable depuis plus de 10 ans chez nous, a sonné la sirène d’alarme avec un premier billet, Sommes-nous encore une communauté ?, suivi quelques jours plus tard de Rendre l’Université aux étudiants, sans attendre les « décideurs », qui reprend une série de propositions formulées par le collectif RogueESR.

      Pour toucher de plus près ce qui se passe dans les universités, aux rouages souvent incompréhensibles vu de l’extérieur, mais aussi pour imaginer comment reprendre la main sur cette situation (car des solutions, il y en a !), nous lui avons passé hier soir un long coup de fil. Stimulant !

      Club Mediapart : Dans votre dernier billet, Rendre l’Université aux étudiants, sans attendre les « décideurs », vous publiez une série de propositions formulées par le collectif RogueESR pour améliorer la sécurité en vue d’une reprise des cours. Certaines exigeraient surtout du courage (réaménagement des locaux, organisation intelligente des travaux dirigés en présentiel, etc.), mais d’autres demandent des investissements matériels et financiers substantiels. Quels sont, d’après vous, les leviers possibles pour que ces propositions soient prises en compte par les instances dirigeantes ?

      Pascal Maillard : Les leviers sont multiples. Ces dernières semaines, il s’est passé quelque chose de très important : il y a eu une prise de conscience générale que l’État a abandonné l’université, les étudiants, ses personnels, alors que, dans le même temps, il subventionne l’économie à coups de milliards. Aujourd’hui, même les présidents d’université se manifestent pour dire qu’il faut en urgence faire revenir les étudiants parce que la situation est dramatique ! Je crois qu’il faut un mouvement collectif, un mouvement de masse de l’ensemble des étudiants et de la communauté universitaire pour dire : « Maintenant, ça suffit ! » L’État a aussi abandonné la culture, et c’est scandaleux car on ne peut pas vivre sans culture, mais au moins il l’a subventionnée. En revanche, pour l’université, aucune aide. On n’a rien vu, sinon !

      Club Mediapart : Avez-vous avez fait une évaluation de ces investissements et renforts humains ?

      PM : C’est vraiment très peu de moyens. Quelques dizaines de millions permettraient de financer des capteurs de CO2 (un capteur coûte 50 euros) et des filtres Hepa pour avoir une filtration sécurisée (une centaine d’euros). On peut installer également, c’est ce que préconise le collectif RogueESR (collectif informel composé d’une cinquantaine de collègues enseignants-chercheurs très actifs), des hottes aspirantes au-dessus des tables dans les lieux de restauration. Ces investissements seraient plus importants, mais ne dépasseraient pas 200/300 euros par unité. Le problème, c’est que l’État ne prend pas la décision de financer ces investissements qui permettraient de rouvrir les universités de façon plus sécurisée. Par ailleurs, il faut rappeler que certains amphithéâtres peuvent accueillir au-delà de la jauge de 50 % car ils sont très bien ventilés. Il est urgent aujourd’hui de calculer le taux de CO2, on sait le faire, on a les moyens de le faire. Ce que le collectif RoqueESR dit dans son texte et avec lequel je suis complètement d’accord, c’est que comme l’État ne veut rien faire, il faut que l’on prenne en charge ces décisions nous-mêmes.

      Club Mediapart : Dans ce billet, vous mettez le gouvernement et la bureaucratie universitaire sur le même plan. N’y a-t-il pas quand même des différences et des marges de manœuvre du côté des présidents d’université ?

      PM : Non, je crois que la grande majorité des présidents ont fait preuve de suivisme par rapport à la ligne définie par le gouvernement et Frédérique Vidal, à savoir le développement et l’exploitation maximum des ressources numériques. On n’a pas eu de filtre Hepa, mais on a eu des moyens importants pour l’informatique, les cours à distance, le développement de Moodle et des outils de visioconférence. Là, il y a eu des investissements lourds, y compris de la part du ministère, qui a lancé des appels à projets sur l’enseignement et les formations numériques. Frédérique Vidal pousse depuis de nombreuses années au tout numérique, ce n’est pas nouveau.

      Club Mediapart : Peut-on quand même attendre quelque chose de la réunion prévue ce vendredi entre les présidents d’université et Frédérique Vidal ?

      PM : Je crois que ce sont les impératifs sanitaires qui vont l’emporter. Frédérique Vidal, qui a fait preuve non seulement d’indifférence à l’égard des étudiants mais aussi d’une grande incompétence et d’un manque de fermeté pour défendre l’université, n’est plus crédible.

      Club Mediapart : Dans le fil de commentaires du dernier billet de Paul Cassia, qui montre bien comment les articles et les circulaires ministérielles ont « coincé » les directions d’université, vous proposez la réécriture de l’article 34 du décret du 10 janvier pour assouplir l’autorisation de retour en présentiel dans les universités. Cette modification ne risque-t-elle pas de reporter la responsabilité vers les présidents d’université au profit du gouvernement, qui pourrait se dédouaner encore plus de tout ce qui va se passer ?

      PM : Depuis le début, la stratégie du gouvernement est la même que celle des présidents d’université : la délégation au niveau inférieur. La ministre fait rédiger par sa bureaucratie des circulaires qui sont vagues, très pauvres, qui n’ont même pas de valeur réglementaire et qui disent en gros : c’est aux présidents de prendre leurs responsabilités. Mais que font les présidents, pour un grand nombre d’entre eux ? Afin de ne pas trop engager leur responsabilité juridique, que ce soit pour les personnels ou les étudiants, ils laissent les composantes se débrouiller. Mais les composantes ne reçoivent pas de moyens pour sécuriser les salles et pour proposer des heures complémentaires, des créations de postes, etc. Les seuls moyens qui sont arrivés dans les établissements sont destinés à des étudiants pour qu’ils aident d’autres étudiants en faisant du tutorat par groupe de 10. À l’université de Strasbourg, ça s’appelle REPARE, je crois (raccrochement des étudiants par des étudiants). Ce sont des étudiants de L3 et de masters qui sont invités à faire du tutorat pour soutenir des étudiants de L1/L2. Cela permet à des étudiants qui sont désormais malheureusement sans emploi, sans revenu, d’avoir un emploi pendant un certain temps. Ça, c’est l’aspect positif. Mais ces étudiants, il faut 1/ les recruter, 2/ il est très important de les former et de les accompagner.

      Club Mediapart : la démission de Frédérique Vidal fait-elle débat parmi les enseignants et les chercheurs ?

      PM : Frédérique Vidal nous a abandonnés, elle a aussi laissé Blanquer, qui a l’oreille de Macron, lancer sa guerre contre les « islamo-gauchistes », et puis elle a profité de la crise sanitaire pour détruire un peu plus l’université. C’est elle qui a fait passer la LPR en situation d’urgence sanitaire, alors même qu’elle avait dit pendant le premier confinement qu’il était hors de question en période d’urgence sanitaire de faire passer des réformes. La version la plus radicale en plus ! La perspective est vraiment de détruire le Conseil national des universités.

      J’ai appris hier avec une grande tristesse que Michèle Casanova, une grande archéologue, spécialiste de l’Iran, est décédée le 22 décembre. Elle s’est battue pendant un mois et demi contre le Covid. Elle était professeure des universités à Lyon, elle venait d’être nommée à Paris-Sorbonne Université. Des collègues sont morts, pas que des retraités, mais aussi des actifs.

      La ministre n’a rien dit pour les morts dans l’université et la recherche. Pas un mot. Ils sont en dessous de tout. Ils n’ont plus le minimum d’humanité que l’on attend de responsables politiques. Ils ont perdu l’intelligence et la décence, ils ont perdu la compétence et ils ne sont plus que des technocrates, des stratèges qui ne pensent qu’à leur survie politique. Ce sont des communicants, sans éthique. La politique sans l’éthique, c’est ça le macronisme.

      Aujourd’hui, les universitaires ont à l’esprit deux choses. D’une part la mise en pièces du statut des enseignants-chercheurs avec la LPR qui conduit à la destruction du Conseil national des universités : nous avons appris cette semaine que la fin de la qualification pour devenir professeur des universités étaient effective pour les maîtres de conférences titulaires, là immédiatement, sans décret d’application. Des centaines de collègues ont envoyé leur demande de qualification au CNU. Ce pouvoir bafoue tous nos droits, il bafoue le droit en permanence. D’autre part, bien sûr, les conditions calamiteuses et l’impréparation de cette rentrée. Aujourd’hui, on ne sait pas si l’on va pouvoir rentrer la semaine prochaine. On ne sait rien ! Rien n’a été préparé et je pense que c’est volontaire. Cette impréparation est politique, elle est volontaire et criminelle. Je pèse mes mots et j’assume. C’est criminel aujourd’hui de ne pas préparer une rentrée quand des milliers d’étudiants et d’enseignants sont dans la plus grande souffrance qui soit !

      Club Mediapart : Avec en plus des inégalités entre étudiants absolument incompréhensibles…

      PM : Absolument ! Les BTS et les classes préparatoires sont restés ouverts et fonctionnent à plein. Aujourd’hui, les enseignants qui préparent aux grandes écoles, que ce soit dans les domaines scientifiques ou littéraires ou les préparations aux écoles de commerce, ont la possibilité de faire toutes leurs colles jusqu’à 20 heures, avec des dérogations… devant 40/50 étudiants. Ce que l’on ne dit pas aujourd’hui, c’est que les étudiants de classe préparatoire eux aussi vont mal. Ils sont épuisés, ils n’en peuvent plus. 40 heures de cours masqués par semaine. Comment ça se vit ? Mal. Il y a pour l’instant assez peu de clusters de contamination dans les classes prépas. Les conditions sanitaires dans ces salles, souvent exiguës et anciennes, sont pourtant bien plus mauvaises que dans les grandes salles et les amphis des universités. Ces classes, qui bénéficient de moyens plus importants – un étudiant de classe prépa coûte à l’État entre 15 000 et 17 000 euros, tandis qu’un étudiant coûte entre 5 000 et 7 000 euros –, ont le droit à l’intégralité de leurs cours, tandis que les étudiants, eux, sont assignés à résidence. Il est clair que ce traitement vient élever au carré l’inégalité fondatrice du système de l’enseignement supérieur français entre classes prépas (dont les élèves appartiennent, le plus souvent, à des classes sociales plus favorisées) et universités.

      Club Mediapart : Est-ce que l’on peut s’attendre à une mobilisation importante le 26 janvier ?

      PM : Le 26 janvier sera une date importante. L’intersyndicale de l’enseignement supérieur et de la recherche appelle à une journée nationale de grève et de mobilisation le 26, avec un mot d’ordre clair : un retour des étudiants à l’université dans des conditions sanitaires renforcées. Mais, à mon sens, il faut accompagner cette demande de retour aux cours en présence de moyens financiers, techniques et humains conséquents. L’intersyndicale demande 8 000 postes pour 2021. On en a besoin en urgence. Il y a donc une urgence à accueillir en vis-à-vis les étudiants de L1 et L2, mais ensuite progressivement, une fois que l’on aura vérifié les systèmes de ventilation, installé des filtres Hepa, etc., il faudra accueillir le plus rapidement possible les étudiants de tous les niveaux. J’insiste sur le fait que les étudiants de Licence 3, de master et même les doctorants ne vont pas bien. Il n’y a pas que les primo-entrants qui vont mal, même si ce sont les plus fragiles. Je suis en train de corriger des copies de master et je m’en rends bien compte. Je fais le même constat pour les productions littéraires des étudiants que j’ai pu lire depuis huit mois dans le cadre d’ateliers de création littéraire. En lisant les textes de ces étudiants de L1, souvent bouleversants et très engagés, je mesure à quel point le confinement va laisser des traces durables sur elles et sur eux.

      Club Mediapart : Ce sont les thèmes traités qui vous préoccupent…

      PM : Il y a beaucoup, beaucoup de solitude, de souffrance, d’appels à l’aide et aussi l’expression forte d’une révolte contre ce que le monde des adultes est en train de faire à la jeunesse aujourd’hui. Il y a une immense incompréhension et une très grande souffrance. La question aujourd’hui, c’est comment redonner du sens, comment sortir de la peur, enrayer la psychose. Il faut que l’on se batte pour retrouver les étudiants. Les incompétents qui nous dirigent aujourd’hui sont des criminels. Et je dis aujourd’hui avec force qu’il faut démettre ces incompétents ! Frédérique Vidal devrait remettre sa démission. Elle n’est plus crédible, elle n’a aucun poids. Et si le gouvernement ne donne pas à l’université les moyens de s’équiper comme il convient pour protéger ses personnels et ses étudiants, ils porteront une responsabilité morale et politique très très lourde. Ils ont déjà une responsabilité considérable dans la gestion d’ensemble de la crise sanitaire ; ils vont avoir une responsabilité historique à l’endroit de toute une génération. Et cette génération-là ne l’oubliera pas !

      Club Mediapart : En attendant, que faire ?

      PM : Comment devenir un sujet libre, émancipé quand on est un étudiant ou un enseignant assigné à résidence et soumis à l’enfer numérique ? C’est ça la question centrale, de mon point de vue. Je ne pense pas que l’on puisse être un sujet libre et émancipé sans relation sociale, sans se voir, se rencontrer, sans faire des cours avec des corps et des voix vivantes. Un cours, c’est une incarnation, une voix, un corps donc, ce n’est pas le renvoi spéculaire de son image face à une caméra et devant des noms. Je refuse de faire cours à des étudiants anonymes. Aujourd’hui, j’ai donné rendez-vous à quelques étudiants de l’atelier de création poétique de l’université de Strasbourg. On se verra physiquement dans une grande salle, en respectant toutes les règles sanitaires. J’apporterai des masques FFP2 pour chacune et chacun des étudiants.

      Club Mediapart : Vous avez le droit ?

      PM : Je prends sur moi, j’assume. Je considère que la séance de demain est une séance de soutien. Puisque l’on a droit à faire du soutien pédagogique…

      Club Mediapart : Pourquoi n’y a-t-il pas plus de profs qui se l’autorisent ? Le texte est flou, mais il peut être intéressant justement parce qu’il est flou…

      PM : Ce qu’il est possible de faire aujourd’hui légalement, ce sont des cours de tutorat, du soutien, par des étudiants pour des étudiants. Il est aussi possible de faire des travaux pratiques, mais ces TP, il y a en surtout en sciences de la nature et beaucoup moins en sciences humaines. On a des difficultés graves en sciences sociales et sciences humaines, lettres, langue, philo, parce que l’on a zéro TP. Pour ma part, je compte demander que mes cours de L1 et mes travaux dirigés soient considérés comme des TP ! Mais, pour cela, il faut réussir à obtenir des autorisations.

      Des autorisations d’ouverture de TP, il faut le savoir, qui sont soumises aux rectorats. Les universités sont obligées de faire remonter aux rectorats des demandes d’ouverture de cours ! L’université est autonome et aujourd’hui cette autonomie est bafouée en permanence par l’État. Donc, non seulement l’État nous abandonne, l’État nous tue, mais en plus l’État nous flique, c’est-à-dire restreint nos libertés d’enseignement, de recherche, et restreint aussi nos libertés pédagogiques. Or, notre liberté pédagogique est garantie par notre indépendance, et cette indépendance a encore une valeur constitutionnelle. Tout comme notre liberté d’expression.

      Un collègue qui enseigne en IUT la communication appelle à la désobéissance civile. Le texte de RogueESR n’appelle pas explicitement à la désobéissance civile mais il dit très clairement : c’est à nous de faire, c’est à nous d’agir, avec les étudiantes et les étudiants ! Nous allons agir, on ne peut pas, si on est responsables, écrire : « Agissons » et ne pas agir ! Je dis à tous les collègues : mettons-nous ensemble pour transformer les TD en TP, qui sont autorisés, ou bien boycottons les rectorats et faisons nos TD ! Et proposons aux étudiants qui le souhaitent de venir suivre les cours en présence et aux autres qui ne le peuvent, de les suivre à distance. Avec d’autres, je vais essayer de convaincre les collègues de Strasbourg de faire du présentiel. On aura du mal, mais je pense qu’il est aujourd’hui légitime et parfaitement justifié de refuser les interdictions ministérielles parce qu’il y a des centaines et des milliers d’étudiants en danger. On a un devoir de désobéissance civile quand l’État prend des décisions qui conduisent à ce que l’on appelle, dans les CHSCT, un danger grave et imminent.

      https://blogs.mediapart.fr/edition/lhebdo-du-club/article/140121/hebdo-96-frederique-vidal-devrait-remettre-sa-demission-entretien-av

    • À propos du #brassage. #Lettre à la ministre de l’enseignement supérieur

      On pouvait s’y attendre mais c’est enfin annoncé, les universités ne réouvriront pas pour le début du second semestre. Des centaines de milliers d’étudiants vont devoir continuer à s’instruire cloitrés dans leurs 9m2, les yeux vissés à quelques petites fenêtres Zoom. Alors que des centaines de témoignages d’élèves désespérés inondent les réseaux sociaux, Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, a justifié ces mesures d’isolement par le « brassage » qu’impliquerait la vie étudiante avec ses pauses cafés et les « #bonbons partagés avec les copains ». Un étudiant lyonnais nous a confié cette lettre de réponse à la ministre dans laquelle il insiste sur le #stress, le #vide et l’#errance qui règnent dans les campus et auxquels le gouvernement semble ne rien vouloir comprendre.

      Madame la ministre,

      Aujourd’hui, je ne m’adresse pas à vous pour vous plaindre et vous dire que je comprends votre situation. Je ne m’adresse pas à vous pour vous excuser de votre manifeste #incompétence, pire, de votre monstrueuse #indifférence à l’égard de vos administré·e·s, nous, étudiant·e·s. Je m’adresse à vous parce que vous êtes responsable de ce qu’il se passe, et vous auto congratuler à l’assemblée n’y changera rien.

      Je suis en Master 2 de philosophie, à Lyon 3. Deux étudiant·e·s de ma ville ont tenté de mettre fin à leurs jours, dans la même semaine, et tout ce que vous avez trouvé à dire, c’est : « Le problème, c’est le brassage. Ce n’est pas le cours dans l’amphithéâtre mais l’étudiant qui prend un café à la pause, un bonbon qui traîne sur la table ou un sandwich avec les copains à la cafétéria »

      Je pourrais argumenter contre vous que ce que nous voulons, c’est un espace pour travailler qui ne soit pas le même que notre espace de sommeil, de cuisine ou de repos ; ce que nous voulons, c’est pouvoir entendre et voir nos professeurs en vrai, nous débarrasser de l’écran comme interface qui nous fatigue, nous brûle les yeux et le cerveau ; ce que nous voulons, c’est avoir la certitude que ça ira mieux et qu’on va pouvoir se sortir de cette situation. Et tant d’autres choses. Mais je ne vais pas argumenter là-dessus, beaucoup l’ont déjà fait et bien mieux que je ne pourrais le faire.

      Je vais vous expliquer pourquoi aujourd’hui, il vaut mieux prendre le risque du brassage, comme vous dites, que celui, bien d’avantage réel, de la mort d’un·e étudiant·e. Nous sommes tous et toutes dans des états d’#anxiété et de stress qui dépassent largement ce qu’un être humain est capable d’endurer sur le long terme : cela fait bientôt un an que ça dure, et je vous assure que pas un·e seul·e de mes camarades n’aura la force de finir l’année si ça continue comme ça.

      Parce qu’on est seul·e·s. Dans nos appartements, dans nos chambres, nos petits 10m2, on est absolument seul·e·s. Pas d’échappatoire, pas d’air, pas de distractions, ou trop de distractions, pas d’aide à part un numéro de téléphone, pas de contacts. Des fantômes. Isolé·e·s. Oublié·e·s. Abandonné·e·s. Désespéré·e·s.

      Pour vous c’est un problème, un danger, l’étudiant·e qui prend un café à la pause ? Pour beaucoup d’entre nous c’était ce qui nous faisait tenir le coup. C’était tous ces petits moments entre, les trajets d’une salle à l’autre, les pauses café, les pauses clopes. Ces moments de discussion autour des cours auxquels on vient d’assister, ces explications sur ce que l’on n’a pas compris, les conseils et le soutien des camarades et des professeurs quand on n’y arrive pas. Toutes ces petites respirations, ces petites bulles d’air, c’était tout ça qui nous permettait de tenir le reste de la journée.

      C’était aussi le sandwich entre amis, le repas à la cafétéria ou au CROUS, pas cher, qu’on était assuré·e·s d’avoir, tandis que là, seul·e·s, manger devient trop cher, ou bien ça parait moins important. Ces moments où l’on discute, on se reprend, on s’aide, on se passe les cours, on se rassure, on se motive quand on est fatigué·e·s, on se prévoit des sessions de révision. On se parle, on dédramatise, et on peut repartir l’esprit un peu plus tranquille. Nous avons toujours eu besoin de ces moments de complicité, d’amitié et de partage, nous qui ne sommes aujourd’hui réduit·e·s qu’à des existences virtuelles depuis le mois de mars dernier. Ça fait partie des études, de ne pas étudier. D’avoir une #vie_sociale, de se croiser, de se rencontrer, de boire des cafés et manger ensemble. Supprimer cette dimension, c’est nous condamner à une existence d’#errance_solitaire entre notre bureau et notre lit, étudiant·e·s mort·e·s-vivant·e·s, sans but et sans avenir.

      Le brassage c’est tous ces moments entre, ces moments de #vie, ces #rencontres et ces #croisements, ces regards, ces dialogues, ces rires ou ces soupirs, qui donnaient du relief à nos quotidiens. Les moments entre, c’est ce qui nous permettait aussi de compartimenter, de mettre nos études dans une case et un espace désigné pour, de faire en sorte qu’elles ne débordent pas trop dans nos vies. Ce sont ces délimitations spatiales et temporelles qui maintenaient notre bonne santé mentale, notre #intérêt et notre #motivation : aujourd’hui on a le sentiment de se noyer dans nos propres vies, nos têtes balayées par des vagues de stress incessantes. Tout est pareil, tout se ressemble, tout stagne, et on a l’impression d’être bloqué·e·s dans un trou noir.

      Tout se mélange et on se noie. C’est ce qu’on ressent, tous les jours. Une sensation de noyade. Et on sait qu’autour de nous, plus personne n’a la tête hors de l’eau. Élèves comme professeurs. On crie dans un bocal depuis des mois, et personne n’écoute, personne n’entend. Au fur et à mesure, les mesures tombent, l’administration ne suit pas, nous non plus, on n’est jamais tenu·e·s au courant, on continue quand même, parce qu’on ne veut pas louper notre année. Dans un sombre couloir sans fin, on essaye tant bien que mal d’avancer mais il n’y a ni lumière, ni sortie à l’horizon. Et à la fin, on est incapables de travailler parce que trop épuisé·e·s, mais incapables aussi d’arrêter, parce que l’on se sent trop coupables de ne rien faire.

      Aujourd’hui, je m’adresse à vous au lieu de composer le dernier devoir qu’on m’a demandé pour ce semestre. Je préfère écrire ce texte plutôt que de faire comme si de rien n’était. Je ne peux plus faire semblant. J’ai envie de vomir, de brûler votre ministère, de brûler ma fac moi aussi, de hurler. Pourquoi je rendrais ce devoir ? Dans quel but ? Pour aller où ? En face de moi il y a un #brouillard qui ne fait que s’épaissir. Je dois aussi trouver un stage. Qui me prendra ? Qu’est-ce que je vais faire ? Encore du télétravail ? Encore rester tous les jours chez moi, dans le même espace, à travailler pour valider un diplôme ? Et quel diplôme ? Puis-je encore vraiment dire que je fais des études ? Tout ça ne fait plus aucun sens. C’est tout simplement absurde. On se noie dans cet océan d’#absurdité dont vous repoussez les limites jour après jour.

      Nous interdire d’étudier à la fac en demi-groupe mais nous obliger à venir tous passer un examen en présentiel en plein confinement ? Absurde. Autoriser l’ouverture des lycées, des centres commerciaux, mais priver les étudiants de leurs espaces de vie sous prétexte que le jeune n’est pas capable de respecter les mesures barrières ? Absurde. Faire l’autruche, se réveiller seulement au moment où l’on menace de se tuer, et nous fournir (encore) des numéros de téléphone en guise d’aide ? Absurde. Vous ne pouvez pas continuer de vous foutre de notre gueule comme ça. C’est tout bonnement scandaleux, et vous devriez avoir honte.

      Vous nous avez accusés, nous les #jeunes, d’être irresponsables : cela fait des mois qu’on est enfermé·e·s seul·e·s chez nous, et la situation ne s’est pas améliorée. Et nous n’en pouvons plus. Nous n’avons plus rien à quoi nous raccrocher. Je vois bien que vous, ça a l’air de vous enchanter que la population soit aujourd’hui réduite à sa seule dimension de force productive : travail, étude, rien d’autre. Pas de cinéma, pas de musées, pas de voyage, pas de temps libre, pas de manifs, pas de balades, pas de sport, pas de fêtes. Boulot, dodo. Le brassage ça vous fait moins peur dans des bureaux et sur les quais du métro hein ? Et je ne vous parle même pas de mes ami·e·s qui doivent, en prime, travailler pour se nourrir, qui vivent dans des appartements vétustes, qui n’ont pas d’ordinateur, qui n’ont pas de connexion internet, qui sont précaires, qui sont malades, qui sont à risque. Je ne vous parle même pas de Parcoursup, de la loi sur la recherche, de la tentative d’immolation d’un camarade étudiant l’année dernière. Je ne vous parle pas de cette mascarade que vous appelez « gestion de la crise sanitaire », de ces hôpitaux qui crèvent à petit feu, de ces gens qui dorment dehors, de ces gens qui meurent tous les jours parce que vous avez prêté allégeance à l’économie, à la rentabilité et à la croissance. Je ne vous parle pas non plus du monde dans lequel vous nous avez condamné·e·s à vivre, auquel vous nous reprochez de ne pas être adapté·e·s, ce monde qui se meure sous vos yeux, ce monde que vous exploitez, ce monde que vous épuisez pour vos profits.

      Je m’adresse à vous parce que vous êtes responsable de ce qu’il se passe. Je m’adresse à vous pleine de colère, de haine, de tristesse, de fatigue. Le pire, c’est que je m’adresse à vous tout en sachant que vous n’écouterez pas. Mais c’est pas grave. Les étudiant·e·s ont l’habitude.

      Rouvrez les facs. Trouvez des solutions plus concrètes que des numéros verts. Démerdez-vous, c’est votre boulot.

      PS : Et le « bonbon qui traine sur une table » ? Le seul commentaire que j’aurais sur cette phrase, c’est le constat amer de votre totale #ignorance de nos vies et du gouffre qui nous sépare. Votre #mépris est indécent.

      https://lundi.am/A-propos-du-brassage

    • Le distanciel tue

      « Le distanciel tue ! », avait écrit hier une étudiante sur sa pancarte, place de la République à Strasbourg. Macron et Vidal ont répondu ce jour aux étudiant.es, par une entreprise de communication à Saclay qui nous dit ceci : Macron est définitivement le président des 20% et Vidal la ministre du temps perdu.

      Gros malaise à l’Université Paris-Saclay, où le président Macron et la ministre Frédérique Vidal participent à une table ronde avec des étudiant.es, bien sûr un peu trié.es sur le volet. Pendant ce temps bâtiments universitaires et routes sont bouclés, les manifestants éloignés et encerclés. Voir ci-dessous le communiqué CGT, FSU, SUD éducation, SUD Recherche de l’Université Paris-Saclay. Les libertés sont une fois de plus confisquées et dans le cas présent les otages d’une entreprise de com’ qui vire au fiasco, pour ne pas dire à la farce. Attention : vous allez rire et pleurer. Peut-être un rire nerveux et des pleurs de colère. La politique de Macron appartient à un très mauvais théâtre de l’absurde, qui vire à la tragédie. Ou une tragédie qui vire à l’absurde. Nous ne savons plus, mais nous y sommes.

      Il est 13h15. Je tente de déjeuner entre deux visioconférences et quelques coups de fil urgents au sujet de collègues universitaires qui ne vont pas bien. On m’alerte par sms : Macron et Vidal à la télé ! J’alume le téléviseur, l’ordinateur sur les genoux, le portable à la main. La condition ordinaire du citoyen télétravailleur. La ministre parle aux étudiant.es. On l’attendait à l’Université de Strasbourg ce matin avec son ami Blanquer, pour les Cordées de la réussite, mais le déplacement en province du ministre de l’Education nationale a été annulé. Une lettre ouverte sur la question a circulé. La ministre est donc à Saclay. Que dit-elle ? Je prends des notes entre deux fourchettes de carottes râpées :

      « Le moment où le décret sort, il faut que ce soit au moins la veille du jour où les choses sont mises en place. » Là, je manque de m’étouffer, mais dans un réflexe salutaire je parviens à appuyer sur la touche « Enregistrement ». L’aveu est terrible, magnifique. Du Vidal dans le texte. Je pense à Jarry. Je pense à Ionesco. Je pense surtout aux dizaines de milliers de personnels des universités qui, à dix reprises depuis le début de cette gestion calamiteuse et criminelle de cette crise, se sont retrouvés vraiment dans cette situation : devoir appliquer du jour au lendemain le décret ou la circulaire de la ministre. Samedi et dimanche derniers, des centaines de collègues à l’université de Strasbourg et des milliers partout en France ont travaillé comme des brutes pour « préparer » la rentrée du 18. Le décret date du 15 et a été publié le 16 ! Des centaines de milliers d’étudiants paniquaient sans information. Criminel !

      Mais la ministre continue :

      « Tout le monde sera ravi d’accélérer l’étape d’après ». Nous aussi, mais on ne sait pas comment faire.

      « Sur le calendrier, c’est difficile .. » Effectivement.

      « Moi, j’ai des débuts d’année - des débuts de second semestre, pardon - qui s’échelonnent quelque part … ». Quelque part … La ministre fait-elle encore ses cours à l’Université de Nice ?

      Là, Macron sent que ça dérape vraiment et coupe Frédérique Vidal. Il a raison. Tant qu’il y est, il ferait bien de lui demander sa démission. Il rendra service à l’université, à la recherche, à la jeunesse, au pays. Et il sauvera peut-être des vies. Après avoir accompli cette action salutaire, il nous rendra aussi service en tentant d’être président à plus de 20%. « 20% en présentiel, dit-il, mais jamais plus de 20%, l’équivalent d’un jour par semaine ». Le président est un peu déconnecté des réalités de la gestion d’une faculté au pays du distanciel, de l’Absurdistan et du démerdentiel. Pour bien comprendre les choses en étant "pratico-pratique" comme dit Macron, voilà de quoi il retourne : les enseignants et les scolarités (personnels administratifs dévoués et épuisés qui n’en peuvent plus et qu’on prend pour des chèvres) doivent organiser et gérer les TD de 1ère année à la fois en présence et à distance pour un même groupe, les CM à distance, et articuler le tout dans un emploi du temps hebdomadaire qui n’oblige pas les étudiants à entrer chez eux pour suivre un TD ou un CM à distance après avoir suivi un TP ou un TD en présence. Et désormais il faudrait entrer dans la moulinette les 20% en présence pour tous les niveaux : L1, L2, L3, M1, M2. Une pure folie. Mais pas de problème, Macron a la solution : « C’est à vos profs de gérer », dit-il aux étudiants. Le président en disant ceci pourrait bien devoir gérer quelques tentatives de suicide supplémentaires. Pour les étudiant.es cette folie se traduit par une résignation au "distanciel" et toutes ses conséquences pathologiques, ou un quotidien complètement ingérable dans l’éclatement entre la distance et l’absence. Dites à un individu qu’il doit être présent dans la distance et distant dans la présence, faites-lui vivre cela pendant des mois, et vous êtes assuré qu’il deviendra fou. L’Etat fabrique non seulement de la souffrance individuelle et collective, mais aussi de la folie, une folie de masse.

      La suite confirmera que Macron et Vidal ont le même problème avec le temps, un gros problème avec le temps. L’avenir est au passé. Le président dira ceci : « Evidemment il y aura des protocoles sanitaires très stricts » pour le second semestre. Le second semestre a débuté dans la majorité des universités. Mais, pas de problème : « Evidemment ce que je dis, c’est pour dans 15 jours à trois semaines ». Les 20 % et tout le tralala. Dans 15 jours on recommence tout et on se met au travail tout de suite pour préparer la 11ème révolution vidalienne ? Le président n’a pas compris que Vidal a fait de l’Université une planète désorbitée ...

      Nous sommes de plus en plus nombreux à penser et dire ceci : « Ils sont fous, on arrête tout, tout de suite ! On sauve des vies, on désobéit ! ». Dans certaines universités, il y des mots d’ordre ou des demandes de banalisation des cours pour la semaine prochaine. Lors de l’AG d’hier à l’Université de Strasbourg, étudiant.es et personnels ont voté cette demande. Il faut tout banaliser avant que l’insupportable ne devienne banal ! Il nous faut nous rapprocher, limiter le "distanciel". Il n’y a aucun ciel dans les capsules et les pixels. Nous avons besoin de présence et pour cela il faut des moyens pour améliorer la sécurité sanitaire des universités.

      https://blogs.mediapart.fr/pascal-maillard/blog/210121/le-distanciel-tue

    • –-> Comment la ministre elle-même découvre l’annonce du président de la République d’un retour à l’Université de tous les étudiants 1 jour /5 (et qui annule la circulaire qui faisait rentrer les L1) lors de sa visite Potemkine à Paris-Saclay...
      Le 21 janvier donc, quand le semestre a déjà commencé...


      https://twitter.com/rogueESR/status/1353014523784015872

      Vidal dit, texto, je transcris les mots qu’elle prononce dans la vidéo :

      « Là j’ai bien entendu la visite du président, donc si l’idée c’est qu’on puisse faire revenir l’ensemble des étudiants sur l’ensemble des niveaux avec des jauges à 20% ou 1/5 de temps, ou... les universités ça, par contre... je vais le leur... dire et nous allons travailler ensemble à faire en sorte que ce soit possible, parce qu’effectivement c’était l’étape d’après, mais je pense que tout le monde sera ravi d’accélérer l’étape d’après parce que c’était quelque chose que je crois c’était vraiment demandé »

      –---

      Circulaire d’Anne-Sophie Barthez du 22 janvier 2021

      Au Journal officiel du 23/1/2021, un #décret modifiant le décret COVID, qui entre en vigueur immédiatement, sans mention des universités, ni modification de l’article 34 34 du décret du 29 oct. 2020 au JO. La circulaire du 22 janvier 2021 de la juriste Anne-Sophie Barthez, DGSIP, ci-dessous est donc illégale.


      https://academia.hypotheses.org/30306

      –---

      On se croirait au cirque... ou dans un avion sans pilote.

    • Kévin Boiveau continue ainsi sur son thread :

      je cite encore @VidalFrederique :
      – « Les étudiants sont porteurs et symptomatiques et font forcément des écarts sur les gestes barrières »
      – « Des étudiants sont assis entre les cours sans masques »
      – « Des étudiants trop nombreux dans certains lieux »
      Mais c’est pas le pire
      – « Les photos et vidéos sur les réseaux sociaux ne sont pas la réalité du terrain » "les étudiants vont bien globalement"

      Mme la Ministre @VidalFrederique, avec votre discours, vous mettez la communauté universitaire à dos ! Écoutez les messages et les actes de détresse !

      https://twitter.com/Kevin_BOIVEAU/status/1354483952363466759

      C’est à partir de la minute 1:07:00 :
      http://videos.assemblee-nationale.fr/video.10236533_60118ba7066e6.commission-des-affaires-cult

      –-> où Vidal reprend encore cette idée qu’un #campus n’est pas un #lycée, qu’il y a « #brassage » (elle l’a redit !!!) dans les universités, contrairement aux lycées.
      Qu’elle a été sur place et a vu que les étudiant·es font la fête car ielles se retrouvent...
      et autres idioties qu’il vaudrait la peine de transcrire, mais... voilà, ni le temps ni la force en ce moment !

    • Ne pas tirer sur l’ambulance, vraiment ? Débat « #Malaise_étudiant » au Sénat, 10 février 2021

      #Monique_de_Marco, sénatrice de Gironde, groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, vice-présidente de la Commission Culture, a demandé la tenue d’un #débat dans le cadre des #questions_au_gouvernement. Le thème — « Le fonctionnement des universités en temps de COVID et le malaise étudiant » — a inspiré les oratrices et orateurs inscrit·es après l’intervention initiale de la sénatrice qui rappelle les données de la fondation Abbé Pierre : ces derniers mois, 20% des jeunes ont eu recours à l’#aide_alimentaire ; la moitié des étudiant·es déclarent des difficultés à payer leurs #repas et leur #loyer, qui représente 70% de leur budget. Dans une enquête portant sur 70 000 étudiant·es, 43% déclaraient des troubles de #santé_mentale, comme de l’#anxiété ou de la #dépression. Face à cela, les mesures sont insuffisantes, inégalitaires — puisque les #classes_préparatoires sont restées normalement ouvertes — et les #services_universitaires complètement débordés. À quand une réponse structurelle au problème de la #pauvreté_étudiante, comme une #allocation_autonomie_étudiante ?

      Parmi les interventions, souvent prises, pointant les béances de la politique gouvernementale, citons un extrait du discours de #Pierre_Ouzoulias qui parle de #définancement assumé par le gouvernement des budgets « #Vie_étudiante » depuis le début du quinquennat, en dépit des alertes.

      "Je n’oublie pas qu’en novembre 2019, par la loi de finances rectificative, votre Gouvernement avait supprimé 35 millions d’euros de crédits du programme « Vie étudiante ». En 2018 et 2019, ce sont 100 millions d’euros de crédits votés par le Parlement qui n’ont finalement pas été affectés à la vie étudiante par votre Gouvernement.

      L’an passé, à l’occasion de la discussion des quatre lois de finances rectificatives, j’ai proposé des amendements pour apporter aux universités et au Centre national des œuvres universitaires et scolaires des moyens d’urgence pour leur permettre d’aider rapidement les étudiants. Par la voie de Monsieur #Darmanin, alors ministre du l’Action et des Comptes publics, le Gouvernement m’avait expliqué qu’il n’y avait pas besoin de #crédits_budgétaires supplémentaires. La politique du « Quoi qu’il en coûte » a ignoré les campus et la #détresse_estudiantine.

      Cet automne nous avons discuté d’une loi de programmation de la recherche que le Gouvernement nous a présenté comme le plus grand effort budgétaire depuis la Libération. L’Université n’a bénéficié, dans ce cadre, d’aucune #aide_budgétaire supplémentaire, comme si les étudiants d’aujourd’hui ne seraient pas les chercheurs de demain.

      J’entends aujourd’hui les déclarations compassionnelles du Gouvernement qui s’alarme du mal vivre des étudiants. Mais, la #pandémie n’en est pas l’unique cause. Dans les universités, comme à l’hôpital, la crise sanitaire est la révélatrice d’une situation de #sous-investissement_chronique qui a fragilisé tout le #service_public de l’#enseignement_supérieur."

      La messe est dite. Sans appel pour dénoncer le mépris dans lequel le gouvernement tient « les emmurés de vingt ans » (Max Brisson), les sénateurs et sénatrices n’ont pas évoqué l’embroglio de circulaires-décrets inapplicables : iels ont pourtant souligné la nécessité d’un cadre réglementaire clair et stable et une plus grande #décentralisation des décisions.

      Public Sénat a choisi deux extraits représentatifs du discours, désormais sans queue ni tête, sans perspective, et vide de sens, de la Ministre. En voici un :


      https://twitter.com/publicsenat/status/1359585785159315457

      Que faut-il en comprendre ? La meilleure explication tient dans les mots de l’universitaire Pierre-Yves Modicom : il s’agit ni plus ni moins de « nier l’évidence sanitaire pour ne pas avoir à assumer les investissements matériels et les recrutements que la reconnaissance des faits impliquerait. L’incohérence, c’est la marque du déni obstiné de la réalité ».

      Le doyen Gabriel Galvez-Behar résumait ainsi le point de vue des agents du supérieur :

      "Nous ne pouvons plus minimiser les séquelles de la crise, nous contenter d’un illusoire retour à la normale, ni nous satisfaire d’expédients. Tout cela réclame ce qui a tant manqué jusqu’à présent : de l’anticipation, de la cohérence et des moyens à la hauteur de l’enjeu."

      Madame Vidal — alors que l’ensemble des usagers et des agents de l’ESR s’enfoncent chaque jour davantage, dans une détresse et un découragement graves — pas plus que son équipe n’ont pris la mesure du problème ni esquissé un début de solution, bien au contraire. Les réponses qu’elle a apportée devant la représentation nationale en attestent et attestent également de la toxicité de son ministère pour l’ensemble des agents publics et des usagers de l’ESR.

      Si vous ne souhaitez pas tirer sur une ambulance, allez-vous laisser un cadavre piloter l’université ? C’est la question que nous pouvons légitimement nous poser ce soir.

      https://academia.hypotheses.org/30821

  • « La déconsidération des universités par le milieu politique est un élément structurel »

    Pour #Mathias_Bernard, président de l’université Clermont Auvergne, la promulgation de la #loi_de_programmation_de_la_recherche (#LPR) est une « #occasion_manquée ». Il revient sur la LPR pour « Libération », mais aussi sur dix ans de politique des universités.

    Ça y est. La si polémique loi de programmation de la recherche a été promulguée le jeudi 24 décembre, et publiée ce samedi au journal officiel. Elle lisse sur dix ans une hausse de 5 milliards d’euros du #budget annuel de la recherche et prévoit une hausse des #primes des personnels scientifiques. Mais plusieurs éléments sont critiqués par la communauté universitaire.

    L’une des mesures les plus contestée, la pénalisation des #mobilisations_étudiantes, a été retoquée par le Conseil constitutionnel le 21 décembre. Les « sages » ont aussi émis des réserves sur la proposition d’une nouvelle voie de #recrutement_dérogatoire pour les #professeurs, les « #chaires_de_professeurs_juniors », qui permettrait aux présidents d’université de s’immiscer dans l’appréciation des mérites des futurs candidats.

    Pour le reste, le texte accentue la #compétition entre les chercheurs et entre les établissements en prolongeant la logique de financement par #appels_à_projets, en vogue depuis plus de dix ans. Président de l’université Clermont Auvergne, Mathias Bernard connaît bien le sujet. Pour Libération, il revient sur ce texte et sur les réformes successives des universités depuis plus de dix ans.

    La loi de programmation de la recherche a été promulguée. Quel est votre sentiment sur ce texte ?

    C’est une occasion manquée. Quand l’annonce d’une loi de programmation a été faite, en février 2019 par le Premier ministre, je me suis réjoui, comme beaucoup de collègues. Notre secteur a besoin de #stabilité pour se projeter dans le temps long. J’espérais que cette loi permette de rééquilibrer la part des #financements_récurrents par rapport à ceux distribués par appels à projets. Ce n’est pas le cas. Les nouveaux #moyens sont en majorité conditionnés.

    C’est problématique. Cette loi n’aborde ni la question des #investissements en #équipements_scientifiques ni celle de l’#emploi. Les seules mesures de #ressources_humaines visent à faciliter le recrutement de #contractuels. C’est une #déception.

    Dans quelle mesure la LPR s’inscrit-elle dans le train de #réformes_universitaires depuis dix, quinze ans ?

    La LPR est clairement dans la ligne de ce qui se fait depuis le milieu des années 2000 avec la création de l’#Agence_nationale_de_la_recherche [chargée d’animer la politique d’appels à projets, ndlr]. Ce qui est prôné, c’est la différenciation des universités. L’Etat nous demande de mettre en avant « la #signature » de l’établissement. Cela passe par la réponse aux appels à projets nationaux, internationaux, territoriaux… Le nombre de guichets s’est multiplié.

    En parallèle de cela, notre #dotation_de_base stagne alors que le nombre d’étudiants augmente. Je ne dis pas qu’il y a quinze ans le système était idéal, mais le point d’équilibre est largement dépassé.

    Quelles sont les conséquences pour les établissements ?

    C’est d’abord un #coût. Nous avons besoin de recruter des équipes pour suivre ces appels et aider nos chercheurs à y répondre. J’ai plusieurs dizaines de personnes qui travaillent à cela.

    Ensuite, c’est un changement dans le #statut des personnes employées. Si ma dotation de base stagne, je ne peux pas recruter de #fonctionnaires. La progression du nombre d’employés des universités augmente uniquement grâce aux contractuels. Là encore, avoir une part de contractuels dans nos personnels n’est pas problématique mais ils sont recrutés pour conduire des missions pérennes.

    C’est notamment le cas pour des #contrats_d’enseignants qui, il faut bien le reconnaître, sont payés au lance-pierre.

    La stagnation des financements récurrents attribués aux universités n’est-elle pas la conséquence d’une défiance du milieu politique vis-à-vis du monde académique ?

    Je dirais une #défiance et une #méconnaissance. Les deux vont de pair. Cela vient d’un système de formation des #élites qui ne les amène jamais à l’université. Ils la connaissent mal et en ont une représentation fantasmée et négative.

    Le secteur a dû aborder beaucoup de lois, en 2007, 2013, 2018 et maintenant 2020, et pourtant, aucune n’a reconnu les universités pour ce qu’elles sont, à savoir les opérateurs principaux en matière d’#enseignement_supérieur et de #recherche. Les arbitrages ne nous sont jamais favorables et ce quelle que soit la législature. Les moyens de l’Etat sont dispersés sur une multitude d’opérateurs. Malheureusement, le fait d’avoir une ministre, #Frédérique_Vidal, issue de nos rangs, n’a rien changé au problème de la #déconsidération des universités par le milieu politique qui est un élément structurel.

    La #loi_LRU de 2007 promettait l’#autonomie des universités…

    Mais cette promesse n’a jamais été tenue. L’autonomie a consisté à déléguer la gestion des mécontentements. S’est installée une forme de #bureaucratisation qui subordonne le conseil d’administration des universités à d’autres instances, comme les jurys des appels à projets ou l’administration du ministère, qui s’est investie dans une forme de #micro-management.
    Vous faites référence à la création par ce gouvernement des #recteurs_académiques_de_région qui sont aux universités ce que le recteur est à l’enseignement scolaire. Comment ce micromanagement s’illustre-t-il ?

    Par exemple, pendant la crise sanitaire, les universités ont le droit d’ouvrir des séances de travaux pratiques. Si je décide d’ouvrir un TP d’optique pour 20 étudiants le mardi de 17 heures à 19 heures, je dois obtenir un arrêté du recteur académique à Lyon. Je lui ai, en tout, transmis plusieurs centaines de demandes d’autorisation. C’est de la #bureaucratisation inutile.

    De même, dans le cadre de ce que nous appelons le « #dialogue_stratégique_de_gestion » que nous menons avec l’Etat, une petite partie du budget est conditionnée à la manière dont l’université met en œuvre les #politiques_publiques.

    Pourquoi n’êtes-vous ni membre de l’#Alliance_des_universités_de_recherche_et_de_formation (#Auref) ni de l’#Udice, qui réunit les dix universités dites « de recherche » de France ?

    Je suis contre l’idée d’un système universitaire à #deux_vitesses. Il me semble donc dangereux de l’institutionnaliser à travers des associations. Je suis très attaché aux dimensions de #formation et de recherche des universités. Nous devons concilier une mission de #service_public et une exigence d’#excellence. Le risque avec l’existence de ces deux associations est d’encourager les pouvoirs publics à acter cette division, et à différencier les moyens budgétaires et les outils législatifs attribués aux établissements en fonction de leur appartenance à une organisation ou à une autre.

    Cette différenciation pourrait passer, par exemple, par des droits d’inscription différenciés ?

    On sent bien que cela va être tenté. Une brèche a été entrouverte par le gouvernement en introduisant un droit d’entrée différencié pour les #étudiants_internationaux. Une mesure qui pourrait profiter économiquement à un petit nombre d’universités, qui ont la notoriété pour justifier des droits plus élevés. Mais elle pourrait vider les autres établissements de leurs étudiants internationaux.

    C’est une première tentative qui pourrait être prolongée par une différenciation des #droits_d’entrée pour les étudiants français. Certains présidents pourraient y voir une ressource supplémentaire. Pour ma part, je suis attaché à notre modèle d’un accès le plus ouvert possible à l’enseignement supérieur.

    Vos étudiants, justement, comment vont-ils ?

    Mal. Si j’en juge par le nombre d’entre eux qui se signalent auprès de notre bureau d’accompagnement psychologique, je dirais qu’il y a beaucoup de souffrances.

    Pourtant, dans le plan de #déconfinement du gouvernement, les universités sont les dernières à rouvrir. Comment expliquez-vous cela ?

    Cette annonce a suscité beaucoup d’émotion au sein de la communauté. C’est révélateur d’une forme de #déconsidération des universités qui ne rouvrent qu’après les lycées, les classes prépa, les églises…

    Le principal problème pour nous, dans cette gestion de crise, c’est le décalage systématique entre les décisions gouvernementales, qui créent de l’attente, et la notification précise de leur application. Cela nous met, nous, présidents, en porte-à-faux. Par exemple, il y a eu des annonces sur le recrutement de tuteurs pour accompagner les étudiants en difficulté en janvier, mais nous n’avons reçu ni les budgets ni les modalités avant les congés de fin d’année. De même, l’Etat s’est engagé à soutenir la prolongation des contrats doctoraux décalés par le Covid-19. Nous avons fait les avances dès septembre, mais les crédits ne sont arrivés qu’en toute fin d’année.

    https://www.liberation.fr/france/2020/12/26/la-deconsideration-des-universites-par-le-milieu-politique-est-un-element

    #université #ESR #France #LPPR

    Métaliste sur la LPPR :
    https://seenthis.net/messages/820330

  • l’IGN rend libres et gratuites toutes ses données publiques au 1er janvier - Informatique

    https://www.solutions-numeriques.com/lign-rend-libres-et-gratuites-toutes-ses-donnees-publiques-au-

    Le gouvernement avait demandé l’ouverture de l’ensemble des données publiques pour 2022. L’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN), l’opérateur de référence en France, va plus vite : ses données publiques seront accesibles à compter du 1er janvier 2021.

    L’accès de ces données sous licence ouverte Etalab 2.0 sera gratuit et libre pour tous, en téléchargement ou par flux. En pratique, cela signifie qu’il n’y a pas droits de reproduction, ni de diffusion à régler sur ces données qui représentent des centaines de téraoctets.

    Parmi les données importantes qui seront désormais ouvertes, citons la BD TOPO (éléments et infrastructures du territoire), la BD ORTHO (orthophotographie départementale), la BD forêt et le RGE Alti (description du relief français). Seules les données incluant des droits de tiers ou protégées par le droit d’auteur (cartes et SCANs) ne sont pas concernées par cette ouverture.
    « Avec la logique d’ouverture des données publiques, l’objectif est d’offrir à tous la possibilité de valoriser les données sans contrainte limitante, de faciliter leur croisement avec d’autres données et de faire émerger de nouveaux services rendus nécessaires par la transformation numérique de la société et de l’Etat, » a indiqué déclare Sylvain Latarget, directeur général par intérim de l’IGN. « Pour tous ceux qui attendaient cette ouverture avec impatience, la mise à disposition de ces données publiques, se fera progressivement jusqu’à l’ouverture de notre nouvel outil de diffusion massif des données prévue à la fin du 1er trimestre 2021 », complète Sylvain Latarget.

    #cartographie #géographie #ign #open_source

  • #MeToo : dans la gastronomie, l’espoir d’un changement
    https://www.mediapart.fr/journal/france/261220/metoo-dans-la-gastronomie-l-espoir-dun-changement?onglet=full

    Mediapart a recueilli pendant plusieurs mois des dizaines de témoignages de salarié·e·s de la restauration. Violences physiques, psychologiques, sexuelles, propos racistes et homophobes, conditions de travail éprouvantes : le tableau est atterrant. De plus en plus de voix s’élèvent pour que ça change.

    e me suis demandé si j’allais m’embarquer dans cette affaire. Je sais qu’il a une puissance financière et médiatique que je n’ai pas, mais j’ai réfléchi. J’ai peur, mais j’ai encore plus peur d’avoir des regrets. » Florence Chatelet, 41 ans, est la patronne de By DEHESA, qui fournit depuis 2011 des produits artisanaux d’exception à de nombreux chefs étoilés, au Canada, en Europe et en Asie.

    Le 27 novembre, comme Libération l’a révélé, elle a déposé plainte à Paris contre le chef Guy Martin, pour viol et agression sexuelle. Une enquête préliminaire a été ouverte le 2 décembre par le parquet de Paris.

    Entre 2014 et 2015, Florence Chatelet vend ses produits à deux restaurants dont la carte est supervisée par Guy Martin, également chef et propriétaire du très chic Grand Véfour, deux étoiles Michelin depuis 2008.

    En 2015, au terme d’un rendez-vous professionnel en face-à-face, Florence Chatelet raconte qu’il l’aurait « plaquée contre la porte ». « Il commence à m’embrasser dans le cou, sur la bouche, il touche mon corps, je sens sa main sur mes fesses et sur mon sexe. Je lui ai mis un coup de genou dans les couilles et je me suis barrée », affirme-t-elle. Depuis ce jour, dit-elle, « ma relation commerciale avec le groupe Guy Martin a cessé ».

    Florence Chatelet prétend n’avoir parlé à personne de ce qui s’est passé ce jour-là jusqu’en 2017 : « J’ai réalisé que j’ai été traversée d’abord par un sentiment de honte, puis une certaine forme de dissociation entre mon esprit et mon corps. Je ne pouvais pas l’accepter. »

    De son côté, Guy Martin, via son service presse, indique qu’il « n’a aucune information sur le dépôt d’une plainte et n’a pas de commentaire à faire. Il conteste formellement les accusations portées contre lui, comme il l’a déjà fait lorsqu’elles ont été avancées pour la première fois ». Il est présumé innocent.

    Un secteur en ébullition

    Depuis le printemps, le milieu de la restauration, durement éprouvé par le Covid-19, est en ébullition. Fin mars, un questionnaire est lancé sur les violences en cuisine, entre autres par Camille Aumont-Carnel, créatrice du compte Instagram « Je dis non chef ! », qui publie depuis 2019 les récits de victimes ou témoins de ces violences (voir notre Boîte noire).

    • Il y a un passage sur le Drouant, resto dans lequel se passe les prix Goncourt et Renaudot. Grandes cérémonies de l’invisibilisation des femmes. Renaudot qui a primé #matzneff en 2014

      Aujourd’hui, Stéphanie ne regrette pas sa démarche. « Mais c’est dur de trouver du taf avec un prud’hommes sur le dos, car les gens considèrent que tu es procédurier. »

      C’est le risque que prend Thomas*. À 28 ans, l’ancien sous-chef a saisi en juin dernier les prud’hommes de Paris pour travail dissimulé, rappels de salaire, non-respect des temps de repos, manquement de l’employeur à son obligation de sécurité, harcèlement moral, contre son dernier employeur, la société Drouant.

      De mi-mai 2018 à décembre 2019, il a travaillé au sein du prestigieux restaurant parisien, le Drouant, à deux pas de l’opéra Garnier, et célèbre pour accueillir chaque année les jurys de deux prix littéraires, le Goncourt et le Renaudot. En cuisine, c’est le chef Émile Cotte qui règne depuis 2018.

      Dans sa saisine du conseil des prud’hommes, Thomas, que Mediapart a rencontré, décrit un rythme de travail dantesque, allant jusqu’à provoquer un « malaise dans la rue » et « une fracture de fatigue ». Selon le cuisinier, il était fréquent qu’il effectue des journées de 9 heures à 20 heures, voire minuit, « sans pause le midi pour déj et le soir pour dîner », et « pas de pause l’après-midi, à peine le temps pour aller aux toilettes ». Il accuse aussi le chef d’avoir tenu devant lui des propos « humiliants, vexatoires, à caractère homophobe ».

      Thomas, qui est homosexuel, n’en était pas à ses débuts quand il arrive chez Drouant. Il avait déjà travaillé pour Cotte, et cela faisait plusieurs années qu’il travaillait dans la restauration. C’est après la réouverture du restaurant, un temps fermé pour travaux, à l’automne 2019 que Thomas n’a plus supporté. Il évoque des violences physiques – des « pincements aux bras, aux pectoraux », confirmés par plusieurs témoins –, des cris, des insultes.

      « Des gens ont peur, moi je ne veux plus, dit Thomas. Cotte est un très bon cuisinier, mais en terme de management, c’est “marche ou crève” ».

      Pour corroborer son récit, Thomas produit plusieurs messages envoyés par Émile Cotte et consultés par Mediapart : ce dernier parle de lui à plusieurs reprises comme du « PD ». Dans un message, il dit : « PD et negros inclus. L’ensemble du personnel. » Un jour de février 2019, Thomas est malade, son chef lui écrit sur Messenger : « Ça va mieux aujourd’hui ? / Tu as du sucer une queue pas propre, gros dégueulasse. » Le 7 décembre 2019, Thomas est en arrêt : « Comment ça va le PD / Pas mort. » Le 9 janvier 2020 : « Alors alors pas mort encore / toujours des morilles sur le bout du gland. »

      « Le plus souvent, pour être tranquille, je laissais passer, explique Thomas. C’est un engrenage, surtout avec cette hiérarchie qu’on connaît en cuisine. » En défense, Drouant produit d’ailleurs plusieurs échanges entre Thomas et le chef, laissant apparaître une forme de camaraderie.

      Dans un autre message, le chef parle de « puputtes ». Un mot qu’une autre ancienne de chez Drouant, interrogée par Mediapart, se rappelle avoir entendu. Plusieurs ex-collègues de Thomas ont d’ailleurs accepté de témoigner dans le cadre de sa procédure.

      « Les femmes subissaient aussi des blagues grivoises », raconte Thomas. Deux ex-salariées du restaurant nous l’ont également raconté. Interrogé par Mediapart, Émile Cotte se défend de « toute accusation de violence ou de discrimination ». Il évoque une « amitié de sept ans » avec Thomas, qui s’est brutalement terminée l’hiver dernier ; il parle de lui comme d’un « très bon pro » et qu’il était, avec lui, « dans l’état d’esprit d’un grand frère ».

      Et quand on l’interroge sur les reproches faits par Thomas, et par certains de ses collègues, Émile Cotte indique qu’il est « conscient d’être parfois dur et exigeant », et que les horaires de travail ont pu être « importants ». « C’est un métier parfois difficile et stressant. Mais c’était ma troisième ouverture pour le groupe et jamais je n’ai reçu la moindre plainte », explique-t-il.

      Quant aux messages produits par Thomas, il s’agit, d’après lui, « d’échanges privés, grivois, de franche rigolade ». Il envisage simplement avoir pu « peut-être être maladroit ». « Je peux passer pour le rugbyman bourru, je ne sais pas… Mais je n’ai jamais eu de volonté de nuire à quiconque », affirme encore Émile Cotte.

      La société Drouant, elle, rapporte que Thomas n’a jamais remonté la moindre alerte avant le premier courrier envoyé par son avocate, et qu’« alors que Émile Cotte a travaillé dans plusieurs de nos établissements, personne n’a jamais rapporté de violences en cuisine ». Quant aux messages figurant au dossier, ils relèvent, selon Drouant, d’une relation d’ordre privé : « Nous, employeurs, ne pouvons nous ingérer dans une relation personnelle », explique la DRH Nathalie Lemoine.

      L’audience aux prud’hommes pour Thomas est prévue le 19 janvier prochain.

  • Rapport thématique – Durcissements à l’encontre des Érythréen·ne·s : actualisation 2020

    Deux ans après une première publication sur la question (https://odae-romand.ch/rapport/rapport-thematique-durcissements-a-lencontre-des-erythreen%c2%b7ne%c2%b7), l’ODAE romand sort un second rapport. Celui-ci offre une synthèse des constats présentés en 2018, accompagnée d’une actualisation de la situation.

    Depuis 2018, l’ODAE romand suit de près la situation des requérant·e·s d’asile érythréen∙ne∙s en Suisse. Beaucoup de ces personnes se retrouvent avec une décision de renvoi, après que le #Tribunal_administratif_fédéral (#TAF) a confirmé la pratique du #Secrétariat_d’État_aux_Migrations (#SEM) amorcée en 2016, et que les autorités ont annoncé, en 2018, le réexamen des #admissions_provisoires de quelque 3’200 personnes.

    En 2020, le SEM et le TAF continuent à appliquer un #durcissement, alors que la situation des droits humains en #Érythrée ne s’est pas améliorée. Depuis près de quatre ans, les décisions de renvoi tombent. De 2016 à à la fin octobre 2020, 3’355 Érythréen·ne·s avaient reçu une décision de renvoi suite à leur demande d’asile.

    Un grand nombre de requérant·e·s d’asile se retrouvent ainsi débouté·e·s.

    Beaucoup des personnes concernées, souvent jeunes, restent durablement en Suisse, parce que très peu retournent en Érythrée sur une base volontaire, de peur d’y être persécutées, et qu’il n’y a pas d’accord de réadmission avec l’Érythrée. Au moment de la décision fatidique, elles perdent leur droit d’exercer leur métier ou de se former et se retrouvent à l’#aide_d’urgence. C’est donc à la constitution d’un groupe toujours plus important de jeunes personnes, exclues mais non renvoyables, que l’on assiste.

    C’est surtout en cédant aux pressions politiques appelant à durcir la pratique – des pressions renforcées par un gonflement des statistiques du nombre de demandes d’asile – que la Suisse a appréhendé toujours plus strictement la situation juridique des requérant∙e∙s d’asile provenant d’Érythrée. Sur le terrain, l’ODAE romand constate que ces durcissements se traduisent également par une appréciation extrêmement restrictive des motifs d’asile invoqués par les personnes. D’autres obstacles limitent aussi l’accès à un examen de fond sur les motifs d’asile. Au-delà de la question érythréenne, l’ODAE romand s’inquiète pour le droit d’asile au sens large. L’exemple de ce groupe montre en effet que l’application de ce droit est extrêmement perméable aux incitations venues du monde politique et peut être remaniée sans raison manifeste.

    https://odae-romand.ch/rapport/rapport-thematique-durcissements-a-lencontre-des-erythreen%c2%b7ne%c2%b7

    Pour télécharger le rapport :
    https://odae-romand.ch/wp/wp-content/uploads/2020/12/RT_erythree_2020-web.pdf

    #rapport #ODAE_romand #Erythrée #Suisse #asile #migrations #réfugiés #réfugiés_érythréens #droit_d'asile #protection #déboutés #permis_F #COI #crimes_contre_l'humanité #service_militaire #travail_forcé #torture #viol #détention_arbitraire #violences_sexuelles #accord_de_réadmission #réadmission #déboutés #jurisprudence #désertion #Lex_Eritrea #sortie_illégale #TAF #justice #audition #vraisemblance #interprètes #stress_post-traumatique #traumatisme #trauma #suspicion #méfiance #procédure_d'asile #arbitraire #preuve #fardeau_de_la_preuve #admission_provisoire #permis_F #réexamen #santé_mentale #aide_d'urgence #sans-papiers #clandestinisation #violence_généralisée

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  • Des volontaires du Service civique indemnisés 580 euros par mois pour faire tourner Pôle emploi - VIDEO. « Cash Investigation ».
    https://www.francetvinfo.fr/economie/emploi/pole-emploi/video-cash-investigation-des-volontaires-du-service-civique-indemnises-

    Pendant huit mois, Romain a été un volontaire du #Service_civique… à #Pôle_emploi. En fait, un « travail dissimulé » ? Gabriel Attal, secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Education nationale et de la Jeunesse au moment des faits, répond aux questions d’Elise Lucet sur les dérives du Service civique dans cet établissement public… Un extrait de « Services publics : liberté, égalité, rentabilité ? », une enquête diffusée jeudi 10 décembre 2020 à 21 heures sur France 2.

    « Ce n’est pas normal, en fait. C’est du travail déguisé. Je veux que les gens se rendent bien compte que les petits jeunes qui sont là pour les aider à Pôle emploi sont des personnes qui sont sous-payées pour remplacer des gens qui sont qualifiés pour ça », explique Romain au magazine « Cash Investigation » (Facebook, Twitter, #cashinvestigati). Un volontaire du Service civique, comme Romain, est un jeune de moins de vingt-six ans prêt à donner de son temps (de 24 à 35 heures par semaine) pendant six à douze mois… En 2016, Romain a intégré pour huit mois la première promotion de volontaires versés à Pôle emploi. Dès la première semaine dans son agence, il affirme avoir endossé des responsabilités qui débordaient le contenu officiel de sa mission : un simple renfort numérique.

    « Ce n’était pas juste le fait de les aider à cliquer sur les trucs, précise-t-il. On était vraiment là pour les accompagner pour l’inscription. Et au final, on s’est retrouvé à faire un travail complet. C’était vraiment les accompagner de A à Z. C’était des gens ayant parfois une bonne cinquantaine d’années et qui avaient travaillé toute leur vie dans une boîte. Ils se retrouvaient d’un coup au chômage et avaient besoin de trouver du travail. » Que se passerait-il si, du jour au lendemain, l’on retirait les trois volontaires dans l’agence où il travaillait ? « Ils seraient débordés, c’est clair. S‘il n’y a plus de ’Services civiques’, ils ne peuvent plus gérer comme ils sont en train de fonctionner maintenant, parce qu’ils ne sont plus assez nombreux. » Les volontaires du Service civique font-ils le travail des conseillers ? « Globalement, oui. Ils font des économies, et avec des personnes qui vont leur coûter 500 euros par mois… » Précisément, 580 euros !

    Dés 1984, l’ANPE utilisait des TUC (travaux d’utilité collective), un contrat aidé.

    #travail #précarité

  • #Zurich veut offrir des papiers à ses clandestins, mais sans les régulariser

    La Ville de Zurich veut distribuer à sa population une « #carte_d'habitant » qui pourra être présentée à la police en guise de #pièce_d'identité. Compromis à une #régularisation en bonne et due forme, elle permettra un meilleur accès des sans-papiers aux #services_publics.

    S’inscrire dans une bibliothèque, se rendre à l’hôpital, ou encore dans une administration : des situations de la vie de tous les jours que les personnes sans papiers tendent à éviter, de peur qu’on leur demande leur carte d’identité.

    Pour éliminer ces difficultés liées à leur statut, l’exécutif de la Ville de Zurich vient d’accepter l’idée de la « City Card ». Ce concept de #carte_d'identité_urbaine est une revendication de longue date du monde associatif zurichois.

    Aux yeux de Cristina (prénom d’emprunt ), ressortissante d’un pays d’Amérique du Sud vivant à Zurich sans statut légal, ce projet est une bonne nouvelle. Dans la vie de tous les jours, « la #peur est très présente », a-t-elle confié au 19h30 de la RTS lundi. « On ne sait jamais comment les gens vont réagir. Quand on voit la police, on a peur, parce qu’on ne sait pas si on va être contrôlé. La peur est tout le temps là ».
    « Une bien plus grande #insécurité ici qu’en Suisse romande »

    Environ 10’000 personnes sans papiers vivraient aujourd’hui à Zurich les difficultés de cette vie de clandestin au quotidien. C’est pour les aider et aussi leur donner une visibilité qu’une association de la ville a eu l’idée de proposer la #City_Card.

    La militante associative Bea Schwager rêvait de voir sa ville mener une politique de régularisation des sans-papiers à l’instar de Genève et son opération Papyrus. Face au refus du canton, elle a vu dans cette carte, inspirée d’un projet new-yorkais, une solution de #compromis dans un contexte alémanique où, explique-t-elle, la question reste très délicate : « Vis-à-vis des sans-papiers, le canton de Zurich a une politique très restrictive. Ils ressentent une bien plus grande insécurité ici qu’en Suisse romande. Ils ont davantage peur dans l’#espace_public. Tout est beaucoup plus difficile pour eux », constate-t-elle.

    « Quasiment une façon de contourner l’Etat de droit »

    Les modalités de la future City Card zurichoise doivent encore être débattues au Parlement de la ville. La minorité de droite, elle, ne soutiendra pas un projet qu’elle considère comme problématique à plus d’un titre.

    « Cela revient à légitimer le #travail_au_noir et l’#exploitation des sans-papiers. Ce qui nous dérange aussi, bien sûr, c’est que cela va rendre les contrôles de police plus difficiles. C’est quasiment une façon de contourner l’Etat de droit », estime ainsi la conseillère communale PLR Mélissa Dufournet.

    Malgré ces oppositions, la gauche, majoritaire à Zurich, a bon espoir de voir la City Card se concrétiser. D’autres villes, comme Berne, Fribourg en encore Lucerne, s’y intéressent également.

    https://www.rts.ch/info/regions/autres-cantons/11789518-zurich-veut-offrir-des-papiers-a-ses-clandestins-mais-sans-les-regulari
    #sans-papiers #citoyenneté_locale #Suisse #visibilité #visibilisation

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    voir aussi :
    https://seenthis.net/messages/801885

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    • City Card: Welcome news for undocumented migrants in Zürich

      Getting married, receiving a registered letter or reporting a violent crime: in Switzerland’s biggest city, these are all activities that are impossible for thousands of migrants without legal status. But a new ID card for the undocumented is set to change that.

      It works in New York, so why not Zürich? That was one of the arguments in the hard-fought campaign to introduce a city identity card in Switzerland’s largest city. The campaign succeeded, but only just: the ’Züri City Card’ was approved by a tiny margin at a referendum last month.

      Its supporters say the Züri City Card will benefit everyone in the city, but it is especially good news for undocumented migrants because for the first time, it means people living in Zürich without legal status – the so-called ’Sans Papiers’ – will at least have some form of identification which does not put them at risk of deportation, as well as enabling them to do such a simple thing as receiving a registered letter.

      Who are Switzerland’s sans papiers?

      Of 100,000-300,000 Sans Papiers estimated to be living in Switzerland, around 10,000 are in Zürich. Mostly women, they can be undocumented for different reasons. Some have never received a residence permit, such as those who arrived on a tourist visa and then overstayed after it expired. These are known as ’primary’ Sans Papiers, as are people who arrive without a visa, such as migrants who cross the border by irregular routes from Italy or France without registering as asylum seekers in Switzerland.

      A person whose application to join family in Switzerland was rejected but who joined them nevertheless is also in the primary Sans Papiers category. This mainly applies to children whose parents have right of residence but do not fulfil the criteria for family reunion, such as sufficient salary or living space. It also includes older family members such as grandparents who are brought to Switzerland despite failing to qualify for reunion.

      “Secondary” Sans Papiers include those who have lost the right to live in Switzerland, such as migrants whose ’B’ or ’C’ (residency or settlement) permit was withdrawn by the cantonal migration authorities because they began receiving social benefits; former apprentices (who lose their residency right after completing their training); and rejected asylum seekers who cannot be deported.

      We travel on the same trams, swim in the same river, ... you eat from plates we have washed, sit on toilets we have cleaned, .. and still we are invisible to you, because we are the Undocumented!

      Statement by Sans Papiers in support of the Züri City Card
      Living without papers

      Without legal status, the Sans Papiers in Switzerland live in a constant state of fear, says Bea Schwager, who heads the Sans Papiers Anlaufstelle (contact point) Zürich (SPAZ).

      A person who witnesses a violent assault – or is a victim of violence – is unlikely to report it to the police if they fear they will be removed from Switzerland as a result. Undocumented migrants cannot receive registered post in their name, because that requires them to show a valid passport.

      Sans Papiers cannot even come forward if they witness an accident: again, they have to show ID. Getting married is as good as impossible too – for that you need a form signed by a landlord confirming your place of residence.

      Going to the doctor without fear of being ’found out’, enrolling a child in kindergarten, or getting an apprenticeship will all be possible for everyone in Zürich, regardless of their immigration status, provided there are no blocks to the City Card’s introduction.

      It won’t be plain sailing to get the card into circulation, as there have been fierce arguments from the ’no’ side. Some opponents argue that the card should entail benefits for all Zürich residents, not just undocumented migrants. Others said there is already a way that undocumented migrants can legalize their status in Switzerland by applying for a ’hardship permit’.

      In reality, however, few people go down this route. As Schwager told the independent online news magazine Republik, SPAZ often advises its clients against applying for hardship because, even if they would qualify, too much is usually at stake for Sans Papiers: “They have to disclose everything in the process: contacts, addresses, employers.. If their application is rejected, they face expulsion.”

      ’Without them, Switzerland would be a different country’

      Many Sans Papiers in Switzerland left their countries to escape conflict or poverty – skilled migration routes were not open to them, and they reside illegally in Switzerland as a result. But while they have no right of residency, without them, the country’s economy would be in a state of collapse, the website of SPAZ claims.

      Sans Papiers are the ones who do much of the construction work, harvesting, nannying and cleaning in Switzerland, often for little money. Marianne Pletscher, a Swiss film-maker and creator of a new book of portraits of undocumented migrants employed as cleaners throughout Switzerland, says it would be a different country without the many migrants who keep it clean.

      In the book titled ’Who cleans Switzerland?’, Pletscher avoids presenting the ten subjects as ’victims’, but she also says conditions can be extremely harsh for irregular migrants. “I did want to show how difficult this kind of life is in Switzerland,” Pletscher told the German public radio station Deutschlandfunk. “Because Switzerland’s immigration policy is at least as restrictive as Germany’s.”

      Would the Zürich City Card change the legal status of the migrants featured in Pletscher’s book? No, concedes Peter Nideröst, a member of the City Card Association. But the Zürich lawyer told Republik, it would at least recognize undocumented migrants as a factual entity, and a part of the city’s population.

      http://www.infomigrants.net/en/post/41370/city-card-welcome-news-for-undocumented-migrants-in-zurich

  • La #Technopolice, moteur de la « #sécurité_globale »

    L’article 24 de la #loi_Sécurité_Globale ne doit pas devenir l’arbre qui cache la forêt d’une politique de fond, au cœur de ce texte, visant à faire passer la #surveillance et le #contrôle_de_la_population par la police à une nouvelle ère technologique.

    Quelques jours avant le vote de la loi Sécurité Globale à l’Assemblée Nationale, le ministère de l’Intérieur présentait son #Livre_blanc. Ce long #rapport de #prospective révèle la #feuille_de_route du ministère de l’Intérieur pour les années à venir. Comme l’explique Gérard Darmanin devant les députés, la proposition de loi Sécurité Globale n’est que le début de la transposition du Livre dans la législation. Car cette loi, au-delà de l’interdiction de diffusion d’#images de la police (#article_24), vise surtout à renforcer considérablement les pouvoirs de surveillance des #forces_de_l’ordre, notamment à travers la légalisation des #drones (article 22), la diffusion en direct des #caméras_piétons au centre d’opération (article 21), les nouvelles prérogatives de la #police_municipale (article 20), la #vidéosurveillance dans les hall d’immeubles (article 20bis). Cette loi sera la première pierre d’un vaste chantier qui s’étalera sur plusieurs années.

    Toujours plus de pouvoirs pour la police

    Le Livre blanc du ministère de l’Intérieur envisage d’accroître, à tous les niveaux, les pouvoirs des différentes #forces_de_sécurité (la #Police_nationale, la police municipale, la #gendarmerie et les agents de #sécurité_privée) : ce qu’ils appellent, dans la novlangue officielle, le « #continuum_de_la_sécurité_intérieure ». Souhaitant « renforcer la police et la rendre plus efficace », le livre blanc se concentre sur quatre angles principaux :

    - Il ambitionne de (re)créer une #confiance de la population en ses forces de sécurité, notamment par une #communication_renforcée, pour « contribuer à [leur] légitimité », par un embrigadement de la jeunesse – le #Service_National_Universel, ou encore par la création de « #journées_de_cohésion_nationale » (page 61). Dans la loi Sécurité Globale, cette volonté s’est déjà illustrée par la possibilité pour les policiers de participer à la « #guerre_de_l’image » en publiant les vidéos prises à l’aide de leurs #caméras_portatives (article 21).
    - Il prévoit d’augmenter les compétences des #maires en terme de sécurité, notamment par un élargissement des compétences de la police municipale : un accès simplifié aux #fichiers_de_police, de nouvelles compétences en terme de lutte contre les #incivilités … (page 135). Cette partie-là est déjà en partie présente dans la loi Sécurité Globale (article 20).
    - Il pousse à une #professionnalisation de la sécurité privée qui deviendrait ainsi les petites mains de la police, en vu notamment des #Jeux_olympiques Paris 2024, où le besoin en sécurité privée s’annonce colossal. Et cela passe par l’augmentation de ses #compétences : extension de leur #armement, possibilité d’intervention sur la #voie_publique, pouvoir de visionner les caméras, et même le port d’un #uniforme_spécifique (page 145).
    - Enfin, le dernier grand axe de ce livre concerne l’intégration de #nouvelles_technologies dans l’arsenal policier. Le titre de cette partie est évocateur, il s’agit de « porter le Ministère de l’Intérieur à la #frontière_technologique » (la notion de #frontière évoque la conquête de l’Ouest aux États-Unis, où il fallait coloniser les terres et les premières nations — la reprise de ce vocable relève d’une esthétique coloniale et viriliste).

    Ce livre prévoit une multitude de projets plus délirants et effrayants les uns que les autres. Il propose une #analyse_automatisée des #réseaux_sociaux (page 221), des #gilets_connectés pour les forces de l’ordre (page 227), ou encore des lunettes ou #casques_augmentés (page 227). Enfin, le Livre blanc insiste sur l’importance de la #biométrie pour la police. Entre proposition d’#interconnexion des #fichiers_biométriques (#TAJ, #FNAEG, #FAED…) (page 256), d’utilisation des #empreintes_digitales comme outil d’#identification lors des #contrôles_d’identité et l’équipement des #tablettes des policiers et gendarmes (#NEO et #NEOGEND) de lecteur d’empreinte sans contact (page 258), de faire plus de recherche sur la #reconnaissance_vocale et d’#odeur (!) (page 260) ou enfin de presser le législateur pour pouvoir expérimenter la #reconnaissance_faciale dans l’#espace_public (page 263).

    Le basculement technologique de la #surveillance par drones

    Parmi les nouveaux dispositifs promus par le Livre blanc : les #drones_de_police, ici appelés « #drones_de_sécurité_intérieure ». S’ils étaient autorisés par la loi « Sécurité Globale », ils modifieraient radicalement les pouvoirs de la police en lui donnant une capacité de surveillance totale.

    Il est d’ailleurs particulièrement marquant de voir que les rapporteurs de la loi considèrent cette légalisation comme une simple étape sans conséquence, parlant ainsi en une phrase « d’autoriser les services de l’État concourant à la #sécurité_intérieure et à la #défense_nationale et les forces de sécurité civile à filmer par voie aérienne (…) ». Cela alors que, du côté de la police et des industriels, les drones représentent une révolution dans le domaine de la sécurité, un acteur privé de premier plan évoquant au sujet des drones leur « potentiel quasiment inépuisable », car « rapides, faciles à opérer, discrets » et « tout simplement parfaits pour des missions de surveillance »

    Dans les discours sécuritaires qui font la promotion de ces dispositifs, il est en effet frappant de voir la frustration sur les capacités « limitées » (selon eux) des caméras fixes et combien ils fantasment sur le « potentiel » de ces drones. C’est le cas du maire LR d’Asnières-sur-Seine qui en 2016 se plaignait qu’on ne puisse matériellement pas « doter chaque coin de rue de #vidéoprotection » et que les drones « sont les outils techniques les plus adaptés » pour pallier aux limites de la présence humaine. La police met ainsi elle-même en avant la toute-puissance du #robot par le fait, par exemple pour les #contrôles_routiers, que « la caméra du drone détecte chaque infraction », que « les agents démontrent que plus rien ne leur échappe ». Même chose pour la #discrétion de ces outils qui peuvent, « à un coût nettement moindre » qu’un hélicoptère, « opérer des surveillances plus loin sur l’horizon sans être positionné à la verticale au-dessus des suspects ». Du côté des constructeurs, on vante les « #zooms puissants », les « #caméras_thermiques », leur donnant une « #vision_d’aigle », ainsi que « le #décollage possible pratiquement de n’importe où ».

    Tout cela n’est pas que du fantasme. Selon un rapport de l’Assemblée nationale, la police avait, en 2019, par exemple 30 drones « de type #Phantom_4 » et « #Mavic_Pro » (ou « #Mavic_2_Enterprise » comme nous l’avons appris lors de notre contentieux contre la préfecture de police de Paris). Il suffit d’aller voir les fiches descriptives du constructeur pour être inondé de termes techniques vantant l’omniscience de son produit : « caméra de nacelle à 3 axes », « vidéos 4K », « photos de 12 mégapixels », « caméra thermique infrarouge », « vitesse de vol maximale à 72 km/h » … Tant de termes qui recoupent les descriptions faites par leurs promoteurs : une machine volante, discrète, avec une capacité de surveiller tout (espace public ou non), et de loin.

    Il ne s’agit donc pas d’améliorer le dispositif de la vidéosurveillance déjà existant, mais d’un passage à l’échelle qui transforme sa nature, engageant une surveillance massive et largement invisible de l’espace public. Et cela bien loin du léger cadre qu’on avait réussi à imposer aux caméras fixes, qui imposait notamment que chaque caméra installée puisse faire la preuve de son utilité et de son intérêt, c’est-à-dire de la nécessité et de la #proportionnalité de son installation. Au lieu de cela, la vidéosurveillance demeure une politique publique dispendieuse et pourtant jamais évaluée. Comme le rappelle un récent rapport de la Cour des comptes, « aucune corrélation globale n’a été relevée entre l’existence de dispositifs de vidéoprotection et le niveau de la délinquance commise sur la voie publique, ou encore les taux d’élucidation ». Autre principe fondamental du droit entourant actuellement la vidéosurveillance (et lui aussi déjà largement inappliqué) : chaque personne filmée doit être informée de cette surveillance. Les drones semblent en contradiction avec ces deux principes : leur utilisation s’oppose à toute notion d’information des personnes et de nécessité ou proportionnalité.

    Où serons-nous dans 4 ans ?

    En pratique, c’est un basculement total des #pratiques_policières (et donc de notre quotidien) que préparent ces évolutions technologiques et législatives. Le Livre blanc fixe une échéance importante à cet égard : « les Jeux olympiques et paralympiques de Paris de 2024 seront un événement aux dimensions hors normes posant des enjeux de sécurité majeurs » (p. 159). Or, « les Jeux olympiques ne seront pas un lieu d’expérimentation : ces technologies devront être déjà éprouvées, notamment à l’occasion de la coupe de monde de Rugby de 2023 » (p. 159).

    En juillet 2019, le rapport parlementaire cité plus haut constatait que la Police nationale disposait de 30 drones et de 23 pilotes. En novembre 2020, le Livre blanc (p. 231) décompte 235 drones et 146 pilotes. En 14 mois, le nombre de drones et pilotes aura été multiplié par 7. Dès avril 2020, le ministère de l’Intérieur a publié un appel d’offre pour acquérir 650 drones de plus. Rappelons-le : ces dotations se sont faites en violation de la loi. Qu’en sera-t-il lorsque les drones seront autorisés par la loi « sécurité globale » ? Avec combien de milliers d’appareils volants devra-t-on bientôt partager nos rues ? Faut-il redouter, au cours des #JO de 2024, que des dizaines de drones soient attribués à la surveillance de chaque quartier de la région parisienne, survolant plus ou moins automatiquement chaque rue, sans répit, tout au long de la journée ?

    Les évolutions en matières de reconnaissance faciale invite à des projections encore plus glaçantes et irréelles. Dès 2016, nous dénoncions que le méga-fichier #TES, destiné à contenir le visage de l’ensemble de la population, servirait surtout, à terme, à généraliser la reconnaissance faciale à l’ensemble des activités policières : enquêtes, maintien de l’ordre, contrôles d’identité. Avec le port d’une caméra mobile par chaque brigade de police et de gendarmerie, tel que promis par Macron pour 2021, et la retransmission en temps réel permise par la loi « sécurité globale », ce rêve policier sera à portée de main : le gouvernement n’aura plus qu’à modifier unilatéralement son #décret_TES pour y joindre un système de reconnaissance faciale (exactement comme il avait fait en 2012 pour permettre la reconnaissance faciale à partir du TAJ qui, à lui seul, contient déjà 8 millions de photos). Aux robots dans le ciel s’ajouteraient des humains mutiques, dont le casque de réalité augmentée évoqué par le Livre Blanc, couplé à l’analyse d’image automatisée et aux tablettes numériques NEO, permettrait des contrôles systématiques et silencieux, rompus uniquement par la violence des interventions dirigées discrètement et à distance à travers la myriade de drones et de #cyborgs.

    En somme, ce Livre Blanc, dont une large partie est déjà transposée dans la proposition de loi sécurité globale, annonce le passage d’un #cap_sécuritaire historique : toujours plus de surveillance, plus de moyens et de pouvoirs pour la police et consorts, dans des proportions et à un rythme jamais égalés. De fait, c’est un #État_autoritaire qui s’affirme et se consolide à grand renfort d’argent public. Le Livre blanc propose ainsi de multiplier par trois le #budget dévolu au ministère de l’Intérieur, avec une augmentation de 6,7 milliards € sur 10 ans et de 3 milliards entre 2020 et 2025. Une provocation insupportable qui invite à réfléchir sérieusement au définancement de la police au profit de services publiques dont le délabrement plonge la population dans une #insécurité bien plus profonde que celle prétendument gérée par la police.

    https://www.laquadrature.net/2020/11/19/la-technopolice-moteur-de-la-securite-globale
    #France #Etat_autoritaire

    ping @isskein @karine4 @simplicissimus @reka @etraces

  • Procès de la torture en Syrie : les dossiers "César" pour la première fois devant une cour
    https://www.justiceinfo.net/fr/tribunaux/tribunaux-nationaux/45961-proces-torture-syrie-dossiers-cesar-premiere-devant-cour.html

    La semaine dernière à Coblence, le célèbre dossier « César » a été présenté comme élément de preuve devant un tribunal, pour la première fois. Un expert médico-légal a témoigné dans le procès Al-Khatib, qui a analysé les cadavres photographiés sur plus de 50 000 clichés. Sa conclusion : la torture et les meurtres étaient systématiques dans tous les centres de détention des services de renseignement.

    « Compression de la gorge », « état nutritionnel affaibli », « blessures non compatibles avec le maintien en vie », les mots de l’expert médico-légal résonnent comme des abstractions. Mais les images ramènent à la réalité. Corps après corps, la projection s’enchaîne sur le mur de la salle d’audience. Certains sont minces comme des squelettes, d’autres ont des blessures ouvertes. Un corps est entièrement bleu, tandis que d’autres (...)

    #Tribunaux_nationaux

  • #Santé des migrants

    Selon les données de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), 8 % des personnes vivant en Europe sont des personnes migrantes. En 2012, la section Europe de l’OMS lance le projet Phame. Phame (Public Health Aspects of Migrations in Europe, Migration et santé publique en Europe) soutient les services de santé publique des pays soumis à d’importants flux migratoires. Ses objectifs sont au nombre de trois : compenser l’impact négatif du parcours migratoire, réduire les inégalités des états de santé en facilitant l’#accès_aux_soins, et garantir les #droits_à_la santé des personnes migrantes. En recensant les meilleures pratiques et les éventuelles lacunes des services de santé publique, le projet sollicite la #coordination des interventions et l’établissement de plans d’urgence adaptés. Certes, les #services_de_santé ne peuvent, à eux seuls, assurer une #prise_en_charge globale de la santé des personnes migrantes et agir sur l’ensemble des #déterminants_sociaux tels que le #logement, l’#éducation, l’#emploi et la #protection_sociale. L’#OMS Europe insiste donc sur la nécessité de mettre en place des #actions_intersectorielles en réponse aux enjeux spécifiques à la santé de ces personnes, d’autant que l’ensemble des déterminants sociaux ont un impact sur l’état de santé des personnes.

    Sous une appellation unique – « les personnes migrantes » – se cachent des situations complexes, régies selon le #titre_de_séjour, le #droit_d’asile, la protection des frontières, les conventions européennes et internationales et les clauses humanitaires. Notre dossier prévoit de définir ces catégories, dont les #situations_sanitaires varient aussi selon leur #statut_administratif. On ne saurait considérer de manière uniforme ces personnes dont la santé est fonction de l’âge, du sexe, de la situation dans le pays d’origine, mais surtout des #risques encourus lors du #parcours_migratoire. Arrivées dans une zone de langue et de culture différentes, il leur est quasi impossible de se repérer sans aide dans un #système_de_soins inconnu, de se plier aux contraintes de #dépistages, dont ils peuvent redouter les conséquences, d’accorder de l’attention à des gestes de santé éloignés de la simple nécessité de survivre.

    Incluses dans l’appellation générale de « personnes migrantes » se trouvent les mêmes catégories hautement vulnérables : les enfants exposés, utilisés, exploités, qui mûrissent trop vite avec parfois, mais c’est loin d’être la règle, des développements spectaculaires, et puis les #femmes, qui ont rarement le choix de leur vie, sont souvent traitées comme des marchandises, ayant elles-mêmes la charge d’#enfants nés durant leur parcours chaotique.

    Les professionnels de santé confrontés aux problèmes de santé ou, au contraire, à la non-demande de soins de personnes migrantes, se réfèrent à des grilles diagnostiques où figurent tout à la fois les maladies transmissibles, les maladies chroniques (diabète, hypertension artérielle notamment) et les séquelles de traumatismes sur des corps dont l’usure est majorée par une hygiène de vie précaire, la malnutrition, la prise quotidienne de risques, et trop souvent la vie à la rue.

    Comment nommer ce mal venu d’ailleurs ? Cette question nous obsède depuis plusieurs semaines avec la menace de la Covid-19, mais elle est en fait très ancienne. On craint depuis fort longtemps ces maladies étranges contractées sous les tropiques et autres lieux perçus hostiles, au point d’ouvrir des services spécialisés en médecine tropicale, et d’enseigner dans les facultés de médecine les maladies des populations immigrées. On redoute la résurgence de pathologies désormais bien maîtrisées dans nos régions, et on s’inquiète également de l’ancrage des maladies de la misère chez ces personnes étrangères recueillies sur notre territoire. S’ils sont, comme le montrent les chiffres, de plus en plus nombreux à souhaiter entrer sur les territoires européens, saurons-nous endiguer les conséquences sur leur santé physique et psychique de parcours de vie aussi difficiles et souvent violents ?

    On constate que dans les situations d’urgence les mesures ne se discutent pas et sont généralement adaptées, mais les professionnels de santé observent également des manifestations plus torpides, souvent consécutives à des agressions physiques et psychiques, qui se pérennisent et pour lesquelles les symptômes ne sont pas toujours lisibles ou s’expriment tardivement. Dans le vaste champ de la #santé_mentale, les services susceptibles de répondre à ces troubles au long cours sont peu disponibles et leur répartition est inégale sur le territoire français.

    Une pratique ordinaire de soins fait le constat des conditions de vie souvent marginales de la plupart de ces personnes. Lorsque l‘organisation de la vie quotidienne est déstructurée, un accompagnement et un suivi particuliers sont nécessaires pour leur permettre un accès explicite et légitime aux ressources du système de soins en place et à la solidarité du régime de protection sociale. Or, le plus souvent, en France comme dans les pays voisins, l’accès à des filières de soins adaptées aux personnes migrantes est balisé par des contraintes administratives qui restreignent leur portée et retardent les soins.

    L’état de santé des étrangers en France, quelle que soit leur catégorie, est mal connu car la variable « étranger » ou « pays d’origine » ne figure pas dans les grandes enquêtes nationales de santé. Il n’y a donc pas de #donnés_épidémiologiques synthétiques sur l’état de santé des personnes immigrées. Néanmoins nous disposons de quelques connaissances. L’Académie de médecine a consacré en 2019 un numéro de son Bulletin à « La santé des migrants » puis a publié en février 2020 un rapport sur L’Immigration en France : situation sanitaire et sociale, qui proposait dix recommandations. Le Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH) publie et actualise des dossiers dédiés à la santé physique et mentale des migrants en France. Le ministère des Solidarités et de la Santé a publié en juin 2018 une « Instruction relative à la mise en place du parcours santé des migrants primo-arrivants »quel que soit leur statut administratif.

    Nous espérons que ce dossier dédié à la santé des migrants contribuera de manière complémentaire aux connaissances existantes. Le thème retenu pour ce dossier est vaste, universel, sans cesse remanié. Volontairement, l’accent a été mis sur les groupes les plus vulnérables, femmes et enfants, et sur la prise en compte de la santé mentale, en particulier des #stress_post-traumatiques, afin d’éviter la chronicisation des #troubles_psychiques.

    Il est bien dans l’optique du Haut Conseil de la santé publique de promouvoir les actions intersectorielles. Dans les problématiques relevant de la santé des personnes migrantes, chaque échelon territorial, et le département plus particulièrement, doit veiller à la cohérence entre ces actions. Certaines conventions existent entre des services de l’Éducation nationale, du Logement, de la Justice et de la Santé, mais la plupart du temps, ce sont des structures privées, associations ou fondations, qui prennent l’initiative de ces mises en réseau.

    Qu’il s’agisse des services publics ou du secteur privé, la voix des professionnels comme celle des bénévoles, engagés auprès des populations migrantes, est toujours forte. Il faut au moins toute cette intensité et cette vigilance pour que l’accueil et la protection de leur santé s’établissent et se maintiennent dans le respect de la dignité et de la protection des droits de la personne.

    https://www.hcsp.fr/explore.cgi/adsp?clef=1172
    #migrations #santé_publique #asile #réfugiés

    via @karine4
    ping @_kg_ @isskein

  • Versement des bourses aux étudiants : retard et non versement
    Ma fille en deuxième année, boursière « sur critères sociaux » et boursière « au mérite » n’a toujours pas reçu ce complément (900€/an tout de même, en 9 versements)
    Suite à sa réclamation elle vient de recevoir cette réponse :
    "compte tenu du très grand nombre de messages reçus, nous sommes dans l’impossibilité de garantir une réponse individuelle à chaque demande.
    Et alors là on fait quoi ?

    #numérisation #service_public #déshumanisation

  • Les envahisseurs atterrissent en Gironde
    http://www.piecesetmaindoeuvre.com/spip.php?page=resume&id_article=1383

    Un article de Sud-Ouest du 24 octobre 2020 signale l’implantation de deux stations à terre de la société SpaceX en Gironde. SpaceX appartient au transhumaniste Elon Musk, et prévoit d’envoyer des milliers de satellites pour développer les connexions Internet et téléphone mobile. Pour lire l’article, ouvrir le document ci-dessous. #Service_compris

    http://www.piecesetmaindoeuvre.com/IMG/pdf/spacex_a_villenave_d_ornon.pdf

  • « Pour les élèves des quartiers populaires, la possibilité de s’exprimer est bafouée en permanence » par Cloé Korman
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/10/21/pour-les-eleves-des-quartiers-populaires-la-possibilite-de-s-exprimer-est-ba

    Une excellent tribune, à lire absolument.

    Tribune. Conflans-Sainte-Honorine, 78, ce contexte précis : il y a une ironie redoublée dans l’horreur de ce qui s’est produit, qui tient à la sociologie de l’endroit, puis à son traitement médiatique. Le nom de cette ville, je l’ai vu apparaître des dizaines de fois dans les phares de ma voiture, vers 7 h 30 du matin, en allant enseigner juste à côté, dans le lycée d’Herblay (Val-d’Oise) où je faisais mon stage de professeure de français. J’ai rarement vu un lieu, en France, aussi équilibré sur le plan social et ethnique que ce petit lycée de région parisienne.

    L’équilibre entre les origines de mes élèves, les professions des parents, les couleurs de peau : quiconque veut contempler le visage idéal, et quand même assez rare de la République, devrait se précipiter avec sa voiture, ou la ligne J, en direction de la Patte-d’Oie d’Herblay, et rencontrer les élèves de mon ancien lycée. Ou ceux du collège du Bois-d’Aulne de Conflans – les visages des élèves de Samuel Paty.

    Constater que le terrorisme a pu y trouver des complices, trouver ici un parent suffisamment fanatisé pour faire alliance, met au désespoir. Depuis ce 16 octobre, il y aura donc une preuve que « même là » et qu’« ici aussi », l’islamisme aura pu faire la publicité de son emprise avec sa signature, celle de caricaturer l’islam.
    Article réservé à nos abonnés Lire aussi « Le fanatisme remplace Dieu par un objet fini et croit ainsi pouvoir le posséder »
    La séduction du cours

    En outre, si je n’étais moi-même si mécréante, j’aurais l’impression d’entendre une deuxième fois le rire du diable en voyant le glissement qui se produit entre Conflans, « une banlieue », et bien d’autres banlieues. C’est un bord de Seine arboré et tranquille, où les enseignants vivent presque tous (ce qui est loin d’être le cas ailleurs) dans le voisinage de leurs élèves, et où ils se retrouvent le week-end pour le club de randonnée. Il n’a pas grand-chose à voir avec les cités à forte immigration où certains médias semblent situer les faits, ajoutant une nouvelle fois, pour leurs habitants, les stigmates aux stigmates.

    « Je crois qu’il serait bon de créer les conditions pour que les élèves expliquent ce qu’ils pensent »

    Je n’enseigne plus à Herblay, mais dans un de ces quartiers de Seine-Saint-Denis où la violence est monnaie courante. Je sais qu’ici, j’ai beaucoup plus d’élèves qui se sentent légitimement marginalisés et déconsidérés, et combien il faut réfléchir pour qu’un cours sur la religion, sur la liberté d’expression ou sur le racisme soit perçu comme l’occasion d’un dialogue et non un moment de violence symbolique.
    Article réservé à nos abonnés Lire aussi Attentat de Conflans : « Beaucoup d’enseignants redoutent d’être jugés pour des difficultés rencontrées en classe »

    Si la liberté d’expression existe, si ce n’est pas une simple posture, je crois qu’il serait bon de créer les conditions pour que les élèves expliquent ce qu’ils pensent. Or ces conditions ne leur sont pas offertes et, réciproquement, le contexte rend difficile pour moi l’expression du doute, de l’hésitation, que je considère pourtant comme essentiels à cet échange intellectuel.

    Cet aspect tâtonnant de l’acte d’enseigner est remarquablement décrit dans un essai paru à la rentrée, L’Ecole de la vie (Flammarion, 288 pages, 19 euros) du philosophe Maxime Rovere. Espièglement sous-titré, « érotique de l’acte d’apprendre », son livre raconte l’espace discursif relâché, mouvant, l’espace de perpétuelle improvisation de la salle de classe.

    Si l’apprentissage est une rencontre physique, avant toute chose un temps partagé dans une salle, cette érotique invite à s’interroger sur les aspects sociologiques et matériels du savoir. La séduction du cours peut-elle agir dans un lieu où les sanitaires puent ? Le charme s’opère-t-il quand on a déjeuné en cinq minutes, après avoir attendu une heure dans le chahut ? Il n’est pas sûr que Platon tiendrait son banquet, que Rabelais installerait Thélème dans un collège du 93. Les débats auxquels nous assistons ces jours-ci sur la liberté d’expression semblent bien trop loin de la réflexion nécessaire sur la pauvreté à l’école.
    Préjudices sociaux

    Les établissements scolaires des quartiers défavorisés sont loin d’être les lieux protégés qu’ils devraient être, à cause de décisions politiques dévastatrices. Il n’y a pas assez de recrutements de professeurs, pas assez d’adultes pour y assurer le calme et la sérénité. Il faut s’imaginer ce que sont des journées sans CPE [conseiller principal d’éducation] ou sans médecin scolaire, sans assistante sociale. Il faut s’imaginer les couloirs livrés à la bousculade et l’hypocrisie qui redouble ces cris, par temps de Covid-19. Ces choses-là constituent une atteinte permanente à la paix, à la concentration nécessaire pour apprendre.
    Article réservé à nos abonnés Lire aussi Attentat de Conflans : « Comme de nombreux professeurs, je me sens honteux d’appartenir à une institution si faible »

    A cela s’ajoutent des préjudices sociaux très aigus, qui sont de l’ordre de la discrimination : dans ces quartiers, la distribution des filières est ainsi faite que les élèves sont orientés en grande partie vers des métiers subalternes. Il m’arrive régulièrement de me rendre compte que des élèves tout à fait doués, capables de faire un bac général, sont en route pour un bac technologique : par habitude, par manque d’encouragement, et surtout faute de places, ils sont envoyés pendant ces années cruciales vers un enseignement restreint à la fois sur le plan intellectuel (l’enseignement de l’histoire-géographie, par exemple, y a été réduit), et sur le plan des débouchés professionnels.
    Lire aussi « Dans les quartiers populaires, nos enfants n’ont droit qu’à un enseignement de moindre qualité »

    Pour les élèves pauvres des quartiers populaires, la possibilité de s’exprimer est bafouée en permanence. Elle est bafouée physiquement, dans ces lieux de brutalité et de bruit, d’absence de soins et d’hygiène, que sont leurs établissements scolaires. Elle est bafouée dans cette orientation limitée et dans un personnel insuffisant. Elle l’est enfin sous l’angle conceptuel, quand on stigmatise les élèves de banlieue, les élèves musulmans ou ceux des quartiers parce qu’ils refusent d’être Charlie, qu’ils expriment leur désarroi devant l’expression du blasphème, ou quand les représentations médiatiques les réduisent à ces attitudes, quand elles ne montrent pas tous ceux qui pensent de façon plus complexe.

    Dans le feu de cette actualité où la liberté d’expression apparaît une fois de plus comme une liberté mortelle, il me semblerait utile et juste d’en parler aussi comme d’un droit, et d’envisager les moyens d’exercice de ce droit. Sans cela, on ne parle pas aux élèves de liberté d’expression, pas de cette force collective, mais on leur adresse un vain mot, un simple « cause toujours ».

    Cloé Korman est écrivaine et professeure de français. Dernier titre paru « Tu ressembles à une juive » (Seuil, 108 pages, 12 euros).

    #Conflans #Radicalisation #Ecole #Enseignement #Pauvreté #Service_public

  • « La logique de l’honneur. Gestion des entreprises et #traditions_nationales »

    Ce livre date de 1989 et vous devez vous demander pourquoi je lis des ouvrages aussi anciens…Et bien, après coup, je constate que nombre de problématiques « actuelles » sont en fait « anciennes » ! Imaginez ma surprise lorsque je suis tombée sur le chapitre dédié à la « #flexibilité » ou à la « #mobilisation » où il est question de définir une « #politique_de_motivation » à l’attention des ouvriers. A l’époque, les entreprises faisaient déjà face à un environnement turbulent, avec de nouvelles conditions de #concurrence et devaient ajuster fréquemment leur production et donc se montrer flexibles, notamment en introduisant plus de souplesse dans les organisations. Il y a près de 20 ans déjà, il apparaissait urgent de « mobiliser » les ouvriers car on s’était rendu compte que « le #savoir et l’#enthousiasme des exécutants constituent le premier gisement de #productivité des entreprises. » Puisque les problématiques de #GRH et de #management sont les mêmes aujourd’hui, qu’hier, il ne me semble pas incohérent de plonger dans l’histoire de la culture française pour tenter de comprendre les raisons de certaines mobilisations, résistance au changement ou échec des réorganisations.

    Gestion des entreprises et traditions nationales.

    La préface du livre critique la #sociologie_des_organisations qui « ne s’intéresse guère aux #cultures_nationales ni à l’#histoire », et tente de justifier l’approche culturelle de la gestion d’entreprise abordée par l’auteur via l’étude de trois usines (une en #France, une aux #Etats-Unis et la dernière aux #Pays-Bas). A sa sortie, il a en effet « suscité nombre d’interrogations et quelques réactions négatives. »

    Aujourd’hui nul ne remet en cause la spécificité du management français, japonais ou suédois, chacun étant marqué par une #culture particulière, avec ses codes et usages liés à la société dans laquelle il s’est construit. Voilà pourquoi les grandes entreprises forment leurs cadres au #management_interculturel et leurs commerciaux à la culture du pays cible.

    « C’est avoir tort que d’avoir raison trop tôt. » Marguerite Yourcenar
    Une société d’ordres, basée sur l’honneur.

    Au Moyen-Age, dans un Etat monarchique, la société est divisée en trois « ordres » : le clergé, la noblesse et le tiers-état (le commun, le peuple). Les premiers sont dédiés au service de Dieu, les seconds préservent l’Etat par les armes et les derniers produisent les moyens de subsistance. Cette structuration s’appuie sur l’opposition entre le pur et l’impur. Le clergé se veut le plus pur, par la chasteté et le service de Dieu tandis que le peuple, caractérisé par sa condition servile, est impur. La noblesse est en position médiane car exempte de l’impureté de la condition servile mais loin de la pureté de Dieu car marqué par la souillure des armes et de l’acte sexuel.

    La quête de #pureté crée des sous-groupes au sein des ordres : on peut citer les chevaliers qui se consacraient aux croisades et réalisaient donc un service noble, sous la protection du Pape, et les bourgeois qui se distinguaient de la plèbe par leur richesse acquise par le négoce et non le labeur (travail manuel). Au XIX° siècle, on peut évoquer l’émergence du #compagnonnage qui permet à ces ouvriers de se hisser au-dessus du prolétariat (ouvriers à la chaîne). A travers l’initiation, les épreuves, l’intronisation dans un Devoir, ils ennoblissent le travail manuel.

    La #fierté du rang et la #crainte d’en déchoir.

    Selon l’auteur, ce qui permet d’éviter de faire sombrer le gouvernement monarchique dans le despotisme et limite l’irresponsabilité des sujets, c’est l’#honneur. Ce que chacun considère comme honorable est fixé par la #tradition. C’est intimement lié à la fierté que l’on a de son rang et à la crainte d’en déchoir, en faisant quelque chose d’inférieur à son rang.

    L’auteur nous explique, en relatant diverses situations de travail, que la fierté et le devoir inhérents au rang poussent les ouvriers à se dévouer à leurs tâches, à bien faire au-delà des comptes à rendre (ce serait déchoir que de faire du mauvais boulot).

    Aux Etats-Unis, l’auteur constate que le principe d’#égalité, profondément ancré dans la société, et l’ancienneté sur laquelle se fondent l’avancement et l’attribution des postes, peuvent favoriser la #médiocrité. Ce ne sont que les relations personnelles, entre ouvriers et responsables, et les marques de #reconnaissance de ces derniers, qui motivent les salariés à faire du bon boulot.

    En France, ce sont les mêmes valeurs qui limitent les incursions des contremaîtres dans les ateliers (contrôler c’est offensant, c’est une sorte d’ingérence indue dans le travail des ouvriers) et restreignent les interventions aux problèmes graves (ce serait déchoir que de s’occuper de menus problèmes). Ils avouent avoir du mal à savoir ce qu’il se passe…

    A l’inverse, aux Etats-Unis, l’auteur raconte que l’absence de contrôle du travail réalisé par l’ouvrier serait considérée par celui-ci comme un manque d’intérêt du supérieur, et donc mal perçue ! Dans cette société fondée par des marchands, pas d’ordres ni de rang, mais des citoyens égaux qui souhaitaient un cadre légal pour faire des affaires sur la base des valeurs marchandes d’#honnêteté.

    Certaines enquêtes récentes parlent du « #management_implicite » français. Selon d’Iribarne, les #rapports_hiérarchiques en entreprise devraient respecter le principe des rapports traditionnels entre suzerain et vassal et donc tenir compte du fait que la société française refuse l’image dégradante des rapports entre maître et laquais et que c’est déchoir que d’être soumis à l’#autorité de qui n’est pas plus noble que soi (ici rentrent en ligne de compte la compétence technique, l’expérience, le savoir et donc la formation du manager). D’où le mépris pour les #petits_chefs et les difficultés de certains pour se faire respecter…

    Aux Etats-Unis, l’auteur constate que l’ouvrier vend son travail sur la base d’un #contrat qui doit être fair, équitable, respectueux. Chaque usine établit également un contrat avec les syndicats (document à mi-chemin entre l’accord d’entreprise et la convention collective). Dans cette #relation_contractuelle, les règles et les devoirs de chacun sont clairement établis et le rôle de la #justice n’est pas éludé (l’auteur constate que les procédures d’arbitrages peuvent être nombreuses en entreprises).

    Dans son ouvrage « Où en sommes-nous ? » (2017), Emmanuel Todd, explique que le concept d’homme universel avec son égalitarisme qui fonde la société française, engendre un monde d’individus dont aucun n’accepte la #subordination à l’ensemble. D’où la réticence des Français à respecter les règles, les lois… et les procédures d’entreprise !

    C’est également la fierté qui peut créer des #tensions entre la production et la maintenance, si on fait sentir au personnel qu’il est « au service de » l’autre car la dépendance fonctionnelle est facilement vécue comme #servitude. Les témoignages indiquent que de bonnes relations personnelles inter-services permettent de considérer le dépannage comme un « #service », un « coup de main » et non un acte servile.

    Quand des ouvriers pontiers et caristes refusent d’apprendre le métier de l’autre afin de devenir pontier-cariste, c’est la force d’appartenance à un rang (l’#identité_métier) qui s’exprime, ainsi que la perte de repères : on sait plus où l’on est. Alors que dans une autre usine, les salariés ont bien accepté la création d’un nouveau métier, auquel étaient associés un état et une identité clairs.

    Aux Pays-Bas, l’auteur s’étonne de la #bonne_volonté et #souplesse des ouvriers ou contremaîtres qui acceptent les mutations internes de l’usine rendues nécessaires par une réduction de production. Le #pragmatisme sert la #culture_du_dialogue (expliquer, écouter, discuter) qui permet souvent d’aboutir à un #consensus en vue d’une #coopération efficace. Dans ce pays, le consensus est aux origines de la nation et se manifeste dans le fonctionnement des institutions politiques.

    Selon l’auteur, c’est également le #rang, l’opposition entre le plus ou moins noble et le refus de déchoir dans la société française qui permettent de comprendre l’importance du niveau atteint en matière de #formation, ainsi que le rôle si particulier joué par les grandes Ecoles et les concours qui permettent d’y accéder. Il en déduit le passage d’une hiérarchie du sang à une hiérarchie des talents, car les talents sont assimilés aux dons et donc à la naissance.
    Un rang, des #privilèges mais aussi des #devoirs.

    Chaque rang ouvre droit à des privilèges, mais contraint aussi à des devoirs. Renoncer aux premiers, se dérober aux seconds, c’est également attenter à son honneur. La coutume rend donc certaines choses quasi immuables…

    Voilà pourquoi toute remise en cause de quelque ampleur que ce soit est très difficile à réaliser et que les ouvriers français – qualifiés de #râleurs – défendent leur point de vue avec opiniâtreté en ayant recours à la #grève plus souvent que leurs voisins néerlandais ou allemands. L’auteur évoque la difficulté éprouvée par un chef de service qui souhaitait revoir les attributions du personnel de son équipe suite à un départ en retraite, ou encore la résistance des ouvriers face aux pressions indues de la maîtrise.

    La Révolution française a théoriquement mis fin à une société divisée en ordres mais… selon l’auteur, elle demeure divisée en groupes hiérarchisés ayant chacun ses privilèges et son sens de l’honneur. Les entreprises françaises, fortement hiérarchisées, où se pratique un management plutôt autocratique et rigide seraient un héritage de cette société structurée en ordres et révèlerait un idéal de centralisation monarchique.

    Songez à l’arrogance de certains cadres, leur attachement aux #symboles_de_pouvoir, ou encore à la #distance_hiérarchique, qui est relativement élevée en France comparativement aux Pays-Bas où on ne sent pas du tout la #ligne_hiérarchique […] ne serait-ce que dans les façons de s’habiller.

    L’auteur n’oublie pas de parler des limites ou effets pervers de chaque système car aucun n’est idéal. Cet ouvrage permet de créer des ponts entre passé et présent. Il rappelle ainsi que l’#entreprise est une #organisation_sociale constituant un reflet de la société. Cependant, quelle que soit l’époque, un mot d’ordre s’impose en matière de management :

    « Considérez vos hommes, écoutez-les, traitez-les avec justice ; ils travailleront avec cœur. » (citation issue de l’ouvrage)

    https://travailetqualitedevie.wordpress.com/2018/01/17/la-logique-de-honneur-philippe-diribarne
    #livre #Philippe_d’Iribarne #travail

  • Plan social à Radio France : les syndicats signent l’accord proposé par la direction
    https://www.telerama.fr/radio/plan-social-a-radio-france-les-syndicats-signent-laccord-propose-par-la-dir

    Trois cent quarante départs volontaires, dont la moitié seront remplacés. Tel est le plan de la direction, dans le cadre d’une rupture conventionnelle collective, qu’ont accepté cinq syndicats sur six. La CGT a refusé de signer.

    Cinquante-deux jours de grève l’hiver dernier. Des négociations suspendues par la crise sanitaire. Des leçons tirées du confinement. Et un accord, enfin, sur une rupture conventionnelle collective à Radio France. Le groupe radiophonique public, à qui l’État demande de faire 60 millions d’économies d’ici à 2022, doit réduire sa masse salariale. Coûte que coûte, et même si les audiences battent record sur record.

    #Radio-France #services_publics (à la découpe) #plan_anti-social #disruption_conventionnelle

    Dans son communiqué d’hier soir, la direction promet « une démarche de prévention des risques et une attention particulière à la qualité de vie au travail au sein de l’entreprise ». Une consultation en ligne est toujours en cours. « J’invite les salariés à y répondre en masse, appelle Jean-Paul Quennesson. Maintenant qu’on est fixé sur les départs, il faut penser aux conditions de travail de celles et ceux qui vont rester. »

    #inglorious_bastards #Gilles_de_la_Tourette

  • « Il est urgent de changer de stratégie sanitaire face à la Covid-19 »
    http://www.piecesetmaindoeuvre.com/spip.php?page=resume&id_article=1365

    Une tribune de 300 soignants et universitaires censurée par Le Journal du Dimanche du 27 septembre 2020 et publiée sur le blog de Laurent Mucchielli (ici). * Dans cette tribune, plus de 300 scientifiques, universitaires et professionnels de santé critiquent la dérive de la politique sanitaire du gouvernement français. Ils estiment qu’elle conduit à des interprétations erronées des données statistiques et à des mesures disproportionnées. Et demandent que l’on évalue nos connaissances réelles pour définir démocratiquement une stratégie sanitaire. Avis au lecteur : cette tribune devait initialement paraître dans le Journal du Dimanche (JDD) ce 27 septembre 2020. Acceptée le samedi matin par le journaliste en charge de la rubrique « Tribune/Opinions », elle devait paraître intégralement sur le site (...)

    https://blogs.mediapart.fr/laurent-mucchielli/blog/270920/il-est-urgent-de-changer-de-strategie-sanitaire-face-la-covid-19 #Service_compris

  • Un entretien avec Laurent Toubiana, épidémiologiste à l’Inserm
    http://www.piecesetmaindoeuvre.com/spip.php?page=resume&id_article=1360

    Dans cet entretien publié le 15 septembre 2020 sur le site https://alternatif-bien-etre.com, l’épidémiologiste Laurent Toubiana dénonce la présentation alarmiste des chiffres sur l’épidémie de Covid-19, notamment dans des médias comme Le Monde. « J’affirme que l’épidémie est terminée » : entretien exclusif avec un épidémiologiste en colère CHERCHEUR ÉPIDÉMIOLOGISTE À L’INSERM ET DIRECTEUR DE L’INSTITUT DE RECHERCHE POUR LA VALORISATION DES DONNÉES DE SANTÉ (IRSAN), LAURENT TOUBIANA ÉTUDIE L’ÉVOLUTION DE LA COVID-19 EN FRANCE DEPUIS DÉBUT MARS. SON ANALYSE EST SANS APPEL : L’ÉPIDÉMIE EST TERMINÉE ! RETOUR SUR DES MESURES SANITAIRES VRAISEMBLABLEMENT DISPROPORTIONNÉES. DEPUIS LE DÉBUT DE LA PANDÉMIE, COMBIEN DE MORTS LA COVID-19 COMPTABILISE-T-ELLE OFFICIELLEMENT ? Selon les statistiques de Santé Publique (...)

    https://alternatif-bien-etre.com #Service_compris

  • Pascal Bouchard : Blanquer, l’Attila des écoles
    http://www.cafepedagogique.net/LEXPRESSO/Pages/2020/09/14092020Article637356654652757181.aspx

    « Il est celui derrière qui l’herbe ne repoussera que par touffes éparses tandis que la facture sera salée. Seule une personnalité hors du commun pouvait à ce point bouleverser l’institution ». Journaliste éducation depuis 1998, Pascal Bouchard publie un livre qui, malgré le titre, n’est pas un pamphlet mais une analyse des idées pédagogiques de JM Blanquer et de son entourage, principalement le conseil scientifique. Sa thèse c’est que JM Blanquer a vraiment une pensée sur l’éducation et qu’il utilise des scientifiques pour les mettre en application. Cela nous vaut de très belles pages sur le conseil scientifique, ses conceptions pédagogiques et celles du ministre. On appréciera le décryptage argumenté d’un très bon connaisseur sur la lecture vue par JM Blanquer ou encore la démonstration de l’extraordinaire aptitude au mensonge du ministre. Mais du coup, la politique ministérielle est dépolitisée et désocialisée. C’est dommage si l’on pense que JM Blanquer est surtout porteur d’un projet politique.

    #éducation #enseignement #service_public (casse du) #Blanquer #incompétence #mensonge_d'état

  • Quand la DGSI traque l’ultragauche dans la communauté scientifique française
    https://www.lepoint.fr/societe/quand-la-dgsi-traque-l-ultragauche-dans-la-communaute-scientifique-francaise

    Sur la seule base de contacts avec l’ultragauche, qu’il nie, un ingénieur du Centre national d’études spatiales (Cnes) a été licencié. Il est question de la protection du potentiel scientifique et technique de la nation. Du risque d’affaiblir les moyens de défense de l’État ; de les détourner « à des fins de terrorisme, de prolifération d’armes, de destruction massive ou de contribution à l’accroissement d’arsenaux militaires ». C’est du moins ce qu’affirment notre Code pénal et notre Code de la sécurité (...)

    #activisme #licenciement #surveillance #DGSI

    • Il est question de la protection du potentiel scientifique et technique de la nation. Du risque d’affaiblir les moyens de défense de l’État ; de les détourner « à des fins de terrorisme, de prolifération d’armes, de destruction massive ou de contribution à l’accroissement d’arsenaux militaires ». C’est du moins ce qu’affirment notre Code pénal et notre Code de la sécurité intérieure, et qui justifie, selon le ministère de l’Enseignement supérieur, d’avoir détruit la vie professionnelle de Mathieu*.

      Docteur en informatique, spécialiste en traduction et en gestion de ressources « termino-ontologiques » (sic), cet ingénieur du Centre national d’études spatiales (Cnes) s’est en effet vu reprocher par la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) d’avoir eu des contacts en 2010 et 2017 avec l’ultragauche. Des accusations très vagues, mais suffisantes pour que le quadragénaire se voie refuser l’accès à la zone à régime restrictif (ZRR) du #Cnes et, donc, par la suite des choses, à être licencié en octobre 2019.

      Une enquête administrative aux résultats contestés

      L’histoire n’est pas banale. On la connaît pourtant dans un autre contexte, quand des personnes soupçonnées d’accointances djihadistes ou islamistes ont été assignées à résidence pendant l’état d’urgence, sur la base des fameuses notes blanches de la DGSI, des notes non signées, non datées, rarement sourcées, qui mettaient en avant leur dangerosité. Des militants écologistes avaient connu le même sort en novembre 2015, se voyant interdire de manifester par peur qu’ils créent des troubles publics pendant la COP21, dans un contexte élevé de menace terroriste.

      Mais le cas de Mathieu est différent : les autorités, sans fournir la moindre #preuve de sa dangerosité, lui interdisent tout avenir professionnel dans l’#aérospatiale, au nom d’opinions politiques ou d’amitiés à l’ultragauche qu’il est supposément censé avoir. Et qu’il nie. Tout commence en décembre 2017. Mathieu signe un CDD avec un sous-traitant du Cnes et obtient l’autorisation d’accéder à la #zone_à_régime_restrictif (#ZRR), où sont traitées des #données_sensibles.

      L’ingénieur décroche un CDI

      Mathieu travaille bien, ses collègues saluent son implication. Il obtient un CDI en avril 2019. À cette occasion, une nouvelle #enquête_administrative est menée, comme la loi le prévoit, pour vérifier que son « comportement [...] n’est pas incompatible avec l’exercice des fonctions ou des missions envisagées ». Cette enquête est obligatoire pour tout personnel qui souhaite accéder à une ZRR.

      Sans que le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche le justifie, et à la surprise générale, un #avis_défavorable va cependant être rendu. Mathieu n’ayant plus accès à la ZRR du Cnes, il ne peut plus exercer ses missions. Il est licencié.

      Une #note_blanche totalement vide

      Le quadragénaire et son avocat, Me Raphaël Kempf, saisissent alors la justice pour tenter d’obtenir l’annulation de cet avis défavorable rendu par le ministère, lequel se cache derrière le « secret de la #défense_nationale » et le « #confidentiel_défense » pour refuser de se justifier. Avant, quelques semaines plus tard, de finalement accepter de livrer la note blanche de la DGSI sur laquelle est appuyée sa décision.

      Cette dernière ne comprend qu’une phrase : « Mathieu X. est connu de la Direction générale de la sécurité intérieure pour être apparu en 2010 et 2017 en relation avec la mouvance de l’#ultragauche_radicale. » De quel mouvement s’agit-il ? Dans quel cadre ? A-t-il bu une bière avec Julien Coupat ou participé à une manifestation violente aux côtés d’Antonin Bernanos ? Les #services_de_renseignements ne disent rien d’autre.

      « Extension du domaine du #soupçon »

      La jurisprudence est claire : pour que ces notes blanches soient prises en considération par le tribunal administratif, elles doivent pourtant apporter des éléments factuels, « précis et circonstanciés », qui puissent être, le cas échéant, contestés. « Or, mon client est ici dans l’incapacité de se défendre, s’insurge Me Kempf. Pour paraphraser Michel Houellebecq, nous sommes dans l’extension la plus totale du domaine du soupçon, soupçon qui n’est absolument pas étayé. »

      L’avocat poursuit : « Qu’est-ce que l’ultragauche ici ? De quoi parle-t-on ? Aucune indication n’est donnée quant aux personnes qui seraient membres de cette mouvance avec lesquelles Mathieu X. aurait été en relation. Il n’est pas plus précisé quelle est la nature de ces relations, si elles étaient voulues, ou seulement fortuites et occasionnelles. »

      Pas de menace

      Dans un jugement du 9 janvier 2020, le tribunal administratif de Toulouse a donné raison à l’ingénieur. « L’accès à une zone à régime restrictif est soumis à l’impératif qui s’attache à protéger les accès aux #savoirs, #savoir-faire et #technologies les plus "sensibles" des établissements publics et privés, dont le détournement et la captation pourraient porter atteinte aux intérêts économiques de la nation, renforcer des arsenaux militaires étrangers ou affaiblir les capacités de défense de la nation, contribuer à la prolifération des armes de destruction massive et de leurs vecteurs, et être utilisés à des fins terroristes sur le territoire national et à l’étranger », peut-on lire dans la décision.

      Et les juges de conclure : « Il résulte de l’instruction et notamment des documents versés au dossier par le ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation dans le cadre du débat contradictoire devant le tribunal de céans que les seuls faits reprochés à Mathieu X. ne relèvent pas du secret-défense et se limitent pour Mathieu X. à "être apparu en relation en 2010 et 2017 avec la mouvance de l’ultragauche radicale". Ces éléments peu précis et circonstanciés ne constituent pas des motifs de nature à faire obstacle à ce que le requérant ne puisse pénétrer dans la zone à régime restrictif du Cnes et n’établissent pas en quoi Mathieu X. constituerait une menace pour le potentiel scientifique ou technique de la nation. »

      Le ministère de l’Enseignement supérieur a fait appel. Une audience aura lieu dans les prochains mois. Contacté, le Cnes explique ne pas avoir de marge de manoeuvre dans cette affaire et être « lié à l’avis de son ministère de tutelle ». Mathieu n’a pour le moment pas retrouvé de travail.

      https://www.lepoint.fr/societe/quand-la-dgsi-traque-l-ultragauche-dans-la-communaute-scientifique-francaise
      #DGSI #France #licenciement #extrême_gauche #ultragauche #chercheurs #liberté_académique #recherche #science #nationalisme #sécurité #MESRI