Erreur 404

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  • Le doublement de la franchise sur les boîtes de médicaments entre en vigueur
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/03/31/le-doublement-de-la-franchise-sur-les-boites-de-medicaments-entre-en-vigueur

    Dès dimanche donc, la franchise sur les médicaments et les actes paramédicaux passe de 50 centimes à 1 euro. (...)
    En cas de cumul d’actes dans une même journée, le montant ne peut toutefois pas excéder 4 euros de reste à charge par jour sur les actes médicaux (contre 2 euros jusqu’alors) et 8 euros sur les transports sanitaires (contre 4 euros précédemment).
    La « participation forfaitaire » – qui fonctionne selon le même principe pour les consultations et actes médicaux, à l’exception de ceux réalisés lors d’une hospitalisation, mais aussi les examens de biologie médicale et de radiologie – passera, elle, bientôt à 2 euros, contre 1 euro aujourd’hui. La date de cette augmentation, actée par un décret paru à la mi-février, n’est pas encore connue.
    Afin que les personnes ayant le plus fort recours aux soins ne soient pas pénalisées, les deux plafonds annuels – l’un pour les franchises, l’autre pour les participations forfaitaires – sont maintenus à 50 euros chacun.
    Les franchises et remboursements forfaitaires ne sont pas applicables aux mineurs, aux femmes en congé maternité et aux bénéficiaires de la complémentaire santé solidaire (C2S) – ces derniers ayant des revenus particulièrement modestes. [inférieurs à 1093e/mois pour une personne seule en 2024, ndc]

    Pour « 800 millions d’euros d’économie par an » à la Sécu.

    #santé #pauvres #accès_aux_soins

  • Prison avec sursis requise contre un responsable de la CGT à la suite d’un tract sur l’attaque du Hamas en Israël
    Le Monde avec AFP - Publié le 29 mars 2024
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/03/29/prison-avec-sursis-requise-contre-un-responsable-cgt-apres-un-tract-sur-l-at

    Un an de prison avec sursis a été requis, jeudi 28 mars, contre un responsable de la Confédération général du travail (CGT) du Nord, jugé à Lille pour « apologie du terrorisme » à la suite d’un tract controversé de soutien aux Palestiniens. La décision a été mise en délibéré au 18 avril.

    « Ce tract présente ces horreurs comme si elles avaient eu un caractère inévitable », a lancé la procureure. « C’est une légitimation d’un attentat de masse sous couvert d’une analyse historique », a-t-elle ajouté, estimant le délit « parfaitement caractérisé ».

    En tant que responsable de la publication du site Internet de la CGT 59, Jean-Paul Delescaut, 57 ans , est jugé pour « apologie publique d’un acte de terrorisme » et « provocation publique à la haine ou à la violence », pour la diffusion d’un message le 10 octobre 2023, trois jours après l’attaque sanglante du Hamas contre Israël.

    Un passage avait été particulièrement mis en cause : « Les horreurs de l’occupation illégale se sont accumulées. Depuis samedi [7 octobre 2023], elles reçoivent les réponses qu’elles ont provoquées. » Retiré du site Internet, le tract avait été remplacé par une version « confédérale » corrigée, trois jours plus tard. (...)

    #apologie_du_terrorisme

    • Ici à Montpellier, je crois qu’on a eu la condamnation d’un manifestant lors d’une manif pro-Palestinienne, pour des motifs similaires.

      Pendant ce temps, on a des gens qui se relaient à la télévision pour défendre le fait qu’on peut massacrer 10 000 enfants parce que « regardez, à Dresde, on a rasé la ville… ». Mais je n’ai pas vu qu’on avait des procureurs qui dénonçaient là « une légitimation d’un génocide sous couvert d’une analyse historique ».

      On est vraiment dans un système totalement malade.

    • Répression du soutien à la Palestine : des centaines de personnes aux côtés du secrétaire de l’UD CGT 59
      https://www.revolutionpermanente.fr/Repression-du-soutien-a-la-Palestine-des-centaines-de-personnes
      Un an de prison avec sursis requis contre le secrétaire de l’UD CGT 59 : il faut faire front !
      https://revolutionpermanente.fr/Un-an-de-prison-avec-sursis-requis-contre-le-secretaire-de-l-UD

      Alors que la décision du tribunal sera rendue le 18 avril, la procureure, le tract publié par le syndicaliste constituerait un « délit caractérisé », « une légitimation d’un attentat de masse sous couvert d’une analyse historique ». Une interprétation rejetée par Jean-Paul Delescaut, qui, devant le tribunal, à réinsisté sur les « valeurs d’humanité, de défense de salariés, contre l’injustice sociale et pour la solidarité entre les peuples » de la CGT. « On condamne les actes terroristes en général et bien entendu celui du 7 octobre. On condamne toutes les violences ».

      Des centaines de personnes, regroupant syndicalistes, militants de la cause palestinienne et organisations politiques, se sont rassemblés devant le tribunal de Lille pour réclamer l’abandon de toute poursuite contre le militant ouvrier. Plusieurs figures syndicales et politiques étaient présentes à cette occasion, comme Jean-Luc Mélenchon, Sophie Binet, Olivier Mateu, ou encore Jean-Pierre Mercier, pour soutenir le militant CGT et défendre la voix de la cause palestinienne. Pour Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT, les accusation portées contre Jean-Paul Delescaut « s’inscrivent dans un climat très inquiétant de répression des libertés syndicales », avec « plus de 1 000 militants poursuivis au nom des actions menées collectivement par la CGT » contre la réforme des retraites. Alors que le nombre de militants syndicaux poursuivis par la justice atteint en effet un record historique, le syndicat a lancé une pétition pour exiger sa relaxe totale.

      Le rassemblement a également été l’occasion de dénoncer les tentatives pour empêcher depuis 6 mois toutes formes d’expression de soutien et de solidarité avec le peuple palestinien. Des interdictions de manifester aux nombreuses enquêtes ouvertes pour « apologie du terrorisme », le gouvernement a usé de tous les moyens possibles pour faire taire les soutiens à la Palestine et cacher sa complicité avec l’État colonial d’Israël.

      Ce procès ainsi que la réquisition du procureur s’inscrivent dans une offensive répressive majeure contre le mouvement ouvrier et le droit syndical. Dans le cas présent, il constitue une attaque supplémentaire visant à construire un délit d’opinion contre tous ceux qui soutiennent le mouvement pour la Palestine. Une attaque contre toutes les voix qui s’élèvent contre la colonisation, mais aussi une offensive conséquente contre le mouvement ouvrier syndical, et une tentative de tuer dans l’œuf toute convergence entre mouvement ouvrier et soutien internationaliste au peuple palestinien. Contre la répression, solidarité avec Jean-Paul Delescaut !

  • En Espagne, les « trans non normatifs » soupçonnés de saboter la loi sur la transition de genre
    https://www.lemonde.fr/international/article/2024/03/23/en-espagne-les-trans-non-normatifs-soupconnes-de-saboter-la-loi-sur-la-trans

    Depuis quelques mois, sur les réseaux sociaux espagnols, de plus en plus d’hommes se sont mis à témoigner de leur volonté de changer de genre pour des raisons pratiques. Les uns disent vouloir augmenter leurs chances d’obtenir la garde de leurs enfants, les autres, passer plus facilement les épreuves féminines des concours pour devenir pompier ou officier de police, ou éviter des plaintes pour violence de genre. Leur discours, apparenté à celui du parti d’extrême droite Vox, prompt à attaquer les lois d’égalité entre les sexes ou à s’en prendre aux collectifs LGBTI+, a d’abord été perçu comme une simple provocation.

    Jusqu’à ce que, fin février, une information du quotidien El faro de Ceuta interpelle pour de bon les médias nationaux : depuis l’entrée en vigueur de la « loi pour l’égalité des personnes trans », en mars 2023, 47 personnes ont changé de « sexe » à l’état civil dans l’enclave espagnole située sur la côte marocaine ; parmi celles-ci, 39, principalement des militaires et policiers, ont obtenu un passage d’homme à femme. Les associations LGBTI ont aussitôt évoqué une possible fraude à la loi.

    « Il ne peut pas y avoir de fraude à la loi, puisque la loi se fonde sur l’autoperception et ne contient aucune exigence. Ceux qui mettent en doute la condition de genre que je revendique devraient faire attention : nous avons déjà porté plainte pour transphobie contre la Fédération nationale des gays, lesbiennes et trans, une association woke qui nous reproche de ne pas changer notre apparence », explique, avec le plus grand sérieux, David Peralta, « policière » madrilène de 37 ans, secrétaire et cofondatrice de l’Association des trans non normatifs, dont font partie la plupart des policiers de Ceuta devenus des policières.

    Longtemps réclamée par les personnes transgenres, mais aussi très controversée, notamment au sein du mouvement féministe, la « loi trans » reconnaît le principe de « l’autodétermination de genre ». Toute personne peut faire changer librement, sur simple demande, le « sexe » apparaissant sur ses papiers d’identité. Auparavant, il était nécessaire d’avoir suivi un traitement hormonal durant deux ans et de disposer d’une attestation médicale de dysphorie de genre. Dans le but de « dépathologiser » la transition, il suffit à présent de faire une simple déclaration devant l’état civil, et de la réitérer trois mois plus tard. Depuis mars 2023, 5 139 personnes ont mené à bien cette procédure, soit quatre fois plus qu’en 2022 (1 306). A 63 %, la transition a eu lieu du masculin vers le féminin.

    « Un pays heureux, sans hommes »

    Pour sa part, David a changé de sexe au registre civil il y a six mois, tout en conservant un aspect masculin et son prénom, comme les autres membres de son association. « Nous sommes environ un millier de membres et, à 80 %, des policiers ou des militaires, explique-t-elle, assurant n’avoir tiré aucun bénéfice de son changement de genre. Etre une femme n’apporte aucun avantage une fois dans la police. En revanche, pour y entrer, les épreuves physiques sont beaucoup plus faciles : j’encourage donc tous les candidats à changer de sexe. »

    « Dans toutes les lois, il peut y avoir des fraudes, tente de minimiser Uge Sangil, présidente de la FELGBTI+, la plus grande organisation LGBT d’Espagne. C’est à la justice de poursuivre [les éventuels fraudeurs], en démontrant qu’ils cherchent des bénéfices légaux (…), et une visibilité médiatique pour remettre en question la loi… » Pour l’heure, aucun d’entre eux ne fait l’objet de poursuites.
    Lire aussi : L’Espagne adopte une loi permettant de changer librement de genre dès 16 ans et met en place un congé menstruel, une première en Europe

    Sans ciller, David tient un discours antiféministe à peine déguisé sous l’ironie : « Nous sommes des femmes fortes, libres et autonomes, et nous voulons l’égalité réelle entre hommes et femmes, et que notre parole ne soit plus considérée comme supérieure à celle des hommes devant la loi lorsque nous portons plainte. Notre objectif est de protéger les enfants, notamment de l’amputation génitale dès 16 ans, ainsi que de lutter contre le patriarcat. Pour cela, il suffit que tous les petits garçons changent leur genre pour prendre celui de femme. Nous serons alors un pays heureux, sans hommes. »
    « Une loi absurde »

    « Il est évident que ces hommes cherchent à mettre en évidence les contradictions de la loi trans. Ils jouent à la démolir mais aussi à détruire les politiques publiques en faveur de l’égalité des sexes, regrette la féministe Angeles Alvarez, porte-parole de l’Alliance contre l’effacement des femmes, qui s’est opposée à la loi trans. Le gouvernement leur a donné des munitions avec une loi absurde, fondée sur l’autodéfinition. »

    Après de nombreuses polémiques sur l’administration de bloqueurs d’hormones, la clinique pour adolescents Tavistock, à Londres, fermera ainsi ses portes le 1er avril, et ces traitements ne pourront plus être dispensés aux mineurs dans des hôpitaux publics ; la Suède a aussi reculé sur ces soins, qui ne sont plus dispensés que dans des cas très rares.

    « Je ne pense pas que la fraude à la loi atteigne les 5 % : nous n’allons pas faire de l’exception la règle, a assuré la ministre de l’égalité, Ana Redondo, coupant court au débat. La loi fonctionne et l’immense majorité des changements ont amélioré la vie des personnes en transition. »

    • https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/03/29/des-feministes-suedoises-opposees-a-la-loi-sur-l-autodetermination-de-genre_

      Les organisations féministes suédoises ne cessent de le répéter : elles veulent à tout prix éviter d’opposer la cause des femmes à celles des personnes transgenres. Mais, pour elles, impossible de soutenir la proposition de loi présentée par des députés conservateurs et libéraux qui doit alléger les démarches pour changer de sexe à l’état civil, dont elles craignent qu’elle entraîne un recul des droits des filles et des femmes.

      Soutenu par l’ensemble des partis, à l’exception des Chrétiens-démocrates et de l’extrême droite, le texte vise à moderniser la loi datant de 1972 qui avait fait de la Suède le premier pays au monde à légaliser le changement de sexe à l’état civil. Aujourd’hui, la procédure – réservée aux plus de 18 ans – est la même que celle exigée pour débuter une transition médicale. Il faut d’abord se soumettre à une évaluation psychologique, afin d’obtenir le diagnostic de dysphorie de genre, qui doit encore être confirmé par un comité d’experts au sein de la direction nationale de la santé et des affaires sociales.

      (...) Ces groupes s’alarment notamment du fait que, entre 2007 et 2017, le nombre de jeunes filles de 13 à 17 ans suivies pour une dysphorie de genre a augmenté de 2 300 % en Suède, passant de 31 à 727, avec une forte prévalence chez les ados souffrant d’autisme ou de troubles de l’attention.

      (...) ».

  • Judith Godrèche et Édouard Durand, un même combat contre les violences sexuelles et l’impunité
    https://www.telerama.fr/debats-reportages/judith-godreche-et-edouard-durand-un-meme-combat-contre-les-violences-sexue

    Judith Godrèche et Édouard Durand, un même combat contre les violences sexuelles et l’impunité
    Elle est actrice. Lui, juge des enfants, ex-coprésident de la Ciivise. Ils se rejoignent dans la lutte contre les violences sexuelles. Pour eux, libérer la parole ne suffit pas. Face à l’impunité, il faut des actes. Entretien à deux voix pour “Télérama”.

    https://justpaste.it/erszy

    #CIVIISE #Judith_Godrèche #Édouard_Durand #Cinéma #pédophilie

    Le discours de Judith Godrèche à la cérémonie des Césars 2024 :
    https://justpaste.it/3w1hy
    https://www.youtube.com/watch?v=Pm9h5ntR9Ks

  • Opérations « Place nette » contre le trafic de drogue : des tensions avec les acteurs de terrain
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/03/26/operations-place-nette-contre-le-trafic-de-drogue-des-tensions-avec-les-acte

    Une nouvelle action antistupéfiants, orchestrée par Gérald Darmanin en personne sur le terrain, a été organisée dans le Nord, lundi. Mais le doute sur l’efficacité de ce dispositif gagne une partie des policiers, des parlementaires et des magistrats.

    Le plan de bataille a été scotché sur le capot d’une voiture de police garée dans une rue de Roubaix (Nord) aux façades de brique rouge. Devant un auditoire de gradés et de caméras de télévision, le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, joue au général de campagne, posté devant cette carte de l’agglomération lilloise surmontée du titre : « Opération “Place nette XXL” dans le Nord ». (...)

    Lundi matin, Gérald Darmanin n’a pas eu à partager l’affiche avec le ministre de la justice, Eric Dupond-Moretti, ou Emmanuel Macron, invité de dernière minute à Marseille, le 19 mars. Une façon de reprendre à son compte ce moment politique des « places nettes », qui scande aussi les dernières semaines avant les élections européennes du 9 juin. Le ministre de l’intérieur en a profité pour dévider son argumentaire, notamment son intention de se montrer, grâce à des évolutions législatives, « plus dur avec les consommateurs », qu’il considère « souvent issus de la classe bourgeoise ». En visite à Lyon, vendredi 22 mars, il avait évoqué la possibilité d’autoriser les forces de l’ordre à pratiquer des tests salivaires sur la voie publique afin de verbaliser les consommateurs.

    https://justpaste.it/fy4hw

    #drogues #criminalité #police #communication

  • Dans la Manche, les techniques agressives de la police pour empêcher les traversées de migrants
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/03/23/dans-la-manche-les-techniques-agressives-de-la-police-pour-empecher-les-trav

    Dans la Manche, les techniques agressives de la police pour empêcher les traversées de migrants
    Par Julia Pascual (envoyée spéciale à Calais (Pas-de-Calais) et Loon-Plage (Nord)), Tomas Statius (Lighthouse Reports), Cellule Enquête vidéo et avec la contribution de Fahim Abed, May Bulman et Bashar Deeb (Lighthouse Reports)
    Officiellement, la police a interdiction formelle d’intercepter en mer les embarcations de migrants qui tentent de traverser la Manche. Après plusieurs mois d’enquête, « Le Monde » et ses partenaires de Lighthouse Reports, de « The Observer » et du « Der Spiegel » ont pourtant pu documenter différentes situations où les forces de l’ordre emploient des manœuvres dangereuses à l’encontre de ces « small boats » pourtant déjà à l’eau.
    Il pleut des cordes et la grande tonnelle blanche, sous laquelle plusieurs dizaines de personnes viennent s’abriter, a du mal à supporter le poids de l’eau qui s’accumule. Il est presque 11 heures, dans une zone périphérique de Loon-Plage (Nord), ce mardi 12 mars, à l’entrée de l’un des nombreux campements de personnes migrantes présents depuis des années maintenant sur la commune, voisine de Dunkerque.
    Ziko (les personnes citées par leur prénom ont requis l’anonymat), 16 ans, vivote ici depuis cinq mois. Le jeune Somalien a déjà essayé cinq fois de gagner le Royaume-Uni. A chaque fois en bateau. A chaque fois sans succès. Systématiquement, les policiers sont intervenus pour stopper l’embarcation à bord de laquelle lui et d’autres espéraient traverser la Manche. « A chaque fois, ils ont crevé le bateau », se souvient-il.
    Il y a environ deux semaines de cela, les policiers ont fait une manœuvre au large de la plage de Gravelines (Nord) que le jeune homme n’est pas près d’oublier. Les fonctionnaires ont fait obstacle au canot alors qu’il était déjà en mer. « On était à plusieurs dizaines de mètres des côtes quand un bateau pneumatique avec cinq ou six policiers s’est approché et a crevé notre embarcation. » Ziko rapporte que lui et la cinquantaine de passagers sont tous tombés à l’eau. « J’avais de l’eau jusqu’à la poitrine, c’était très dangereux. Il y avait des enfants qui étaient portés à bout de bras par des adultes pour ne pas se noyer. »
    De ses cinq tentatives de traversée, c’est la seule au cours de laquelle le bateau de Ziko a été crevé en mer. Son témoignage, rare, vient percuter la version officielle livrée par les autorités depuis 2018 et l’explosion du phénomène des small boats, ces petites embarcations de migrants dont le but est de rejoindre le Royaume-Uni. Officiellement, la police a interdiction formelle d’intervenir lorsque les small boats sont déjà en mer. Dans une directive à diffusion restreinte du 10 novembre 2022, le préfet maritime de la Manche et de la mer du Nord, Marc Véran, rappelait que « le cadre de l’action des moyens agissant en mer (…) y compris dans la bande littorale des 300 mètres (…) est celui de la recherche et du sauvetage en mer » et « ne permet pas de mener des actions coercitives de lutte contre l’immigration clandestine ».
    Et ce, en dépit de la pression constante sur le littoral : alors que moins de 2 000 personnes ont traversé la Manche en 2019, elles étaient plus de 45 000 en 2022 et près de 30 000 en 2023. Un phénomène qui est devenu un irritant majeur dans la relation franco-britannique.Au terme de plusieurs mois d’enquête, Le Monde, ses partenaires du collectif de journalistes Lighthouse Reports, du journal britannique The Observer et de l’hebdomadaire allemand Der Spiegel ont pourtant pu documenter différentes situations, parfois filmées, où des tactiques agressives similaires à celles que dénonce Ziko ont été employées depuis juillet 2023. D’après nos informations, elles sont même comptabilisées par le ministère de l’intérieur sous la dénomination explicite d’« interceptions en mer ». Des données d’une sensibilité telle qu’elles ne font l’objet d’aucune publicité.D’autres que Ziko en témoignent. La Défenseure des droits explique au Monde que quatre saisines sont en cours d’investigation portant sur des interceptions en mer en 2022 et 2023. Par ailleurs, l’inspection générale de la police nationale est saisie depuis l’automne 2023 d’une enquête préliminaire à la suite d’un signalement au parquet de Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais) effectué par Rémi Vandeplanque, un garde-côte douanier et représentant du syndicat Solidaires.
    Ce dernier rapporte que, le 11 août 2023, au petit matin, un gendarme aurait demandé à un membre d’équipage de la Société nationale de sauvetage en mer (SNSM) de l’aider à percer un bateau au large de la plage de Berck-sur-Mer (Pas-de-Calais) avec une dizaine de personnes à son bord. Une action que le sauveteur a refusé d’effectuer, tout en avisant le centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage (Cross) de Gris-Nez (Pas-de-Calais).
    L’échange a été entendu sur l’un des canaux radio utilisés par le Cross. « En tant que policier, on ne peut pas agir d’une manière qui met la vie d’autrui en danger, affirme Rémi Vandeplanque. On doit respecter les règles. » Sollicitée, la préfecture maritime de la Manche et de la mer du Nord assure que, « si elle est avérée, cette initiative ne pourrait être qu’une initiative individuelle de la personne en question et inappropriée ».
    Rares sont les images qui documentent ces pratiques, mais une vidéo inédite que nous nous sommes procurée, datée du 9 octobre 2023, montre un semi-rigide de la police nationale tourner autour d’un small boat dans le port de Dunkerque en créant à dessein des vagues qui déstabilisent la petite embarcation. A bord se trouvent pourtant une trentaine de passagers. Une partie d’entre eux se tient sur le boudin du canot. De l’eau entre dans l’embarcation au point que ceux assis au milieu sont immergés jusqu’aux genoux. Le policier semble ensuite dire aux occupants du petit bateau de retourner sur le bord. Les migrants seront finalement débarqués sains et saufs. Une manœuvre dangereuse, jugent plusieurs experts maritimes, d’autant que, en cas de chavirement, les embarcations légères des forces de l’ordre ne sont pas dimensionnées pour conduire des opérations de sauvetage. « Cette vidéo m’a choqué, raconte Kevin Saunders, ancien officier de la Border Force britannique en poste à Calais jusqu’en 2016 et connu pour ses positions extrêmement critiques à l’égard de l’immigration. Elle me rappelle ce que les Grecs faisaient à la frontière maritime avec la Turquie. Je suis surpris que les Français fassent cela parce que c’est contraire à leur interprétation du droit de la mer. »
    « Les Français sont poussés à jouer le même rôle dans la Manche que celui que l’Union européenne offre aux pays africains. Paris reçoit beaucoup d’argent des Anglais pour empêcher les migrants de partir ou les arrêter en mer », renchérit de son côté le politiste autrichien Gerald Knaus, architecte de l’accord de lutte contre l’immigration irrégulière entre l’Union européenne et la Turquie, faisant référence à la pression grandissante des autorités britanniques.De son côté, la préfecture de la zone de défense et de sécurité Nord relativise : « On était en journée, dans une enceinte portuaire. Le but de l’intervention est de dissuader les passagers de s’approcher de la digue du Braek [qui mène à la mer du Nord]. C’est la seule fois où on a pu intercepter un small boat par cette manœuvre et ça a été dissuasif. Toutes les personnes migrantes ont été sauvées et les passeurs interpellés. »
    Dans une seconde vidéo, diffusée sur le réseau social TikTok en juillet 2023, un semi-rigide appartenant à la vedette de gendarmerie maritime Aber-Ildut, déployée depuis 2022 dans la Manche, est filmé en train de percuter à deux reprises une embarcation de migrants à pleine vitesse, au large des côtes de Boulogne-sur-Mer. Trois gendarmes sont à bord. L’un d’entre eux brandit une bombe de gaz lacrymogène en direction du small boat et intime à ses passagers de s’arrêter. Une pratique, encore une fois, contraire au cadre opérationnel français.
    « Refusant le contrôle coopérant, aucune action de coercition n’a été réalisée et cette embarcation a librement poursuivi sa route, précise la préfecture maritime, interrogée sur cette action. Le nombre de ces contrôles reste très modeste, aucun naufrage, blessé ou procédure non conforme n’a été signalé. »D’autres témoignages, recueillis auprès de migrants à Calais (Pas-de-Calais) ou à Loon-Plage, décrivent des tentatives de traversées empêchées par des forces de l’ordre, qui s’avancent dans l’eau, jusqu’aux épaules parfois, pour crever des bateaux bondés de passagers. « A aucun moment de telles consignes ne sont données ni même suggérées aux équipes coordonnées, assure pourtant la préfecture maritime, bien au contraire, la préservation de la vie humaine en mer est le seul credo qui vaille. »
    La lutte contre l’immigration irrégulière franchit-elle la ligne rouge ? Le 10 mars 2023, une grappe de journalistes trépignent dans la cour de l’Elysée balayée par un vent hivernal. Tous attendent la poignée de main entre le chef de l’Etat, Emmanuel Macron, et le premier ministre britannique, Rishi Sunak, sur le perron du palais présidentiel. C’est le premier sommet bilatéral entre les deux pays depuis cinq ans. Le rapprochement qui doit être mis en scène ce jour-là va s’incarner sur un sujet : l’immigration. Londres annonce le versement sur trois ans de 543 millions d’euros à la France pour « stopper davantage de bateaux », au titre du traité de Sandhurst de 2018.
    Cet argent va permettre de financer le déploiement de réservistes et l’installation de barrières et de caméras de vidéosurveillance sur la Côte d’Opale, mais aussi la surveillance aérienne du littoral ou encore l’équipement des forces de l’ordre en drones, jumelles à vision nocturne ou semi-rigides, comme celui que l’on voit à l’œuvre dans la vidéo prise dans le port de Dunkerque. Une tranche importante d’une centaine de millions d’euros est aussi dévolue à des projets immobiliers tels que la création d’un centre de rétention administrative vers Dunkerque ou d’un lieu de cantonnement pour les CRS à Calais. Désormais, plus de 700 policiers et gendarmes sillonnent vingt-quatre heures sur vingt-quatre heures les 150 kilomètres de littoral.
    Il n’est pas question ici de sauvetage en mer, au grand dam de certains opérateurs qui verraient bien leur flotte renouvelée alors que les naufrages d’embarcations sont récurrents et mettent à rude épreuve les équipages. Ainsi la SNSM a échoué à plusieurs reprises à bénéficier des fonds Sandhurst, « parce que son action n’est pas assimilable à de la lutte contre l’immigration illégale », justifie à regret un cadre de l’association dans un document que nous avons pu consulter.
    L’enveloppe d’un demi-milliard d’euros débloquée par les Britanniques en 2023 constitue, de l’aveu de plusieurs sources au ministère de l’intérieur, un tournant. « Cela a vraiment contractualisé la relation entre les deux pays, rapporte un cadre de la Place Beauvau, sous le couvert de l’anonymat. Les Anglais se comportent avec nous comme nous on le ferait avec un pays tiers. Ils mettent une pression énorme au quotidien sur le déblocage des crédits, si les chiffres ne s’améliorent pas. C’est non-stop et à tous les niveaux. »Déjà présents au sein d’un centre conjoint d’information et de coordination franco-britannique ainsi que dans une unité de renseignement à Coquelles (Pas-de-Calais), des officiers de liaison britanniques de la Border Force participent aussi, officiellement comme simples observateurs, à la réunion hebdomadaire de l’état-major de lutte contre l’immigration clandestine. « Ils sont extrêmement intrusifs, mais ils connaissent bien la zone, ils savent où on contrôle bien, où on est en difficulté », affirme un cadre de la gendarmerie.
    Pour tarir les flux de migrants, les Britanniques ne manquent pas d’idées. En octobre 2020, le gouvernement conservateur de Boris Johnson disait réfléchir à installer des machines à vagues pour repousser les small boats. En août 2021, la ministre britannique de l’intérieur d’alors, Priti Patel, est revenue enthousiasmée d’une visite en Grèce où elle avait effectué des patrouilles avec les gardes-côtes helléniques en mer Egée, l’une des portes d’entrée en Europe. « Elle a dit que nous devrions apprendre des Grecs, se souvient une source au Home Office. Ils étaient très agressifs, avaient un bon taux de détection. » Et ont, à de nombreuses reprises, fait l’objet d’accusations de refoulements illégaux de demandeurs d’asile vers la Turquie.Toutes ces idées sont partagées avec la France lors de réunions bilatérales. « Pour les Britanniques, il fallait attraper les bateaux en mer. Ils le disaient de façon par moment insistante, lâche un haut fonctionnaire du ministère de l’intérieur, en poste jusqu’à fin 2020. Ils nous ont même expliqué comment faire, par exemple en lançant des grappins ou des filets. » A la préfecture de la zone de défense et de sécurité Nord, on reconnaît que « de nouvelles techniques sont essayées en permanence », à l’image de celle qui consiste à paralyser l’hélice d’un bateau de migrants à l’aide de filets.
    Mais « cela n’a pas été concluant », assure-t-on. « Notre stratégie, ça a été plutôt de dire qu’il fallait une forte présence sur les plages et empêcher les livraisons de bateaux, corrobore un ancien directeur de la police aux frontières. En mer, on porte secours aux personnes, on ne les intercepte pas. » D’autres croient que ce qui a freiné les autorités tient plutôt à des contingences matérielles : « Il n’y avait pas de moyens nautiques pour cela », assure l’ancien haut fonctionnaire du ministère de l’intérieur.
    L’ampleur du phénomène des traversées persistant, les digues ont-elles sauté ? Les manœuvres en mer des forces de l’ordre « se comptent sur les doigts d’une main », balaye une source au ministère de l’intérieur.Le 10 mars 2023, tandis qu’Emmanuel Macron et Rishi Sunak enterrent à l’Elysée des années de brouille diplomatique, le préfet maritime Véran signe une nouvelle directive à diffusion restreinte. Elle précise le cadre de certaines manœuvres opérationnelles face à l’apparition du phénomène des taxis boats, ces embarcations qui longent la côte et récupèrent les migrants directement à l’eau pour éviter les interceptions sur les plages. La directive ouvre la voie à l’interception de small boats en mer par les forces de sécurité intérieure, à condition d’opérer « uniquement de jour », dans la bande côtière de 200 mètres de littoral, avant que le taxi boat n’embarque des passagers et dans le cas où « moins de trois personnes » seraient à bord. (....)

    #Covid-19#migrant#migration#france#royaumeuni#manche#traversee#smallboat#mortalite#frontiere#migrationirreguliere#taxiboat#SNSM#CROSS#PREMAR#sauvetage#sante#traversee

  • Sink the Boats

    The UK government is paying France to ‘Stop the Boats’. Now first-time footage reveals French police have violently intercepted dinghies sailing for Britain, risking the lives of people on board

    For decades, people have tried to reach the UK from northern France in order to claim asylum in Britain. With tightened security at French ports making it harder for stowaways, tens of thousands of people have crossed the English Channel in rubber dinghies, prompting the British government to make stopping the boats one of its top priorities.

    Last year, the UK announced that it would allocate nearly £500m to France over three years to prevent boats from leaving its shores.

    The British government has repeatedly pressured France to intercept the boats at sea. France has previously refused on the basis that it would place lives at risk.

    But in collaboration with Le Monde, The Observer and Der Spiegel, Lighthouse Reports can reveal that French police officers have carried out so-called “pullbacks” in the Channel, in moves experts say mirror the deadly and illegal tactics used in the Aegean and the Central Mediterranean by the Greek and Libyan coast guards.

    We’ve established through sources that the patrol boat used by the French police to carry out at least one of these dangerous manoeuvres was funded by the British.

    Meanwhile, over the last two years there has been a sharp increase in the number of drownings in the sea off northern France where most of the pullbacks have taken place.
    METHODS

    We obtained previously unseen footage, leaked documents and witness testimony showing French police have used aggressive methods to intercept migrant vessels at sea, including circling a small boat, causing waves to flood it; ramming into a small boat while threatening passengers with pepper spray; and puncturing boats while they are already at sea, forcing people to swim back to shore. We were able to geolocate the videos to confirm their veracity.

    We showed the videos to a number of maritime experts, UK Border Force officers and French coast guards, who said the tactics would have clearly endangered the lives of those on board and appeared to be illegal. Leaked maritime documents helped us to establish that these types of interceptions at sea are not compatible with French law.

    We then obtained an additional crucial piece of evidence: a complaint filed by a coast guard officer to the prosecutor about an incident in which French police officers had ordered a National Society of Sea Rescues (SNSM) crew to puncture a migrant dinghy that had already set sail despite the risk of drowning being “obvious and imminent”.

    To find out whether these interceptions were happening on a wider scale, we travelled to Northern France to speak to people on the ground trying to reach the UK in boats. A number of people described having their dinghies slashed by police once they had already set sail.

    We were able to link the hundreds of millions of pounds provided by Britain to France with these tactics when sources confirmed that police patrol vessels, including the exact vessel seen in one of the videos, had been bought by the French with funding provided by the British government.

    An analysis of data by charity Alarm Phone meanwhile showed a sharp increase in the number of people known to have drowned within the vicinity of the French coastline, where most of the pullbacks we documented took place – with one in 2022 compared to five already this year.
    STORYLINES

    We met Satinder* from Punjab, a predominantly Sikh region in northern India, in Calais.

    Five days earlier, he and two friends had tried to make it to Britain by boat. The dinghy was overcrowded with around 46 people, mainly Indians and Afghans, on board. “We sailed for around 10 minutes at dawn without a hitch in an overloaded boat,” he said. “Then a boat came. It was a gendarmerie boat, they had uniforms. They said: ‘Stop the boat’.

    “They went around the boat like in a circle and then they stabbed the boat and left. We had to swim for about 10 minutes […] We nearly died.”

    The two friends Satinder was with in the boat gave matching accounts. We spoke to four other people who recounted similar stories on different occasions.

    “It reminds me of the Greek and Turkish coast guards,” said French customs coast guard Rémi Vandeplanque.”And that’s shameful for the French. If the police continue to use such tactics, there is likely to be a death at some point.”

    https://www.lighthousereports.com/investigation/sink-the-boats
    #Manche #La_Manche #migrations #réfugiés #sauvetages #UK #Angleterre #France #stop_the_boats #externalisation #enquête #contre-enquête #pull-backs #financement #mourir_aux_Frontières #morts_aux_frontières

    • Revealed: UK-funded French forces putting migrants’ lives at risk with small-boat tactics

      Exclusive: newly obtained footage and leaked documents show how a ‘mass casualty event’ could arise from aggressive tactics employed by border forces

      French police funded by the UK government have endangered the lives of vulnerable migrants by intercepting small boats in the Channel, using tactics that search and rescue experts say could cause a “mass casualty event”.

      Shocking new evidence obtained by the Observer, Lighthouse Reports, Le Monde and Der Spiegel reveals for the first time that the French maritime police have tried physically to force small boats to turn around – manoeuvres known as “pullbacks” – in an attempt to prevent them reaching British shores.

      Newly obtained footage, leaked documents and witness testimonies show that the French authorities have used aggressive tactics including circling a migrant boat, causing waves to flood the dinghy; ramming into a small boat while threatening passengers with a large tank of pepper spray; and puncturing boats when they are already at sea, forcing migrants to swim back to shore.

      The French authorities have previously refused the UK’s requests for them to carry out interceptions at sea, stating that they contravened international maritime law. But evidence indicates there has been an escalation in the use of these tactics since last summer.

      Rishi Sunak has pledged to “stop the boats” crossing the Channel and has promised hundreds of millions of pounds to France to pay for more surveillance and border guards to prevent people making the journey. Last Wednesday the government’s safety of Rwanda (asylum and immigration) bill suffered several defeats in the House of Lords, delaying the prime minister’s plan to see flights for Kigali take off until after Easter.

      Ministers claim that the bill will act as a deterrent to all those crossing the Channel from northern France to the UK. In the first video obtained and verified for this investigation, a police boat in Dunkirk harbour circles close to a dinghy holding about 25 people, creating a wake that floods the boat.

      The police vessel is seen advancing towards the dinghy at speed, before turning sharply to create waves, circling and coming back again. Migrants are seen wearing foam-packed lifejackets and attempting to bale water out using their shoes.

      Sources confirmed that the police patrol vessel used to carry out the manoeuvre seen in the video was bought by the French authorities with funding provided by the UK government under the “Sandhurst treaty”, a bilateral border security deal signed at the royal military academy in 2018.

      “This is a textbook pushback – exactly the same as we see in Greece,” said one search and rescue expert who was shown the footage. “That one manoeuvre alone could cause a mass casualty event. The water is deep enough to drown in. I’ve seen this in the central Mediterranean many times, but this is the first time I’ve ever seen anything like this happening in the Channel.”

      Previous evidence has shown how the Greek coastguard has forced boats carrying migrants back into Turkish waters in the Aegean Sea, in some cases by manoeuvring around them at high speed to create waves.

      Two senior UK Border Force sources confirmed that the tactic could lead to multiple deaths and injuries. “If the blades [of the French boat] make contact with the vessel, it will slash right through it,” said one operational Border Force official.

      “The other thing is a collision. The weight and the force of that vessel could ride straight over the top of the rib. It would knock the passengers out, knock them unconscious and into the water. It could potentially lead to death. I can’t believe any mariner could condone that.”

      Maritime experts added that they would be “very surprised” if Border Force and HM Coastguard were not aware of these tactics being used, with one adding: “One hundred per cent, someone high up will definitely be aware of this.”

      In a second video, members of the French gendarmerie drive alongside a dinghy in a speedboat about 12 miles from the French coast, threatening to use a large tank of pepper spray against a boat carrying migrants. They then proceed to ram their vessel into the dinghy. “They don’t even know who’s on board – whether there’s someone asthmatic that you’re using pepper spray against, or pregnant women,” said a Border Force official. “That could really harm people.”

      In evidence of a third attempted pullback, a complaint filed by a member of the French customs coastguard to the public prosecutor in Boulogne-sur-Mer alleges that on 11 August 2023 police officers ordered a National Society of Sea Rescues (SNSM) crew to puncture a small boat that had already set sail. In an email seen by this investigation, the complainant, Rémi Vandeplanque, states that the SNSM crew “obviously refused” to do this, adding that the risk of drowning if they had done so was “obvious and imminent”.

      Testimony from several sources who boarded small boats bound for the UK supports the claims that French police have used such tactics. “There were four of them [French gendarmes] on the boat,” said one man, who was from India. “They went round the boat in a circle and then they stabbed the boat and left. We had to swim for about 10 minutes … We nearly died.” On 9 February 2024, the man lodged a complaint with the French human rights ombudsman. The incident is under investigation.

      Sources within France’s interior ministry have described the UK government’s “enormous pressure on a daily basis” for the French maritime police to prevent small boat departures, with one French civil servant describing the pressure as “intense” and “nonstop”.

      Another senior civil servant, who was in post until the end of 2020, added: “As far as the British were concerned, the boats had to be caught at sea. They sometimes insisted on it.”

      In September last year, then immigration minister Robert Jenrick said in the House of Commons that “there is clearly more that we need the French to do for us”, pointing to a recent trip to Belgium, where he said the authorities had “been willing to intercept in the water small boats leaving its shores”. He added: “That has proven decisive. Small boats from Belgian waters are now extremely rare, so that is an approach that we encourage the French to follow.”

      In August 2021, during a visit to the Greek island of Samos, then home secretary Priti Patel went out on patrol with the Greek coastguard, which is known for its use of aggressive pushbacks in the Aegean.

      “She came back invigorated,” said a Home Office source with knowledge of the trip. “They were very aggressive, had a good success rate of detection and were swift in how they processed them [asylum seekers]. She liked their posturing of ‘protecting borders’ and working with the military, though there was recognition that a lot of this wouldn’t be lawful in the UK.”

      Britain has allocated more than £700m to France to prevent irregular migration since 2014.

      At a summit in March 2023, Sunak announced that Britain would give France £500m over three years to fund additional border guards and a new detention facility, as well as video surveillance cameras, drones and night-vision binoculars, among other equipment.

      The package was, according to several sources at the French interior ministry, a turning point. “This has really put the relationship between the two countries on a contractual footing,” said one senior official.

      Last month the UK signed a working agreement with the European border agency Frontex to bolster intelligence sharing and deploy UK Border Force officials to coordinate the Channel response.

      When contacted by this investigation, the prefecture for the north of France confirmed that a police boat had circled a dinghy and that the aim of the intervention was to “dissuade passengers” from approaching the open sea, adding: “It’s the only time we’ve been able to intercept a small boat using this manoeuvre and it was a deterrent. All the migrants were recovered and the smugglers arrested.”

      A Home Office spokesperson said: “An unacceptable number of people are crossing the Channel and we will do whatever is necessary to end these perilous and fatal journeys. We remain committed to building on the successes that saw arrivals drop by more than a third last year.

      “Not only have we introduced tougher legislation and agreements with international partners, but we continue to work closely with our French counterparts, who are working tirelessly to save lives and stop the boats.”

      https://www.theguardian.com/uk-news/2024/mar/23/uk-funding-french-migrants-small-boat-border-forces

    • Dans la Manche, les techniques agressives de la police pour empêcher les traversées de migrants

      Officiellement, la police a interdiction formelle d’intercepter en mer les embarcations de migrants qui tentent de traverser la Manche. Après plusieurs mois d’enquête, « Le Monde » et ses partenaires de Lighthouse Reports, de « The Observer » et du « Der Spiegel » ont pourtant pu documenter différentes situations où les forces de l’ordre emploient des manœuvres dangereuses à l’encontre de ces « small boats » pourtant déjà à l’eau.

      Il pleut des cordes et la grande tonnelle blanche, sous laquelle plusieurs dizaines de personnes viennent s’abriter, a du mal à supporter le poids de l’eau qui s’accumule. Il est presque 11 heures, dans une zone périphérique de Loon-Plage Nord), ce mardi 12 mars, à l’entrée de l’un des nombreux campements de personnes migrantes présents depuis des années maintenant sur la commune, voisine de Dunkerque.

      Ziko (les personnes citées par leur prénom ont requis l’anonymat), 16 ans, vivote ici depuis cinq mois. Le jeune Somalien a déjà essayé cinq fois de gagner le Royaume-Uni. A chaque fois en bateau. A chaque fois sans succès. Systématiquement, les policiers sont intervenus pour stopper l’embarcation à bord de laquelle lui et d’autres espéraient traverser la Manche. « A chaque fois, ils ont crevé le bateau », se souvient-il.

      Il y a environ deux semaines de cela, les policiers ont fait une manœuvre au large de la plage de Gravelines (Nord) que le jeune homme n’est pas près d’oublier. Les fonctionnaires ont fait obstacle au canot alors qu’il était déjà en mer. « On était à plusieurs dizaines de mètres des côtes quand un bateau pneumatique avec cinq ou six policiers s’est approché et a crevé notre embarcation. » Ziko rapporte que lui et la cinquantaine de passagers sont tous tombés à l’eau. « J’avais de l’eau jusqu’à la poitrine, c’était très dangereux. Il y avait des enfants qui étaient portés à bout de bras par des adultes pour ne pas se noyer. »

      De ses cinq tentatives de traversée, c’est la seule au cours de laquelle le bateau de Ziko a été crevé en mer. Son témoignage, rare, vient percuter la version officielle livrée par les autorités depuis 2018 et l’explosion du phénomène des small boats, ces petites embarcations de migrants dont le but est de rejoindre le Royaume-Uni. Officiellement, la police a interdiction formelle d’intervenir lorsque les small boats sont déjà en mer. Dans une directive à diffusion restreinte du 10 novembre 2022, le préfet maritime de la Manche et de la mer du Nord, Marc Véran, rappelait que « le cadre de l’action des moyens agissant en mer (…) y compris dans la bande littorale des 300 mètres (…) est celui de la recherche et du sauvetage en mer » et « ne permet pas de mener des actions coercitives de lutte contre l’immigration clandestine ».

      Et ce, en dépit de la pression constante sur le littoral : alors que moins de 2 000 personnes ont traversé la Manche en 2019, elles étaient plus de 45 000 en 2022 et près de 30 000 en 2023. Un phénomène qui est devenu un irritant majeur dans la relation franco-britannique.

      Manœuvre dangereuse

      Au terme de plusieurs mois d’enquête, Le Monde, ses partenaires du collectif de journalistes Lighthouse Reports, du journal britannique The Observer et de l’hebdomadaire allemand Der Spiegel ont pourtant pu documenter différentes situations, parfois filmées, où des tactiques agressives similaires à celles que dénonce Ziko ont été employées depuis juillet 2023. D’après nos informations, elles sont même comptabilisées par le ministère de l’intérieur sous la dénomination explicite d’« interceptions en mer ». Des données d’une sensibilité telle qu’elles ne font l’objet d’aucune publicité.

      D’autres que Ziko en témoignent. La Défenseure des droits explique au Monde que quatre saisines sont en cours d’investigation portant sur des interceptions en mer en 2022 et 2023. Par ailleurs, l’inspection générale de la police nationale est saisie depuis l’automne 2023 d’une enquête préliminaire à la suite d’un signalement au parquet de Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais) effectué par Rémi Vandeplanque, un garde-côte douanier et représentant du syndicat Solidaires.

      Ce dernier rapporte que, le 11 août 2023, au petit matin, un gendarme aurait demandé à un membre d’équipage de la Société nationale de sauvetage en mer (SNSM) de l’aider à percer un bateau au large de la plage de Berck-sur-Mer (Pas-de-Calais) avec une dizaine de personnes à son bord. Une manœuvre dangereuse que le sauveteur a refusé d’effectuer, tout en avisant le centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage (Cross) de Gris-Nez (Pas-de-Calais).

      L’échange a été entendu sur l’un des canaux radio utilisés par le Cross. « En tant que policier, on ne peut pas agir d’une manière qui met la vie d’autrui en danger, affirme Rémi Vandeplanque. On doit respecter les règles. » Sollicitée, la préfecture maritime de la Manche et de la mer du Nord assure que, « si elle est avérée, cette initiative ne pourrait être qu’une initiative individuelle de la personne en question et inappropriée ».

      Rares sont les images qui documentent ces pratiques, mais une vidéo inédite que nous nous sommes procurée, datée du 9 octobre 2023, montre un semi-rigide de la police nationale tourner autour d’un small boat dans le port de Dunkerque en créant à dessein des vagues qui déstabilisent la petite embarcation. A bord se trouvent pourtant une trentaine de passagers. Une partie d’entre eux se tient sur le boudin du canot. De l’eau entre dans l’embarcation au point que ceux assis au milieu sont immergés jusqu’aux genoux. Le policier semble ensuite dire aux occupants du petit bateau de retourner sur le bord. Les migrants seront finalement débarqués sains et saufs.

      Une manœuvre dangereuse, jugent plusieurs experts maritimes, d’autant que, en cas de chavirement, les embarcations légères des forces de l’ordre ne sont pas dimensionnées pour conduire des opérations de sauvetage. « Cette vidéo m’a choqué, raconte Kevin Saunders, ancien officier de la Border Force britannique en poste à Calais jusqu’en 2016 et connu pour ses positions extrêmement critiques à l’égard de l’immigration. Elle me rappelle ce que les Grecs faisaient à la frontière maritime avec la Turquie. Je suis surpris que les Français fassent cela parce que c’est contraire à leur interprétation du droit de la mer. »

      « Les Français sont poussés à jouer le même rôle dans la Manche que celui que l’Union européenne offre aux pays africains. Paris reçoit beaucoup d’argent des Anglais pour empêcher les migrants de partir ou les arrêter en mer », renchérit de son côté le politiste autrichien Gerald Knaus, architecte de l’accord de lutte contre l’immigration irrégulière entre l’Union européenne et la Turquie, faisant référence à la pression grandissante des autorités britanniques.

      Crever des bateaux bondés

      De son côté, la préfecture de la zone de défense et de sécurité Nord relativise : « On était en journée, dans une enceinte portuaire. Le but de l’intervention est de dissuader les passagers de s’approcher de la digue du Braek [qui mène à la mer du Nord]. C’est la seule fois où on a pu intercepter un small boat par cette manœuvre et ça a été dissuasif. Toutes les personnes migrantes ont été sauvées et les passeurs interpellés. »

      Dans une seconde vidéo, diffusée sur le réseau social TikTok en juillet 2023, un semi-rigide appartenant à la vedette de gendarmerie maritime Aber-Ildut, déployée depuis 2022 dans la Manche, est filmé en train de percuter à deux reprises une embarcation de migrants à pleine vitesse, au large des côtes de Boulogne-sur-Mer. Trois gendarmes sont à bord. L’un d’entre eux brandit une bombe de gaz lacrymogène en direction du small boat et intime à ses passagers de s’arrêter. Une pratique, encore une fois, contraire au cadre opérationnel français.

      « Refusant le contrôle coopérant, aucune action de coercition n’a été réalisée et cette embarcation a librement poursuivi sa route, précise la préfecture maritime, interrogée sur cette action. Le nombre de ces contrôles reste très modeste, aucun naufrage, blessé ou procédure non conforme n’a été signalé. »

      D’autres témoignages, recueillis auprès de migrants à Calais (Pas-de-Calais) ou à Loon-Plage, décrivent des tentatives de traversées empêchées par des forces de l’ordre, qui s’avancent dans l’eau, jusqu’aux épaules parfois, pour crever des bateaux bondés de passagers. « A aucun moment de telles consignes ne sont données ni même suggérées aux équipes coordonnées, assure pourtant la préfecture maritime, bien au contraire, la préservation de la vie humaine en mer est le seul credo qui vaille. »

      La lutte contre l’immigration irrégulière franchit-elle la ligne rouge ? Le 10 mars 2023, une grappe de journalistes trépignent dans la cour de l’Elysée balayée par un vent hivernal. Tous attendent la poignée de main entre le chef de l’Etat, Emmanuel Macron, et le premier ministre britannique, Rishi Sunak, sur le perron du palais présidentiel. C’est le premier sommet bilatéral entre les deux pays depuis cinq ans. Le rapprochement qui doit être mis en scène ce jour-là va s’incarner sur un sujet : l’immigration. Londres annonce le versement sur trois ans de 543 millions d’euros à la France pour « stopper davantage de bateaux », au titre du traité de Sandhurst de 2018.

      Cet argent va permettre de financer le déploiement de réservistes et l’installation de barrières et de caméras de vidéosurveillance sur la Côte d’Opale, mais aussi la surveillance aérienne du littoral ou encore l’équipement des forces de l’ordre en drones, jumelles à vision nocturne ou semi-rigides, comme celui que l’on voit à l’œuvre dans la vidéo prise dans le port de Dunkerque. Une tranche importante d’une centaine de millions d’euros est aussi dévolue à des projets immobiliers tels que la création d’un centre de rétention administrative vers Dunkerque ou d’un lieu de cantonnement pour les CRS à Calais. Désormais, plus de 700 policiers et gendarmes sillonnent vingt-quatre heures sur vingt-quatre heures les 150 kilomètres de littoral.

      « Pression énorme » des Britanniques

      Il n’est pas question ici de sauvetage en mer, au grand dam de certains opérateurs qui verraient bien leur flotte renouvelée alors que les naufrages d’embarcations sont récurrents et mettent à rude épreuve les équipages. Ainsi la SNSM a échoué à plusieurs reprises à bénéficier des fonds Sandhurst, « parce que son action n’est pas assimilable à de la lutte contre l’immigration illégale », justifie à regret un cadre de l’association dans un document que nous avons pu consulter.

      L’enveloppe d’un demi-milliard d’euros débloquée par les Britanniques en 2023 constitue, de l’aveu de plusieurs sources au ministère de l’intérieur, un tournant. « Cela a vraiment contractualisé la relation entre les deux pays, rapporte un cadre de la Place Beauvau, sous le couvert de l’anonymat. Les Anglais se comportent avec nous comme nous on le ferait avec un pays tiers. Ils mettent une pression énorme au quotidien sur le déblocage des crédits, si les chiffres ne s’améliorent pas. C’est non-stop et à tous les niveaux. »

      Déjà présents au sein d’un centre conjoint d’information et de coordination franco-britannique ainsi que dans une unité de renseignement à Coquelles (Pas-de-Calais), des officiers de liaison britanniques de la Border Force participent aussi, officiellement comme simples observateurs, à la réunion hebdomadaire de l’état-major de lutte contre l’immigration clandestine. « Ils sont extrêmement intrusifs, mais ils connaissent bien la zone, ils savent où on contrôle bien, où on est en difficulté », affirme un cadre de la gendarmerie.

      Pour tarir les flux de migrants, les Britanniques ne manquent pas d’idées. En octobre 2020, le gouvernement conservateur de Boris Johnson disait réfléchir à installer des machines à vagues pour repousser les small boats. En août 2021, la ministre britannique de l’intérieur d’alors, Priti Patel, est revenue enthousiasmée d’une visite en Grèce où elle a effectué des patrouilles avec les gardes-côtes helléniques en mer Egée, l’une des portes d’entrée en Europe. « Elle a dit que nous devrions apprendre des Grecs, se souvient une source au Home Office. Ils étaient très agressifs, avaient un bon taux de détection. » Et ont, à de nombreuses reprises, fait l’objet d’accusations de refoulements illégaux de demandeurs d’asile vers la Turquie.

      Toutes ces idées sont partagées avec la France lors de réunions bilatérales. « Pour les Britanniques, il fallait attraper les bateaux en mer. Ils le disaient de façon par moment insistante, lâche un haut fonctionnaire du ministère de l’intérieur, en poste jusqu’à fin 2020. Ils nous ont même expliqué comment faire, par exemple en lançant des grappins ou des filets. » A la préfecture de la zone de défense et de sécurité Nord, on reconnaît que « de nouvelles techniques sont essayées en permanence », à l’image de celle qui consiste à paralyser l’hélice d’un bateau de migrants à l’aide de filets.

      Mais « cela n’a pas été concluant », assure-t-on. « Notre stratégie, ça a été plutôt de dire qu’il fallait une forte présence sur les plages et empêcher les livraisons de bateaux, corrobore un ancien directeur de la police aux frontières. En mer, on porte secours aux personnes, on ne les intercepte pas. » D’autres croient que ce qui a freiné les autorités tient plutôt à des contingences matérielles : « Il n’y avait pas de moyens nautiques pour cela », assure l’ancien haut fonctionnaire du ministère de l’intérieur.

      Vingt-quatre noyades depuis 2023

      L’ampleur du phénomène des traversées persistant, les digues ont-elles sauté ? Les manœuvres en mer des forces de l’ordre « se comptent sur les doigts d’une main », balaye une source au ministère de l’intérieur.

      Le 10 mars 2023, tandis qu’Emmanuel Macron et Rishi Sunak enterrent à l’Elysée des années de brouille diplomatique, le préfet maritime Véran signe une nouvelle directive à diffusion restreinte. Elle précise le cadre de certaines manœuvres opérationnelles face à l’apparition du phénomène des taxis boats, ces embarcations qui longent la côte et récupèrent les migrants directement à l’eau pour éviter les interceptions sur les plages. La directive ouvre la voie à l’interception de small boats en mer par les forces de sécurité intérieure, à condition d’opérer « uniquement de jour », dans la bande côtière de 200 mètres de littoral, avant que le taxi boat n’embarque des passagers et dans le cas où « moins de trois personnes » seraient à bord.

      L’intervention est conditionnée, explique le vice-amiral, au comportement coopératif des occupants du bateau, mais aussi à l’absence de risques de mise en danger de la vie humaine. « En dehors des missions dédiées de contrôle des taxis boats, (…) le cadre juridique de la lutte contre l’immigration clandestine en mer se limite à l’exercice de pouvoirs de police à l’encontre des passeurs et non des passagers eux-mêmes », insiste M. Véran. Le préfet maritime ordonne d’éviter à tout prix des « routes de collision ».

      A la garde-côte douanière, Rémi Vandeplanque s’inquiète : « C’est une évolution choquante, mais ce n’est vraiment pas une surprise. » Un sentiment partagé par l’association d’aide aux migrants Utopia 56, présente sur le littoral et qui fustige, par la voix de son porte-parole, Nikolaï Posner, une « violence stérile et illégitime ». « Depuis octobre 2021 et la mise en place d’une maraude qui sillonne la côte, l’association est souvent la première à recueillir les témoignages de ceux qui ont tenté la traversée. »

      Sollicitée sur les différents cas de pratiques dangereuses des forces de l’ordre à l’encontre de small boats déjà à l’eau, la préfecture de la zone de défense et de sécurité Nord renvoie vers la préfecture maritime de la Manche et de la mer du Nord, qui est l’autorité compétente en mer. De plus, elle insiste sur la violence des réseaux de passeurs, confrontés à « la montée en puissance des saisies de bateaux en amont du littoral et sur les plages ».

      Les autorités décrivent ainsi comment « des personnes migrantes sont parfois sommées de créer des lignes de défense » et de jeter des pierres aux forces de l’ordre, pour permettre la mise à l’eau des small boats. Quarante et un policiers et gendarmes ont été blessés à cette occasion en 2023 et la préfecture a dénombré sur la même période « 160 confrontations sur les plages, c’est-à-dire avec usage de la force et de gaz lacrymogènes, alors qu’il n’y en a quasiment pas eu en 2022 ».

      C’est ce qui s’est notamment passé le 15 décembre 2023, à Sangatte, dans le Pas-de-Calais. D’après les éléments partagés par le parquet de Boulogne-sur-Mer, un groupe de migrants aurait fait barrage à des policiers pour permettre à un bateau de partir. Les policiers auraient essuyé des jets de projectiles et fait usage de gaz lacrymogènes en retour. Un récit en substance corroboré par plusieurs témoins présents sur place ce jour-là. Parvenu à prendre la mer, le small boat aurait rapidement subi une avarie de moteur et voulu regagner le rivage.

      Un migrant somalien parmi les passagers assure que, à bord du bateau, un jeune homme de 25 ans a par ailleurs été victime d’un malaise. La police aurait continué d’user de gaz lacrymogènes et se serait avancée pour crever le bateau avant qu’il n’ait pu atteindre le rivage. « Une personne de nationalité soudanaise se retrouve inanimée sur la plage », selon le parquet, et décède peu de temps après d’un arrêt cardio-respiratoire, en dépit des tentatives de le réanimer. « Depuis août 2023, on observe une recrudescence des événements dramatiques », dit le procureur de Boulogne-sur-Mer, Guirec Le Bras. Sans parvenir à expliquer cette particularité, il note que sa juridiction a recensé dix-neuf décès par noyade, survenus pour « la plupart au bord de l’eau ».

      Au total, selon l’estimation de la préfecture du Nord, vingt-quatre personnes sont décédées par noyade depuis 2023. Les autorités incriminent des « embarcations beaucoup plus chargées et une dégradation de la qualité des bateaux ». Dans un rapport publié en janvier, le réseau d’activistes Alarm Phone alertait sur ces morts près des côtes : « L’augmentation des fonds alloués à la France s’est traduite par un renforcement de la police, une augmentation de la violence sur les plages et, par conséquent, une augmentation des embarquements dangereusement surpeuplés et chaotiques au cours desquels des personnes perdent la vie. »

      « Nous avons dû nager »

      C’est peu ou prou ce que rapportent des migrants après une tentative de traversée échouée dans la nuit du 2 au 3 mars. Un exilé syrien de 27 ans, Jumaa Alhasan, s’est noyé dans le canal de l’Aa, un fleuve côtier qui se jette dans la mer du Nord. Plusieurs témoins, interrogés par Le Monde, assurent l’avoir vu tomber dans l’eau lors d’une intervention des forces de l’ordre qui aurait provoqué la panique des passeurs et poussé le Syrien à s’élancer depuis les rives de l’Aa pour tenter de sauter sur le canot en marche, là où le bateau était censé accoster et embarquer tout le monde. « Pour moi, il ne serait pas mort si les policiers français n’avaient pas été là », ne décolère pas Youssef, témoin de la scène. Le corps de Jumaa Alhasan a été retrouvé dans le chenal de l’Aa mardi 19 mars.

      Il est près de midi sur un des campements de Calais, ce 22 janvier. Sous le crachin habituel, un homme débite du bois pour alimenter un brasero autour duquel viennent se masser une demi-douzaine d’hommes. La plupart viennent du Pendjab, une région à majorité sikhe du nord de l’Inde. Tous sont arrivés il y a quelques semaines dans le nord de la France.

      Cinq jours plus tôt, Satinder, Paramjit et Gurfateh ont tenté une traversée. Ils ont longé l’autoroute qui mène jusqu’au port de Calais pour arriver au pied des dunes. « On a mis le bateau sur la plage, on l’a gonflé, tout se passait bien », rappelle Satinder, grand gaillard barbu, emmitouflé dans un cache-cou. Les trois hommes naviguent une petite dizaine de minutes au petit jour sans anicroche. Ils sont quarante-six à bord, la plupart avec des gilets de sauvetage. La météo n’est pas mauvaise, la mer presque plate.

      Ils entendent finalement une voix qui semble les poursuivre : « Stop the boat. » Un bateau s’approche du leur. La voix répète : « Stop the boat. » Satinder aperçoit une embarcation de la gendarmerie qui arrive par l’ouest. Le conducteur panique, remet les gaz sans parvenir à distancer les gendarmes. « Ils étaient quatre sur le bateau. Ils ont tourné autour de nous et ils nous ont dit que les conditions météorologiques étaient trop dangereuses, qu’ils ne pouvaient pas nous laisser partir », explique Satinder. L’un des gendarmes sort alors un « click-knife [un couteau d’attaque] », raconte Gurfateh, et assène un coup dans l’embarcation. L’air s’échappe du boudin. Le bateau s’affaisse.

      Le conducteur met alors le cap sur la terre ferme, mais le bateau coule avant de rejoindre la plage. « Nous avons dû nager une dizaine de minutes. Heureusement qu’il n’y avait presque que des adultes. Il y avait juste une petite fille de 4 ans », complète Satinder. Sur la plage, le groupe, hébété, reprend ses esprits avant de regagner la route du campement. Les trois hommes n’ont pas abandonné l’idée de traverser. Le 9 février, ils ont saisi la Défenseure des droits. « Ce jour-là, nous avons failli mourir. »

      https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/03/23/dans-la-manche-les-techniques-agressives-de-la-police-pour-empecher-les-trav

  • Logement : à Paris, les congés locatifs frauduleux prospèrent à l’approche des Jeux olympiques

    Selon l’agence départementale d’information sur le logement, les congés formellement invalides sont passés de 19 % en 2022 à 28 % sur la période courant de septembre 2023 à février 2024. Des élus communistes et socialistes veulent éviter des expulsions abusives de locataires.
    Par Véronique Chocron

    Les locataires à la recherche d’un toit à Paris devaient déjà affronter une pénurie quasi inédite d’offres de logements, en raison de la crise actuelle. Un autre risque les guette désormais : le #congé_abusif donné par des #propriétaires tentés de louer leur bien sur une plate-forme de type Airbnb, pour profiter de l’envolée des prix cet été, pendant les Jeux olympiques (#JO).

    Si l’ampleur du phénomène reste impossible à mesurer, l’agence départementale d’information sur le #logement (ADIL) de #Paris a révélé, mardi 19 mars, au cours d’un point de presse, avoir recensé 28 % de congés locatifs invalides sur la période allant de septembre 2023 à février 2024, contre 19 % en 2022. Et encore ne s’agit-il là que de congés ne respectant pas les délais et le formalisme attendus.
    Selon la loi de 1989, le propriétaire ne peut, en effet, donner congé à un locataire qu’à la date anniversaire du bail de trois ans (et d’un an pour un bien meublé) et doit le prévenir au moins six mois à l’avance (trois mois pour un meublé). « Or, là, on découvre même des congés délivrés en cours de bail », affirme Hélène Le Gall, directrice générale de l’ADIL de Paris, qui constate une augmentation des sollicitations sur le sujet des congés dans ses permanences (2 673 en 2023, contre 2 403 en 2022). Le congé doit, par ailleurs, être remis en mains propres par un commissaire de justice ou par lettre recommandée avec accusé de réception. « Un congé signifié par mail n’est pas valide », précise Virginie Audinot, avocate spécialisée en droit immobilier. Ils sont pourtant légion.

    Amende de 6 000 euros

    « Le point le plus litigieux » reste toutefois le motif invoqué par le propriétaire pour donner congé à son locataire, observe l’avocate. « Le bailleur ne peut pas reprendre le bien comme il le souhaite, pour n’importe quel motif », poursuit-elle. Il ne peut donner congé que pour vendre le bien, ou le reprendre afin d’y loger lui-même ou un proche. Ou encore pour un motif « légitime et sérieux », comme des travaux importants ou une faute grave du locataire. « Mais ce cas est le plus problématique, souligne Virginie Audinot. C’est une case un peu fourre-tout dans laquelle les bailleurs vont pouvoir mettre ce qu’ils souhaitent. »
    Contactée par un nombre croissant de clients, l’avocate constate, elle aussi, « de plus en plus de cas de congés donnés frauduleusement, ou de locataires ayant des suspicions fortes, signe que la #spéculation va bon train ». « J’ai le cas de personnes qui ont dû partir ainsi après vingt ans de bail », témoigne-t-elle. Dans un autre dossier, une agence immobilière ayant pignon sur rue affirmait par courrier que le propriétaire était « ouvert à l’idée de renouveler le bail », mais posait comme condition son souhait de « récupérer le logement durant les mois de juillet et août ». Le plus souvent, le locataire ne peut fournir qu’a posteriori la preuve du motif frauduleux. Et, quand il y parvient, le propriétaire s’expose à une amende de 6 000 euros, pas forcément dissuasive face aux gains espérés d’une location pendant les JO.

    Nombre de locataires sont ainsi amenés à se reloger, alors que le marché a rarement été aussi tendu. Selon les dernières données, publiées le 29 janvier dernier par le spécialiste des portails immobiliers SeLoger, le stock d’annonces d’appartements à louer dans la capitale s’est effondré, avec une réduction de 74 % sur trois ans. Dans le même temps, le nombre de #meublés_de_tourisme déclarés à la Mairie de Paris a doublé, passant de 30 000 en 2021 à 60 000 en 2023.

    « C’est le Far West »

    « Il faut que les JO soient une grande fête populaire et pas celle des expulsions locatives. Or, le risque existe qu’un certain nombre de propriétaires se débarrassent de leurs locataires », s’est emporté le sénateur [prétendument] communiste de Paris, Ian Brossat, qui coorganisait le point de presse avec la municipalité et l’ADIL.
    Pour renforcer la protection des locataires, le parlementaire avait déjà déposé, mi-février, une proposition de loi afin d’imposer une « trêve » des #expulsions_locatives pendant les JO, qui « peuvent susciter de mauvaises vocations chez les propriétaires souhaitant faire du profit ». Il appelle désormais les locataires suspectant « un congé potentiellement frauduleux » à le lui signaler sur son site Internet de sénateur. Par ailleurs, dans le cadre d’une future loi sur le logement, dont l’examen au Parlement pourrait débuter en juin, M. Brossat proposera un dispositif de déclaration des congés locatifs en préfecture, « car, aujourd’hui, on constate que ces congés ne sont pas contrôlés par l’Etat, alors que bon nombre de propriétaires ne respectent pas la loi. C’est le Far West ».

    Dans un même élan, les députés socialistes ont également déposé, mardi 19 mars, une proposition de loi visant, elle aussi, à lutter contre les congés locatifs frauduleux et à protéger les locataires. Le texte propose de faire porter la charge de la preuve sur le propriétaire, de doubler le montant de l’amende et d’interdire les locations touristiques pendant trois ans après la reprise d’un bien par son propriétaire.

    https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/03/20/logement-a-paris-les-conges-locatifs-frauduleux-prosperent-a-l-approche-des-

  • Mobilisation propalestinienne à Sciences Po Paris : Emmanuel Macron dénonce des propos « intolérables »
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/03/13/mobilisation-propalestinienne-a-sciences-po-paris-emmanuel-macron-denonce-de

    Le gouvernement reprend les mots d’ordre de la bollorésphère. Les étudiants incriminés contestent fermement tout propos antisémité

    Plusieurs personnalités politiques se sont indignées de l’occupation de l’établissement par des étudiants propalestiniens et des propos tenus à cette occasion. Dans un courriel adressé à la communauté éducative, la direction a estimé que « plusieurs lignes rouges » ont été franchies.

    Le Monde avec AFP
    Publié aujourd’hui à 14h13, modifié à 15h38

    Lors du conseil des ministres réuni mercredi 13 mars, le président français, Emmanuel Macron, a dénoncé les « propos inqualifiables et intolérables » rapportés la veille lors d’une mobilisation propalestinienne dans les locaux de Sciences Po Paris. Selon le chef de l’Etat, « l’autonomie » des universités ne justifie pas le « moindre début de séparatisme », a déclaré la porte-parole du gouvernement, Prisca Thevenot.

    Mardi, une centaine d’étudiants ont occupé la principale salle, l’amphithéâtre Boutmy, dans le cadre d’une journée de mobilisation universitaire européenne pour la Palestine. Ce mouvement répondait à l’appel de la Coordination universitaire contre la colonisation en Palestine (CUCCP). Les étudiants appelaient notamment à une protection des étudiants propalestiniens sur le campus.

    Dans un courriel adressé à la communauté éducative de Sciences Po mardi soir, la direction s’est émue de cette occupation non autorisée. Elle explique qu’un cours magistral a dû être annulé et qu’un étudiant a été empêché d’accéder à la salle. L’Union des étudiants juifs de France a affirmé que des jeunes appartenant à l’association ont été « pris à partie comme juifs et sionistes ».

    La ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, Sylvie Retailleau, s’était rendue dans les locaux parisiens dans la journée, condamnant cette occupation. « Nos établissements sont des lieux d’études et de débats. Le droit doit y être strictement respecté. Il est intolérable et choquant d’y subir la moindre discrimination, la moindre incitation à la haine », avait-elle écrit dans un tweet.

    La présidente de la région Ile-de-France, Valérie Pécresse, a elle aussi condamné ce qu’il s’est passé sur X, écrivant que « la direction de Sciences Po doit réagir fermement face à ces incidents qui se multiplient. La cause palestinienne mérite mieux que ces saillies antisémites dignes des pires heures de l’histoire de France ». Toujours sur X, le député La France insoumise (LFI) Aymeric Caron a de son côté félicité les étudiants mobilisés contre le génocide à Gaza, tout comme la candidate LFI aux élections européennes Rima Hassan.

    Une réponse ferme
    La direction de Sciences Po a annoncé saisir la section disciplinaire compétente contre les personnes à l’origine de « ces agissements intolérables ». « Le conflit en cours depuis le 7 octobre [2023] entre Israël et le Hamas nous affecte, poursuit le courriel, il a des répercussions au sein de Sciences Po, parmi les étudiants, les enseignants et les salariés… Sciences Po est un lieu qui doit préserver et soutenir l’ensemble des membres de ses communautés, et continuera de proposer des initiatives qui prennent en compte l’expression de ces souffrances, ainsi que la compréhension de cette crise. »

    Les étudiants mobilisés ont dénoncé dans un communiqué, par le biais du Comité Palestine Sciences Po Paris, « des accusations infondées d’antisémitsme de la part de l’extrême droite » et affirment ne tolérer aucuns propos racistes, islamophobes, antisémites, sexistes dans leur lutte.

    La réaction de l’administration intervient dans un contexte agité alors que président de Sciences Po Paris, Mathias Vicherat, a annoncé sa démission mercredi 13 mars au matin, après avoir appris son renvoi et celui de son ex-compagne devant le tribunal correctionnel pour des faits de violences conjugales. Un administrateur provisoire doit être nommé dans les prochains jours.

    Le communiqué du comité Palestine : https://www.instagram.com/p/C4c0RkioqSS
    #sciencespo #université #Gaza #menaces

    • merci @biggrizzly
      Finalement je ne sais comment j’ai pu avoir accès à l’article de l’Humanité, qui est très intéressant :
      https://www.humanite.fr/societe/bande-de-gaza/guerre-a-gaza-derriere-la-polemique-a-sciences-po-les-universites-francaise
      Mardi 12 mars, dans le cadre d’une mobilisation européenne pour le boycott académique d’Israël, des dizaines d’initiatives ont eu lieu en France. Les quelques incidents à Sciences Po, montés en épingle au mépris des faits, ne doivent pas masquer l’ampleur et le sens d’un mouvement qui interroge la complicité de l’université israélienne dans la guerre à Gaza et la colonisation en Cisjordanie.

      Hayet Kechit
      Thomas Lemahieu

      Derrière la polémique réactionnaire autour des mobilisations en soutien à Gaza, le monde académique subit de fortes pressions depuis le 7 octobre.

      « Antisémitisme », « wokisme », « islamo-gauchisme »… Sciences Po est depuis vingt-quatre heures sous le feu des anathèmes. En cause : l’occupation dans la matinée du 12 mars d’un amphithéâtre de la prestigieuse école par une centaine d’étudiants manifestant leur soutien à Gaza. L’initiative nommée « quatre heures pour la Palestine » s’inscrit dans le cadre de la journée européenne des universités contre le génocide à Gaza, à l’appel de la Coordination universitaire européenne contre la colonisation en Palestine (CUCCP).

      Comme il est désormais de coutume dans toute initiative publique visant à dénoncer la catastrophe humanitaire à Gaza, une énième polémique, largement attisée par la bollorosphère, a pris le pas sur l’objet même de la mobilisation, contribuant encore une fois à faire taire toute critique à l’encontre d’Israël.

      Elle fait suite aux accusations lancées par des membres de l’Union des étudiants juifs de France (UEJF), selon lesquels une étudiante aurait été refoulée de l’amphithéâtre « parce qu’elle était juive ». « Faux », répondent les organisateurs, réunis dans « un groupement d’étudiants auto-gérés » comptant une centaine de personnes.

      Un scandale cousu de fil blanc à Sciences Po
      « Tous les étudiants étaient les bienvenus, c’était un moment d’échanges ouvert à tous, y compris à l’UEJF, dont certains des membres étaient présents au sein de l’amphithéâtre, sans que cela ne cause aucun problème », affirme Hicham, un étudiant en Master de Droits de l’homme et projets humanitaires dans l’école des affaires internationales, et membre du groupe à l’origine de cette initiative. Le jeune homme de 22 ans donne ainsi des faits une version radicalement différente.

      L’étudiante exclue de l’amphithéâtre, qui serait membre de l’UEJF, ne l’aurait pas été en raison de sa confession, mais parce qu’elle aurait fait usage de provocations avant la tenue de la rencontre, par des agressions verbales et en prenant en photo sans leur consentement ses organisateurs. Des actes représentant « un risque à la sécurité de certains participants » qui ont poussé les personnes chargées d’éviter les débordements, à lui refuser l’entrée.

      Et le jeune homme de décrire « l’état d’alerte maximal » généré par un climat général de harcèlement à l’encontre de ceux qui, au sein de l’école de la rue Saint-Guillaume, dénoncent la situation à Gaza. Il ciblerait particulièrement des étudiantes identifiées comme musulmanes et se traduirait régulièrement par la prise de photos ou de vidéos à la volée relayées ensuite sur des comptes Twitter dans le but de déclencher des campagnes de cyberharcèlement.

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      « On sait que cette personne nous a pris plusieurs fois en photo et en vidéo », assure Hicham, qui ajoute que des membres de l’administration, présents au moment des faits, se seraient opposés à cette exclusion, mais que les étudiants leur auraient aussitôt fait part des provocations répétées de la jeune femme à leur encontre.

      Des arguments auxquels la direction de Sciences Po, soumise depuis cette polémique à une pression médiatique maximale faisant de l’école un « repaire d’islamo-gauchistes », semble être restée sourde. Dans un communiqué publié le 12 mars, elle condamne « l’action et les pratiques utilisées qui s’inscrivent délibérément hors du cadre fixé en matière d’engagement et de vie associative » et annonce qu’elle saisira « la section disciplinaire en vue de sanctionner ces agissements intolérables ».

      Quand c’est autorisé, ni heurts, ni polémiques
      Même configuration mais autre ambiance à l’université Paris Dauphine-PSL où – élément notable qui fait sans doute toute la différence – le rassemblement, organisé par la Coordination Palestine et les syndicats CGT et Sud-Education, avait été autorisé par l’administration.

      Dans le hall plein comme un œuf, des centaines d’enseignants, chercheurs et étudiants, avec beaucoup de drapeaux palestiniens – du jamais vu dans ce grand établissement spécialisé en gestion ou management, et installé au cœur des beaux quartiers de Paris -, des pancartes appelant au cessez-le-feu ou dénonçant un génocide à l’œuvre dans la bande de Gaza… Et quelques dizaines d’autres portants des portraits des otages du Hamas, ainsi qu’une banderole faite à la main appelant à rendre « hommage à toutes les victimes (Yémen, Israël, Congo…) ».

      Dans une brève intervention avant la minute de silence prévue, une enseignante a pu rappeler, sans protestations ni heurts, le sens de la mobilisation inscrite dans le cadre de la mobilisation européenne dans les universités. « Nous exigeons un cessez-le-feu immédiat et inconditionnel, la levée permanente du blocus de Gaza, la défense du droit des Palestiniens à l’éducation, a-t-elle lu. Pour cela, nous proposons les moyens d’action suivants : pousser nos universités à agir activement contre le régime d’apartheid israélien, établir des liens académiques avec des universités et des universitaires palestiniens, soutenir et participer au boycott universitaire visant les institutions académiques israéliennes complices de la violation des droits des Palestiniens, défendre la liberté d’expression et la liberté académique autour de la Palestine ici et hors de France. »

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      Une participante relève : « L’appel n’a pas été hué et la minute de silence, nous l’avons faite pour toutes les victimes. Le rassemblement n’était pas interdit, les enseignants se sont largement mobilisés, je suis convaincue que ça change tout. C’est une bonne manière de neutraliser les velléités polémiques, à coups de messages sur les réseaux sociaux et de polémiques… Et ça permet de parler du fond ! »

      Une mobilisation historique à l’université
      Partout en Europe et dans tout le pays, de Rennes à Aix-en-Provence en passant par Strasbourg et Montpellier, des mobilisations pour un « boycott universitaire » ont eu lieu ce mardi 12 mars. « C’est historique », se félicite une des promotrices de ces initiatives.

      Née, ces dernières semaines, dans la foulée de pétitions, pour la liberté d’expression et les libertés académiques puis pour le cessez-le-feu, ayant rassemblé plusieurs milliers de signataires dans l’enseignement supérieur et la recherche, la Coordination universitaire contre la colonisation en Palestine (CUCCP) entend passer un cap, en faisant adopter des motions pour l’arrêt du génocide au sein des établissements de l’enseignement supérieur, mais surtout en organisant le boycott académique d’Israël.

      « C’est tout à fait légal et pacifique, glisse un des initiateurs de la CUCCP. À travers cette action de boycott, nous visons les institutions universitaires, pas les individus. Certaines universités israéliennes ont été bâties illégalement sur des territoires occupés dont les Palestiniens ont été chassés. Les institutions israéliennes collaborent avec le système militaire, et certaines universités françaises peuvent dès lors s’y trouver mêlées dans le cadre de leurs partenariats. »

      Un des chercheurs, présents lors d’une autre rencontre-débat, mardi soir, sur le site Condorcet de l’EHESS à Aubervilliers, ajoute, lui, en aparté. « On nous parle parfois des libertés académiques israéliennes qui seraient menacées par notre boycott, mais pourquoi évoque-t-on si peu celles des Palestiniens ? À Gaza, toutes les universités sont aujourd’hui détruites… Cette situation n’est pas supportable, et c’est tout le monde qui devrait réagir dans la sphère universitaire en France et en Europe. »

    • https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/03/13/sciences-po-s-embrase-apres-une-mobilisation-propalestinienne_6221850_3224.h

      « Il n’y a plus d’universités à Gaza. On devrait s’indigner quand des universités sont détruites, il est aberrant qu’il y ait ce silence à Sciences Po, où pas même une minute de silence n’a été organisée depuis cinq mois », rapporte Souleymane (il n’a pas souhaité donner son vrai prénom), l’un des organisateurs, étudiant en master des droits humains et projets humanitaires à l’Ecole des affaires internationales.

      « J’étais dans l’amphithéâtre et j’ai entendu des intonations de voix qui montaient, relate une participante souhaitant rester anonyme. Quand j’ai vu qui était l’étudiante que certains voulaient empêcher d’entrer, j’ai tout de suite compris car, depuis le mois d’octobre, elle entre quasi systématiquement dans des altercations et a tendance à sortir son téléphone pour filmer les visages. »

      « A l’occasion d’autres réunions, elle avait déjà filmé et pris des photos puis les avait affichées sur les réseaux sociaux, ajoute une autre étudiante qui se trouvait aussi dans l’amphithéâtre. Ensuite, ces images sont utilisées sur CNews pour dire que les étudiants de Sciences Po sont pro-Hamas et antisémites. Cela génère beaucoup de pression et une vague de harcèlement pour les étudiants identifiés. C’est pour cette raison qu’elle a été empêchée d’entrer. »

      « Un environnement délétère »
      Ces trois étudiants affirment ne pas avoir entendu les propos « Ne la laissez pas rentrer, c’est une sioniste ». En revanche, précisent deux d’entre eux, une jeune femme a pris la parole depuis les bancs de l’amphithéâtre pour « prévenir que l’UEJF était présente et qu’il fallait faire attention à ne pas être filmés ».

      Salomé (qui souhaite conserver l’anonymat), présidente de la section de l’UEJF à Sciences Po, présente une autre version des faits, dans laquelle l’étudiante n’aurait pas été interpellée directement. « Ces propos lui ont été rapportés par une autre étudiante qui les a entendus dans l’amphithéâtre. Elle est finalement entrée et est ressortie car l’ambiance était trop pesante. Il est absolument faux de dire qu’elle a pris des photos et qu’elle les a envoyées aux médias. »

      « C’est tellement compliqué de se sentir ciblé parce que juif, poursuit Salomé. Depuis le 7 octobre, nous vivons dans un environnement délétère à Sciences Po, et hier, ça a été le point culminant de ces mois anxiogènes. On ne se sent plus à notre place dans notre propre école, parfois personne ne veut faire de travaux de groupe avec nous. »

  • Aux obsèques de Rola Al Mayali, 7 ans, morte noyée alors que sa famille cherchait à rejoindre le Royaume-Uni
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/03/08/aux-obseques-de-rola-al-mayali-7-ans-morte-noyee-alors-que-sa-famille-cherch

    Aux obsèques de Rola Al Mayali, 7 ans, morte noyée alors que sa famille cherchait à rejoindre le Royaume-Uni
    Par Julia Pascual (Grande-Synthe (Nord), envoyée spéciale)
    L’embarcation de fortune qui transportait la fillette et sa famille irakienne ainsi qu’une quinzaine d’autres migrants a chaviré le 3 mars dans le canal de l’Aa, dans le Nord, à 30 kilomètres du littoral. Un peu moins d’une centaine de personnes ont assisté à son enterrement, jeudi, à Grande-Synthe.
    Une peluche Kiki bleue a été posée au sol. Et, à côté d’elle, des bouquets de roses, de jonquilles et de tulipes ont été disposés. C’est ici, à l’extrémité sud du nouveau cimetière de Grande-Synthe, dans le Nord, en bordure d’une route départementale et sous une ligne à haute tension, que repose désormais le corps de la petite Rola Al Mayali. Née en 2016 en Irak, morte noyée le dimanche 3 mars dans le canal de l’Aa, à hauteur de la commune de Watten, alors que ses parents voulaient rejoindre l’Angleterre.
    Le petit bateau de pêche de rivière sur lequel ils venaient de monter dans la nuit a immédiatement chaviré avant même de s’engager vers la mer du Nord. Sous le poids de la vingtaine de personnes à son bord, il s’est retourné et la petite fille s’est retrouvée coincée dans la cabine.
    Ils sont un peu moins d’une centaine à s’être déplacés pour rendre hommage à la jeune Irakienne. Des militants associatifs surtout, de ceux qui maraudent sur le littoral, hébergent ou soignent les plus fragiles et distribuent des repas dans les camps de Calais (Pas-de-Calais) et Loon-Plage (Nord). Ils sont présents au côté des parents de la petite fille, Mohamed et Nour, et de leurs trois fils, Muhaimen, 14 ans, Hassan, 10 ans, et Moamel, 8 ans. Les deux plus jeunes pleurent leur sœur aux côtés de leur mère, enceinte de plus de huit mois, tandis que le père glisse dans un petit sac plastique une poignée de la terre qui recouvre sa fille. Une terre qu’il n’avait jamais imaginé fouler alors qu’il a quitté Bagdad en 2017, où il travaillait comme chauffeur de bus.
    « Nous avons vécu trois ans et cinq mois en Grèce et deux ans en Allemagne, à Oldenbourg [Basse-Saxe], confie-t-il. A chaque fois, nos demandes d’asile ont été rejetées et nous avions peur d’être expulsés en Irak. Si l’Allemagne nous avait donné des papiers, ma fille ne serait pas morte. » « Notre sœur était la meilleure à l’école », rapporte le fils aîné, Muhaimen, dans un anglais rudimentaire. « C’est à cause de Dublin que nous ne pouvons pas rester en Europe », poursuit-il, en mimant avec ses mains une prise d’empreintes, comme celle qui permet aux autorités d’un pays européen de savoir si un étranger a déjà été enregistré dans un autre Etat membre. En vertu du règlement européen de Dublin, elles peuvent alors refuser d’instruire sa demande d’asile et l’y transférer. « Nous sommes obligés d’aller en Angleterre, reprend le père, âgé de 42 ans. Si nous demandons l’asile en France, nous serons “dublinés” et renvoyés. »
    En payant 6 000 euros, Mohamed et Nour Al Mayali pensaient s’acquitter d’une somme suffisante pour rejoindre le Royaume-Uni en famille. Ils n’avaient pas imaginé que les passeurs essaieraient de les entasser à une vingtaine, dont dix enfants, sur une barque de moins de 5 mètres de long. »
    Après le naufrage, Nour et ses fils ont été hébergés une nuit par le 115 avant d’être pris en charge par le réseau associatif, tandis que le père a été placé en garde à vue, puis libéré sans poursuites, tout comme les deux autres pères de famille présents à bord de la barque cette nuit-là. Une enquête en flagrance a été ouverte par le parquet de Dunkerque (Nord), notamment pour « homicide involontaire » et « aide à l’entrée et au séjour irrégulier en bande organisée avec mise en danger d’autrui ».Depuis le début de l’année, les autorités observent une suroccupation croissante des « small boats », du nom de ces embarcations de fortune qui tentent les traversées de la Manche et de la mer du Nord vers les côtes anglaises. « Il y a en moyenne cinquante personnes par bateau, contre quarante l’an dernier, explique-t-on à la préfecture des Hauts-de-France. Et leur qualité se dégrade. » En dépit des risques pris, quelque 3 200 personnes ont déjà rejoint le Royaume-Uni en 2024, dont près d’un millier sur la seule semaine écoulée. A côté de ça, au moins neuf personnes sont mortes noyées depuis janvier, contre douze sur l’ensemble de l’année 2023 et cinq en 2022. « La mortalité augmente plus vite que les traversées », observe Nikolaï Posner, de l’association d’aide aux migrants Utopia 56.
    Depuis Watten, la famille de Rola Al Mayali avait encore une trentaine de kilomètres à naviguer et des écluses à passer avant d’arriver dans la mer du Nord par le port de Gravelines. « C’est un sacré périple, c’est fou », s’étonne encore le maire socialiste de Gravelines, Bertrand Ringot, qui dit avoir demandé à l’Etat de disposer une ligne de bouées pour empêcher le passage de bateaux qui arriveraient par le canal de l’Aa en amont du port de plaisance de sa commune.
    Un dispositif que les pouvoirs publics ont déjà mis en place ailleurs, en travers du canal des Dunes, des fleuves de la Canche et de l’Authie. Un plaisancier du port d’Etaples-sur-Mer (Pas-de-Calais) se souvient de l’époque, révolue depuis l’installation d’un barrage flottant en août 2023, où les passeurs faisaient du « cabotage » le long de la Canche en ramassant des personnes en divers points, pour ensuite rejoindre la Manche.Une façon d’éviter les mises à l’eau sur les plages du littoral, plus visibles et plus facilement entravées par les forces de l’ordre. « Les réseaux s’adaptent sans cesse », insiste-t-on à la préfecture des Hauts-de-France. Depuis le début de l’année, quatorze traversées ou tentatives de traversée ont été détectées à partir du canal de l’Aa, où la jeune Rola Al Mayali s’est noyée. (...)Les départs en mer restent cependant majoritaires et s’égrainent désormais tout le long de la côte, depuis la Belgique jusque, parfois, en baie de Somme.
    A ceux qui étaient venus le soutenir lors des funérailles, Mohamed Al Mayali, le père de Rola, a dit sa gratitude : « Je ne me suis pas senti étranger ici, en votre présence. » Le soir, la famille est retournée à la maison Sésame, à Herzeele (Nord), un lieu d’hospitalité citoyenne, qui permet d’offrir quelques jours de répit aux personnes en transit vers le Royaume-Uni. Un grand repas convivial y était organisé. Sylvie Desjonquères, une ancienne d’Emmaüs à l’origine de ce lieu de vie, voulait croire, jeudi soir, qu’« ici, il y a autre chose que des jungles et la frontière ».

    #Covid-19#migrant#migration#france#royaumeuni#traversee#manche#mortalite#sante#passeur#frontiere#prefecture#reseaux#baiedesomme#belgique#grandsynthe

  • Le décret autorisant à louer des logements de 1,80 mètre sous plafond de plus en plus contesté
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/03/08/le-decret-autorisant-a-louer-des-logements-d-1-80-metre-sous-plafond-de-plus

    Le Haut Comité pour le droit au logement demande la révision du décret du 29 juillet 2023 qui définit les règles de salubrité des logements, tandis que plusieurs associations ont déposé un recours en annulation devant le Conseil d’Etat.

    [...] Kasbarian a fait valoir que « dans le contexte d’effondrement total de l’offre locative que nous connaissons, nous ne pouvons pas prendre le risque de réduire celle-ci encore davantage ».

    https://justpaste.it/g2j0k

    https://seenthis.net/messages/1037113

    #logement

  • Groupes de niveau au collège : Nicole Belloubet révise le projet de Gabriel Attal, rejeté par la communauté éducative
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/03/07/groupes-de-niveau-au-college-nicole-belloubet-amende-le-projet-de-gabriel-at
    https://archive.is/CCrGK

    Deux mois plus tard, le principe d’une organisation en « groupes » reste de mise pour ces deux disciplines, mais il n’est désormais officiellement plus question de « groupes de niveau » Rue de Grenelle. L’expression devrait d’ailleurs être retirée des textes à paraître sur la nouvelle organisation du #collège. Aux équipes de décider des regroupements d’élèves les plus pertinents, « en fonction de leurs besoins ». « Les groupes de besoins seront constitués en fonction des compétences à atteindre. Il n’y aura donc pas d’assignation à un groupe faible ou fort », affirme-t-on au ministère.

    Il devient surtout possible pour les chefs d’établissement et leurs équipes de préserver, à certains moments de l’année et « à titre dérogatoire », des « temps d’enseignement en classe entière » en mathématiques et en français, là où la mesure initiale faisait totalement disparaître les classes dans ces disciplines, qui pèsent pour un tiers du volume horaire hebdomadaire des collégiens.

    Loin de l’idée initiale de groupes permanents, le ministère ne prévoit pas de limiter le nombre de semaines durant lesquelles les équipes des collèges pourront conserver des classes hétérogènes, même s’il insiste sur le fait que les groupes doivent rester la règle. « C’est aux équipes de trouver l’organisation la plus fine à partir de la règle que l’on a fixée », fait-on valoir, insistant sur la « confiance » accordée par la ministre aux équipes et à leur « autonomie ». Cette « souplesse » d’organisation doit, selon le ministère, « favoriser les brassages », « permettre une flexibilité entre les groupes » et éviter la « stigmatisation » d’élèves cantonnés « toute l’année dans un même groupe ».

    #éducation

  • Au Mexique, des manifestants enfoncent la porte du palais présidentiel
    https://www.lemonde.fr/international/article/2024/03/06/au-mexique-des-manifestants-enfoncent-la-porte-du-palais-presidentiel_622049

    Plusieurs dizaines de personnes, qui manifestaient mercredi 6 mars contre l’enlèvement et la disparition en 2014 de #43 étudiants de l’école normale d’#Ayotzinapa, ont enfoncé une des portes du palais présidentiel à Mexico, selon des images de la chaîne Milenio. Sur ces images, on voit les manifestants utiliser un pick-up pour enfoncer la porte avant que certains d’entre eux, le visage masqué, ne pénètrent dans le palais.
    [...]
    Des manifestants avaient déjà tenté d’attaquer les portes du Palais national, siège de la présidence depuis 2018, mais c’est la première fois qu’ils atteignent leur but. Les proches des 43 disparus, accompagnés de leurs avocats, de militants et d’étudiants, manifestent régulièrement dans le centre de Mexico, surtout à l’approche de la date anniversaire du drame. Un campement à la mémoire des disparus est installé sur la principale artère du centre de la capitale, face au Palais national.
    Le président a assuré que les manifestants seraient écoutés par un membre du ministère de l’intérieur. Il a estimé que les avocats et les activistes qui accompagnent les parents étaient motivés par des « objectifs politiques ».

    #Disparitions_forcées #manifestation

  • Le conflit Israël-Hamas s’invite dans les tribunaux français : de plus en plus de procédures pour « apologie du terrorisme »
    Par Christophe Ayad | Publié le 02 mars 2024 | Le Monde
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/03/02/en-marge-du-conflit-hamas-israel-une-inflation-en-france-des-procedures-pour

    . SÉVERIN MILLET

    Mardi 20 février en début d’après-midi, le tribunal correctionnel de Grenoble a débattu d’une question aussi rhétorique qu’essentielle : peut-on qualifier publiquement les événements du 7 octobre en Israël d’actes de résistance et non de terrorisme sans encourir une condamnation devant un tribunal français ? Mohamed Makni, 73 ans, retraité et élu municipal à Echirolles, dans la banlieue de Grenoble, a comparu devant une juge et deux assesseures et a dû s’expliquer d’un statut posté sur le groupe Facebook des Franco-Tunisiens de Grenoble, le 11 octobre 2023 : « Ils [les Occidentaux] s’empressent de qualifier de terroriste ce qui, à nos yeux, est un acte de résistance évident », avait-il écrit, reprenant sans guillemets une phrase tirée d’une tribune de l’ex-ministre tunisien des affaires étrangères Ahmed Ounaïes, dont M. Makni avait posté également le lien.

    Renvoyé devant le tribunal pour « apologie du terrorisme », M. Makni comparaît libre. « Je suis surpris d’être là », dit d’emblée l’homme au crâne rasé et à la mise soignée. Il fait également part de ses « pensées à toutes les victimes », se présentant comme « un chantre de la paix » mais aussi « un militant anticolonial de naissance ». « Vous êtes un élu, une personne connue. Est-ce que vous ne pensez pas qu’en le relayant, vous ne cautionnez pas ce genre de message sans aucune précaution ? Pourquoi reprendre ces propos ? », le morigène la juge. « C’est pour attirer l’attention sur le fait qu’il y a une opinion ici et une opinion là-bas [en Tunisie]. C’est aux gens de se faire leur opinion », se défend-il.

    La juge revient à la charge : « Pour vous, attaquer des civils, c’est un acte de résistance ? » « Je ne cautionne aucunement ce qui a été fait contre les civils, répond M. Makni. Mais quand j’entends des responsables israéliens dire qu’il faut balancer une bombe atomique sur Gaza ou que les Gazaouis sont des animaux humains… », répond le prévenu. Face aux explications embrouillées de M. Makni, la juge le coupe : « On n’est pas là pour faire de la géopolitique ou de l’histoire. »
    (...)
    « Des cas comme M. Makni, il y en a des dizaines », déplore Me Elsa Marcel, qui, à elle seule, défend quatre dossiers d’apologie du terrorisme et deux autres pour provocation à la haine raciale, tous en lien avec les événements du 7 octobre et le conflit israélo-palestinien. Parmi ses dossiers pour apologie, on compte une lycéenne de 14 ans signalée par son établissement pour une « blague idiote », selon son avocate, qui ne souhaite pas en donner le contenu pour ne pas que sa cliente soit identifiée.

    La lycéenne a été convoquée au commissariat. « On a même envisagé de lui affecter un éducateur judiciaire », s’étonne Me Marcel, qui s’inquiète de cette inflation de procédures faisant suite à la circulaire du ministre de la justice du 10 octobre 2023. « La tenue publique de propos vantant les attaques (…) en les présentant comme une légitime résistance à Israël, ou la diffusion publique de message incitant à porter un jugement favorable sur le Hamas ou le Djihad islamique (…) devront ainsi faire l’objet de poursuites », précise le texte.

    (…) Me Elsa Marcel distingue deux profils de personnes visées par des poursuites : « Les militants politiques ou syndicaux, sur lesquels il y a une volonté de mettre une pression pour faire taire les voix discordantes, et les anonymes, parfois des mineurs, qui sont dans 90 % des cas des personnes d’origine maghrébine et des musulmans. » Elle s’inquiète tout particulièrement des perquisitions et placements en garde à vue, de l’atmosphère de délation entretenue par les signalements dans les milieux scolaire et professionnel et du systématisme des propositions de reconnaissance préalable de culpabilité : « Il faut que les gens aient la possibilité de s’expliquer devant un tribunal », estime l’avocate.

    Bien souvent, les mis en cause sont convoqués pour une audition par la police, puis plus rien. Le silence. Ils ne savent pas s’ils sont poursuivis ou si l’affaire est classée sans suite.

    C’est le cas de l’activiste palestinien Ramy Shaath , qui vit en France depuis qu’il a été libéré des geôles égyptiennes, où il a passé deux ans et demi sans jugement pour une accusation fantoche de terrorisme. « Quelle ironie !,confie-t-il dans un café parisien. Je suis invité dans le monde entier pour donner des conférences sur le détournement par des régimes autoritaires de la notion de terrorisme et on me convoque pour “apologie du terrorisme” en France, où je vis avec ma femme et mes enfants, pour des propos que j’ai tenus à une tribune lors d’une manifestation en faveur de Gaza. »

    Il avait affirmé, le 23 octobre lors d’un rassemblement place de la République, que « ce n’est pas Israël qui a le droit de se défendre mais les Palestiniens, comme tout peuple occupé » et que « la résistance palestinienne, y compris par les armes, n’est pas du terrorisme mais un droit légitime ». Convoqué moins d’une semaine plus tard, il a été entendu en audition libre pendant deux heures.

    « Ils m’ont demandé si les actes du 7 octobre étaient terroristes. J’ai répondu que je n’en savais rien, que j’attendais les résultats d’une enquête internationale, mais que je ne reprenais pas à mon compte la propagande israélienne », explique-t-il. Depuis, explique l’avocat de M. Shaath, Me Vincent Brengarth, « le parquet est resté muet et nous attendons toujours la notification d’un classement sans suite ».

    Cette attente est interprétée par les intéressés comme une manière de laisser planer au-dessus d’eux une épée de Damoclès judiciaire. (…)

  • Sur les traces des « retournés volontaires » de Géorgie, ces déboutés du droit d’asile qui ont dû renoncer à la France dans la douleur
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/03/01/immigration-sur-les-traces-des-retournes-volontaires-de-georgie_6219437_3224

    Sur les traces des « retournés volontaires » de Géorgie, ces déboutés du droit d’asile qui ont dû renoncer à la France dans la douleur
    Par Julia Pascual (Tbilissi, envoyée spéciale)
    C’est un bloc d’immeubles parmi les centaines qui composent le paysage de Roustavi, une ancienne ville industrielle du sud-est de la Géorgie. Dans ce pays du Caucase où vivent 3,7 millions d’habitants, les cités ouvrières ont poussé pendant l’ère soviétique, et Roustavi a pris son essor autour d’un combinat métallurgique alimenté par l’acier azerbaïdjanais. Depuis, l’URSS s’est disloquée et les usines ont fermé. Voilà une dizaine d’années, attirés par un parc immobilier plus abordable que celui de la capitale, Tbilissi, Davit Gamkhuashvili et Nana Chkhitunidze sont devenus propriétaires d’un des appartements de la ville, au septième et dernier étage d’un immeuble que le temps n’a pas flatté. Le parpaing des façades se délabre, des tiges de fer oxydé crèvent le béton des escaliers et l’ascenseur se hisse aux étages dans un drôle de fracas métallique.
    Fin septembre 2023, Davit, 47 ans, et Nana, 46 ans, sont revenus ici après dix mois passés à Béthune, dans le Pas-de-Calais. Ils ont retrouvé leur trois-pièces propret et modeste, où ils cohabitent avec leur fils et leur fille adultes, leur gendre et leur petite-fille. Le couple de Géorgiens avait nourri l’espoir d’obtenir en France les soins que Davit, atteint d’un diabète sévère, ne trouvait pas dans son pays. Migrer, c’était sa seule option après qu’il a été amputé d’un orteil. Il souffrait d’un ulcère au pied et son médecin géorgien « ne proposait rien d’autre que couper et couper encore », se souvient-il.
    Pour venir en France et laisser à leurs enfants un peu d’argent, sa femme et lui ont vendu leur voiture et un terrain qu’ils possédaient à la campagne. Dans le Pas-de-Calais, le couple a été hébergé dans un centre d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA), et Davit a pu se faire soigner. Mais l’isolement social, la barrière de la langue, le sentiment d’être des « mendiants » leur ont donné le « mal du pays ». Déboutés de leur demande d’asile, Davit et Nana se sont retrouvés en situation irrégulière et ont été priés de partir. Las, ils ont renoncé à la France dans la douleur. A Roustavi, Nana replonge avec un soupçon de nostalgie dans le souvenir des amitiés qu’elle a nouées avec des bénévoles du CADA, des plats géorgiens qu’elle leur a fait découvrir, comme le khatchapouri, un pain farci au fromage, de la petite fête qui avait été organisée pour leur départ.
    Dans le français rudimentaire qu’elle s’est efforcée d’acquérir, Nana répétait « stop », « fini », « stress » alors que nous la rencontrions, dans les couloirs de l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle, le jour de son vol retour vers la Géorgie. Ce matin de septembre 2023, ils étaient une cinquantaine, comme elle, à devoir embarquer pour Tbilissi dans le cadre d’un retour volontaire aidé, un dispositif adressé aux étrangers en situation irrégulière et mis en place par l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII). Il a l’avantage d’être beaucoup moins onéreux que les retours forcés, qui mobilisent des moyens importants, de l’interpellation des personnes à leur expulsion, en passant par leur placement en rétention et la phase éventuelle de contentieux juridique. En 2023, plus de 6 830 personnes ont souscrit à des retours volontaires aidés, toutes nationalités confondues. Avec plus de 1 600 retours aidés, les Géorgiens ont été les premiers bénéficiaires du programme.
    Juste avant d’embarquer, au milieu des touristes et des voyageurs d’affaires du terminal 2 de Roissy, Nana et Davit avaient reçu chacun, des agents de l’OFII, une petite enveloppe contenant 300 euros. Leurs billets d’avion avaient également été pris en charge. Pour encourager les départs, la France propose aussi aux personnes volontaires une aide sociale, le financement d’une formation ou encore une aide à la création d’entreprise, plafonnée à 3 000 euros en Géorgie. Avec 605 aides accordées en 2023, les Géorgiens sont, là aussi, les premiers récipiendaires de ce programme de réinsertion économique.Nana Chkhitunidze a obtenu la prise en charge d’une formation en cuisine, qu’elle suit aujourd’hui avec enthousiasme après ses heures de ménage. A son retour à Roustavi, elle a dû retrouver un emploi pour entretenir sa famille. Elle gagne aujourd’hui 600 laris (210 euros) par mois. Pas de quoi payer les consultations chez le diabétologue ni chez le cardiologue que les médecins français ont recommandées à Davit. Diminué physiquement, Davit Gamkhuashvili ne peut plus travailler dans le bâtiment. Il est fier de rappeler qu’il a, par le passé, rénové plusieurs églises du pays, dont la grande cathédrale de la Sainte-Trinité, à Tbilissi. Mais, depuis son amputation, ce n’est désormais plus envisageable. Il se pique trois fois par jour à l’insuline et veille à ce que l’ulcère au pied ne reprenne pas. Il lui reste des boîtes d’antalgiques prescrits en France. Ici, ils ne sont pas pris en charge. L’OFII lui a financé vingt séances de kinésithérapie, à hauteur de 2 100 laris.
    (...) Grâce à l’aide de l’OFII, Nini Jibladze a suivi une formation en manucure, un secteur porteur dans son pays. Elle a même pu s’acheter quelques équipements, comme un sèche-ongles et un stérilisateur, mais, plutôt que de lancer son affaire, elle a dû parer à l’urgence et accepter un poste de commerciale pour une société de vente de chocolats, payé 1 000 laris par mois. Khvtiso Beridze, lui, se plaint de ses douleurs au bras, résultat de deux accidents anciens qui ont abîmé ses nerfs. En France, il a été opéré deux fois, mais il faudrait qu’il subisse une nouvelle intervention. « J’ai peur de me faire opérer ici, reconnaît-il. Et je n’ai pas les moyens de me payer la rééducation à 40 laris la séance. » Anastasia, elle, doit continuer d’être suivie, mais trouver un angiologue ou un radiologue pédiatrique pour réaliser une IRM à 700 laris relève de la gageure. En outre, la famille a encore une dette de plus de 6 000 euros à rembourser, contractée pour financer son départ en France, à l’automne 2021. (...) Sa mère, Irma, avec laquelle le couple cohabite, compte les devancer. Elle s’y prépare sans états d’âme. « Dans notre immeuble, toutes les femmes ont migré, assure cette célibataire de 52 ans. Si quelqu’un en Géorgie se nourrit et s’habille correctement, c’est qu’il a quelqu’un à l’étranger qui lui envoie de l’argent. » Elle-même a déjà travaillé à Samsun, en Turquie, il y a quinze ans. « Je partais trois mois faire la plonge ou le ménage et je revenais, se souvient-elle. Ça valait le coup. A l’époque, on avait 100 dollars avec 120 livres turques. Aujourd’hui, ce n’est plus intéressant, il faut 3 000 livres turques pour 100 dollars. » Si Irma repart, ce sera en Grèce. Elle y a des amies qui promettent de l’aider à trouver un travail d’aide à domicile ou de femme de ménage pour au moins 1 000 euros par mois. « Ça pourra payer les dettes et les études des enfants », calcule la grand-mère.
    Depuis l’effondrement du bloc soviétique, la migration géorgienne vers l’Europe n’a cessé de croître. « C’est un phénomène très commun, qui a connu un pic avec la libéralisation des visas en 2017 », souligne Sanja Celebic Lukovac, cheffe de mission à Tbilissi de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), une agence onusienne. Cette « libéralisation » autorise les Géorgiens à circuler comme touristes dans l’espace Schengen pendant quatre-vingt-dix jours sans visa. « La Grèce accueille probablement la plus importante diaspora, mais de nombreux Géorgiens sont aussi allés en France, en Italie, en Allemagne, en Suisse ou en Espagne, guidés surtout par des opportunités d’emploi », poursuit Sanja Celebic Lukovac.D’abord très temporaire et individuelle, la migration est devenue plus durable et familiale. Les besoins médicaux sont, en outre, souvent au cœur du projet de mobilité. En France, en 2023, les Géorgiens ont ainsi représenté 7 % des demandes de titres de séjour pour étranger malade (dont un tiers pour des cancers). Parfois, ces besoins sont dissimulés derrière des demandes d’asile, l’un des rares moyens, si ce n’est le seul, de faire durer un séjour en règle, le temps de l’instruction du dossier.
    En 2022, selon Eurostat, plus de 28 000 Géorgiens ont déposé une demande d’asile en Europe, dont près de 10 000 en France. Cela reste faible, en comparaison avec la population du continent ou avec le volume total des demandes d’asile enregistrées dans l’Union européenne, qui a dépassé 955 000 requêtes la même année. Mais, l’octroi d’une protection internationale aux Géorgiens étant très rare – environ 4 % des demandes d’asile géorgiennes en Europe connaissent une issue positive –, cette migration ne manque pas d’alimenter un discours politique virulent. Emmanuel Macron a dénoncé plusieurs fois le « détournement du droit d’asile », des propos qui visent notamment les flux en provenance de Géorgie. Les pouvoirs publics ont tenté de les réduire, au travers de textes de loi ou de mesures réglementaires. Ainsi, la loi « immigration » de 2018 a permis l’expulsion des déboutés de l’asile provenant de pays d’origine « sûrs », nonobstant un éventuel recours.
    En mai 2019, le ministre de l’intérieur de l’époque, Christophe Castaner, s’était déplacé à Tbilissi pour fustiger l’« anomalie » de la demande d’asile géorgienne et la « dette médicale » générée par ceux « qui viennent se faire soigner en France », alors même que l’état du système de soins en Géorgie « ne justifie pas cette venue ». Fin 2019, la lutte contre le « tourisme médical » avait encore occupé une place importante dans le débat sur l’immigration organisé au Parlement par Edouard Philippe, alors premier ministre. Il avait débouché sur une série de mesures imposant notamment un délai de carence de trois mois pour accéder à la protection maladie pour les demandeurs d’asile et la limitation de la durée de cette protection à six mois pour ceux qui sont déboutés de leur demande.
    « On identifie un ensemble de raisons qui incitent les gens à investir dans la migration, analyse Sanja Celebic Lukovac, de l’OIM. L’absence ou le manque d’accès aux traitements, le manque de confiance dans les soins et leur coût. » En Géorgie, où l’espérance de vie moyenne n’atteint pas 74 ans et où 15,6 % de la population vit sous le seuil de pauvreté, le système de soins pâtit notamment d’une faible prise en charge du handicap et des médicaments, ce qui expose les ménages à un risque d’appauvrissement. (...)
    Une étude réalisée en 2019 par le cabinet Evalua pour l’OFII, sur un échantillon de près de 400 bénéficiaires d’aide à la création d’entreprise dans quatorze pays, dont la Géorgie mais aussi la Côte d’Ivoire ou le Mali, montrait que, trois ans après avoir quitté la France, 82 % des « retournés » ayant bénéficié de l’aide – qui peut atteindre 6 300 euros dans certains endroits – se trouvaient toujours dans leur pays. En outre, 51 % des projets financés étaient encore actifs. Zhaneta Gagiladze aime « beaucoup » son métier de coiffeuse. Elle mène sa vie avec énergie et ambition. C’est d’ailleurs pour cela qu’elle veut repartir. Seule et en Israël, cette fois, où elle espère pouvoir gagner 4 000 dollars par mois comme femme de ménage. A deux reprises déjà, en 2023, elle a tenté de s’y rendre. Mais, à chaque fois, elle a été refoulée à l’aéroport de Tel-Aviv. Elle attend désormais d’avoir économisé suffisamment pour pouvoir s’acquitter des 6 000 dollars qui lui garantiront d’entrer sur le territoire, avant d’y demeurer clandestinement.Elle a du mal à comprendre qu’Israël ne donne pas de visa malgré ses besoins de main-d’œuvre. « Mon projet est juste d’y travailler deux ans, pour gagner de quoi acheter un appartement ici », dit-elle. Elle rêve aussi « d’aider [sa] fille à accomplir son rêve de retourner étudier en France », un pays qu’elle associe à une vie meilleure. « En France, elle a même été suivie par un psychologue, alors que, depuis notre retour, elle a fait une dépression », confie Zhaneta, qui répète à quel point elle est « reconnaissante » vis-à-vis de la France. A Lyon, elle a croisé des compatriotes miraculés. L’un a pu être guéri d’un cancer en Géorgie. Un autre, atteint d’une cirrhose et à qui l’on ne donnait pas un mois à vivre, a pu bénéficier d’une greffe de foie.
    Mais il y a aussi les déçus. Comme Natela Shamoyan, 58 ans, hébergée par le 115 en banlieue parisienne de 2019 à 2022 avec sa fille lourdement handicapée, pour qu’on lui dise finalement la même chose que dans son pays : il n’y a pas de traitement qui guérisse la maladie de Charcot. Grâce à l’argent de l’OFII, à son retour en Géorgie, elle a relancé dans son garage, et avec son fils de 35 ans, une petite activité de fabrication de tapis de voiture.
    Giorgi Maraneli garde néanmoins un bon souvenir de la France. Son fils avait pu être soulagé et la prise en charge était gratuite et de qualité. Aujourd’hui, il a l’impression d’être revenu à la case départ. Les projets financés dans le cadre des retours aidés ne fournissent souvent que des revenus d’appoint. Sanja Celebic Lukovac, de l’OIM, a constaté qu’avec le temps les « retournés » d’Europe reçoivent de moins en moins d’aide pour leur réinsertion. « Cela signifie qu’il y a de plus en plus de gens dans le besoin », prévient-elle.
    En France, un arrêté ministériel d’octobre 2023 a resserré les critères d’éligibilité aux retours aidés, prévoyant une dégressivité de l’aide dans le temps à partir de la notification de l’OQTF. Mécaniquement, sur les premières semaines de 2024, les demandes de Géorgiens auprès de l’OFII ont baissé, car ils sont moins nombreux à pouvoir y prétendre. S’il avait obtenu des papiers, Giorgi Maraneli avait un poste de palefrenier qui lui était destiné dans une écurie près de Bailleul. Régulièrement, sur Facebook, il prend des nouvelles des bénévoles qui avaient adouci son quotidien et avec lesquels sa famille s’est liée d’amitié. Eux lui disent que la situation en France ne s’améliore pas, évoquent la loi « immigration » promulguée le 26 janvier. Avec franchise, Giorgi leur écrit qu’il veut revenir

    #Covid-19#migration#migrant#france#georgie#grece#israel#turquie#sante#soin#OFII#CADA#OQTF

  • Tentative de traversée de la Manche : une enfant de 7 ans meurt dans le naufrage d’une embarcation à Watten
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/03/03/tentative-de-traversee-de-la-manche-une-enfant-de-7-ans-meurt-dans-le-naufra

    Tentative de traversée de la Manche : une enfant de 7 ans meurt dans le naufrage d’une embarcation à Watten
    Le Monde avec AFP
    Une fillette de 7 ans s’est noyée, dimanche 3 mars, à Watten (Nord) dans le canal de l’Aa, qui se jette dans la mer du Nord, alors qu’elle se trouvait sur une petite embarcation. Seize migrants, dont dix enfants âgés de 7 à 13 ans, se trouvaient à bord et tous sont tombés à l’eau, selon les autorités.L’embarcation « n’était pas dimensionnée pour supporter autant de personnes », a affirmé la préfecture du Nord dans un communiqué. Elle a chaviré dans les terres, à une trentaine de kilomètres de la côte, « peu de temps après la montée de ces personnes », a-t-elle ajouté à l’Agence France-presse.
    « Plusieurs gardes à vue sont en cours », a annoncé à l’AFP le parquet, qui a ouvert une enquête pour homicide involontaire, blessures involontaires, association de malfaiteurs et « aide à l’entrée et au séjour irrégulier en bande organisée avec mise en danger d’autrui ». Ce naufrage si éloigné des côtes pourrait s’expliquer par le fait que les migrants partent aujourd’hui de plus loin dans les terres, afin de contourner la surveillance et cheminer vers les plages à l’abri des regards.Alertés par un promeneur, « gendarmes et pompiers se sont immédiatement transportés sur les lieux ». La fillette est morte « sur place, des suites d’un arrêt cardio-respiratoire, les tentatives de réanimation par les secours » ayant été « vaines », a précisé le parquet.
    Les parents de la petite fille, qui se trouvaient à bord avec leurs trois autres enfants, « ont été transportés au centre hospitalier de Dunkerque », a souligné la préfecture. A bord de cette petite embarcation, « vraisemblablement volée », selon elle, « se trouvaient également un couple, deux hommes et six jeunes enfants », dont les « jours ne sont pas en danger ».Dix personnes au total ont été transportées à l’hôpital. Cinq autres – deux hommes et trois enfants – ont été accueillis dans une salle mise à disposition par la mairie de Watte. L’enquête pénale ouverte par le parquet de Dunkerque a été confiée à la brigade de recherches de la gendarmerie de Dunkerque-Hoymille et à l’Office national de lutte contre le trafic illicite de migrants (Oltim). « Aujourd’hui, les politiques aux frontières ont tué, encore », a écrit sur X L’Auberge des migrants, une association d’aide aux migrants. « La colère nous empêche d’avoir les mots », a réagi Utopia 56. Ce drame est le troisième ayant entraîné des morts en 2024 lors de tentatives de traversée de la Manche pour rejoindre l’Angleterre. Mercredi, un Turc de 22 ans, tombé de son embarcation au large de Calais pour une raison encore indéterminée, est mort et deux autres migrants sont portés disparus. Un ressortissant érythréen a été mis en examen et incarcéré samedi dans ce dossier. Né en 1996, il est poursuivi pour homicide involontaire et « aide à l’entrée et au séjour irrégulier ». Dans la nuit du 13 au 14 janvier, cinq migrants, dont un adolescent syrien de 14 ans, étaient morts à Wimereux (Pas-de-Calais) alors qu’ils tentaient de rejoindre une embarcation déjà en mer dans une eau autour de 9 degrés.
    Douze migrants ont perdu la vie en 2023 en tentant de traverser la Manche, selon la préfecture maritime de la Manche et de la Mer du Nord. En 2023, 29 437 migrants ont rejoint illégalement les côtes anglaises, contre 45 774 en 2022, année record, d’après des chiffres du ministère de l’intérieur britannique. Environ 20 % sont originaires d’Afghanistan. Viennent ensuite les Iraniens, les Turcs, les Erythréens et les Irakiens.Un des réseaux de passeurs les « plus importants » organisant ces traversées a été démantelé le 21 février dans une vaste opération internationale. Dix-neuf personnes ont été arrêtées en Allemagne dans ce coup de filet ayant impliqué les autorités françaises, belges et allemandes, coordonné par Europol et Eurojust.

    #Covid-19#migrant#migration#france#royaumeuni#traversee#manche#mortalite#dunkerque#pasdecalais#migrationirreguliere#prefecture#sante

  • Sur les traces des « retournés volontaires » de #Géorgie, ces déboutés du droit d’asile qui ont dû renoncer à la France dans la douleur

    Le ministère de l’intérieur français finance en Géorgie des projets de #réinsertion économique auprès de familles souvent venues en France pour des #soins médicaux, avant qu’elles se retrouvent en situation irrégulière.

    C’est un bloc d’immeubles parmi les centaines qui composent le paysage de #Roustavi, une ancienne ville industrielle du sud-est de la Géorgie. Dans ce pays du Caucase où vivent 3,7 millions d’habitants, les cités ouvrières ont poussé pendant l’ère soviétique, et Roustavi a pris son essor autour d’un combinat métallurgique alimenté par l’acier azerbaïdjanais. Depuis, l’URSS s’est disloquée et les usines ont fermé. Voilà une dizaine d’années, attirés par un parc immobilier plus abordable que celui de la capitale, Tbilissi, Davit Gamkhuashvili et Nana Chkhitunidze sont devenus propriétaires d’un des appartements de la ville, au septième et dernier étage d’un immeuble que le temps n’a pas flatté. Le parpaing des façades se délabre, des tiges de fer oxydé crèvent le béton des escaliers et l’ascenseur se hisse aux étages dans un drôle de fracas métallique.

    Fin septembre 2023, Davit, 47 ans, et Nana, 46 ans, sont revenus ici après dix mois passés à Béthune, dans le Pas-de-Calais. Ils ont retrouvé leur trois-pièces propret et modeste, où ils cohabitent avec leur fils et leur fille adultes, leur gendre et leur petite-fille. Le couple de Géorgiens avait nourri l’espoir d’obtenir en France les soins que Davit, atteint d’un diabète sévère, ne trouvait pas dans son pays. Migrer, c’était sa seule option après qu’il a été amputé d’un orteil. Il souffrait d’un ulcère au pied et son médecin géorgien « ne proposait rien d’autre que couper et couper encore », se souvient-il.

    (#paywall)

    https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/03/01/immigration-sur-les-traces-des-retournes-volontaires-de-georgie_6219437_3224

    #renvois #expulsions #retours_volontaires #déboutés #asile #migrations #réfugiés #France #santé
    via @karine4

    • Pour venir en France et laisser à leurs enfants un peu d’argent, sa femme et lui ont vendu leur voiture et un terrain qu’ils possédaient à la campagne. Dans le Pas-de-Calais, le couple a été hébergé dans un centre d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA), et Davit a pu se faire soigner. Mais l’isolement social, la barrière de la langue, le sentiment d’être des « mendiants » leur ont donné le « mal du pays ». Déboutés de leur demande d’asile, Davit et Nana se sont retrouvés en situation irrégulière et ont été priés de partir. Las, ils ont renoncé à la France dans la douleur. A Roustavi, Nana replonge avec un soupçon de nostalgie dans le souvenir des amitiés qu’elle a nouées avec des bénévoles du CADA, des plats géorgiens qu’elle leur a fait découvrir, comme le khatchapouri, un pain farci au fromage, de la petite fête qui avait été organisée pour leur départ. « Quand j’aurai l’argent, je reviendrai comme touriste », nous assure-t-elle.

      Dans le français rudimentaire qu’elle s’est efforcée d’acquérir, Nana répétait « stop », « fini », « stress » alors que nous la rencontrions, dans les couloirs de l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle, le jour de son vol retour vers la Géorgie. Ce matin de septembre 2023, ils étaient une cinquantaine, comme elle, à devoir embarquer pour Tbilissi dans le cadre d’un retour volontaire aidé, un dispositif adressé aux étrangers en situation irrégulière et mis en place par l’Office français de l’immigration et de l’intégration (#OFII). Il a l’avantage d’être beaucoup moins onéreux que les retours forcés, qui mobilisent des moyens importants, de l’interpellation des personnes à leur expulsion, en passant par leur placement en rétention et la phase éventuelle de contentieux juridique. En 2023, plus de 6 830 personnes ont souscrit à des retours volontaires aidés, toutes nationalités confondues. Avec plus de 1 600 retours aidés, les Géorgiens ont été les premiers bénéficiaires du programme.

      Encourager les départs

      Juste avant d’embarquer, au milieu des touristes et des voyageurs d’affaires du terminal 2 de Roissy, Nana et Davit avaient reçu chacun, des agents de l’OFII, une petite enveloppe contenant 300 euros. Leurs billets d’avion avaient également été pris en charge. Pour encourager les départs, la France propose aussi aux personnes volontaires une aide sociale, le financement d’une formation ou encore une aide à la création d’entreprise, plafonnée à 3 000 euros en Géorgie. Avec 605 aides accordées en 2023, les Géorgiens sont, là aussi, les premiers récipiendaires de ce programme de réinsertion économique.

      Nana Chkhitunidze a obtenu la prise en charge d’une formation en cuisine, qu’elle suit aujourd’hui avec enthousiasme après ses heures de ménage. A son retour à Roustavi, elle a dû retrouver un emploi pour entretenir sa famille. Elle gagne aujourd’hui 600 laris (210 euros) par mois. Pas de quoi payer les consultations chez le diabétologue ni chez le cardiologue que les médecins français ont recommandées à Davit. « Ce n’est pas la priorité, confie ce dernier. Les anciens disaient : “La vie, c’est comme à la guerre.” Je ne me rendais pas compte à quel point c’était vrai. »

      Diminué physiquement, Davit Gamkhuashvili ne peut plus travailler dans le bâtiment. Il est fier de rappeler qu’il a, par le passé, rénové plusieurs églises du pays, dont la grande cathédrale de la Sainte-Trinité, à Tbilissi. Mais, depuis son amputation, ce n’est désormais plus envisageable. Il se pique trois fois par jour à l’insuline et veille à ce que l’ulcère au pied ne reprenne pas. Il lui reste des boîtes d’antalgiques prescrits en France. Ici, ils ne sont pas pris en charge. L’OFII lui a financé vingt séances de kinésithérapie, à hauteur de 2 100 laris.

      Avant d’embarquer pour le vol vers Tbilissi du 20 septembre, Nini Jibladze et Khvtiso Beridze, un autre couple de « retournés » géorgiens, confiaient, eux, combien ils souhaitaient que l’aînée de leurs deux filles, Anastasia, puisse étudier en France. Scolarisée entre 2021 et 2023 dans une école près de Caen, leur enfant de 10 ans a très vite appris à parler le français. Mais, si le départ était un crève-cœur pour leurs parents, Anastasia et sa sœur Nia, 5 ans, se montraient impatientes de retrouver leur grand-mère Irma, après deux années passées loin d’elle.

      Une petite tour Eiffel sur le piano du salon

      Nini et Khvtiso avaient quitté la Géorgie car ils ne faisaient pas confiance aux médecins pour faire opérer leur aînée, atteinte d’une tumeur au niveau du nerf de la main. En Turquie, l’opération leur aurait coûté 15 000 dollars (14 000 euros), une somme dont ils ne disposent pas. En France, Anastasia a été opérée gratuitement. Ses parents se seraient volontiers projetés sur une installation plus durable, mais « pas de papiers, pas d’argent », résume le père de famille. Avec une obligation de quitter le territoire français (OQTF) à la suite du rejet de leur demande d’asile, ils redoutaient de se retrouver à la rue.

      Aujourd’hui revenue dans l’appartement familial, dans la banlieue de Tbilissi, que balaye ce jour-là un vent d’hiver vigoureux, Anastasia se plonge dans des vidéos YouTube en français, pour ne pas perdre la langue. Ses parents ont posé une petite tour Eiffel sur le piano du salon, entre deux coupes de fruits en porcelaine, reçues en cadeau de mariage. Depuis qu’il est rentré au pays, le couple est pris dans un entrelacs de sentiments où l’amertume et l’angoisse le disputent à l’espoir.

      Grâce à l’aide de l’OFII, Nini Jibladze a suivi une formation en manucure, un secteur porteur dans son pays. Elle a même pu s’acheter quelques équipements, comme un sèche-ongles et un stérilisateur, mais, plutôt que de lancer son affaire, elle a dû parer à l’urgence et accepter un poste de commerciale pour une société de vente de chocolats, payé 1 000 laris par mois. Khvtiso Beridze, lui, se plaint de ses douleurs au bras, résultat de deux accidents anciens qui ont abîmé ses nerfs. En France, il a été opéré deux fois, mais il faudrait qu’il subisse une nouvelle intervention. « J’ai peur de me faire opérer ici, reconnaît-il. Et je n’ai pas les moyens de me payer la rééducation à 40 laris la séance. »

      Anastasia, elle, doit continuer d’être suivie, mais trouver un angiologue ou un radiologue pédiatrique pour réaliser une IRM à 700 laris relève de la gageure. En outre, la famille a encore une dette de plus de 6 000 euros à rembourser, contractée pour financer son départ en France, à l’automne 2021. « Ma sœur, qui est propriétaire de l’appartement où l’on vit, a dû prendre un prêt hypothécaire », relate Khvtiso. Fataliste, il lâche : « Tôt ou tard, on devra repartir. »

      Discours politique virulent

      Sa mère, Irma, avec laquelle le couple cohabite, compte les devancer. Elle s’y prépare sans états d’âme. « Dans notre immeuble, toutes les femmes ont migré, assure cette célibataire de 52 ans. Si quelqu’un en #Géorgie se nourrit et s’habille correctement, c’est qu’il a quelqu’un à l’étranger qui lui envoie de l’argent. » Elle-même a déjà travaillé à Samsun, en Turquie, il y a quinze ans. « Je partais trois mois faire la plonge ou le ménage et je revenais, se souvient-elle. Ça valait le coup. A l’époque, on avait 100 dollars avec 120 livres turques. Aujourd’hui, ce n’est plus intéressant, il faut 3 000 livres turques pour 100 dollars. » Si Irma repart, ce sera en Grèce. Elle y a des amies qui promettent de l’aider à trouver un travail d’aide à domicile ou de femme de ménage pour au moins 1 000 euros par mois. « Ça pourra payer les dettes et les études des enfants », calcule la grand-mère.

      Depuis l’effondrement du bloc soviétique, la migration géorgienne vers l’Europe n’a cessé de croître. « C’est un phénomène très commun, qui a connu un pic avec la libéralisation des visas en 2017 », souligne Sanja Celebic Lukovac, cheffe de mission à Tbilissi de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), une agence onusienne. Cette « libéralisation » autorise les Géorgiens à circuler comme touristes dans l’espace Schengen pendant quatre-vingt-dix jours sans visa. « La Grèce accueille probablement la plus importante diaspora, mais de nombreux Géorgiens sont aussi allés en France, en Italie, en Allemagne, en Suisse ou en Espagne, guidés surtout par des opportunités d’emploi », poursuit Sanja Celebic Lukovac.

      D’abord très temporaire et individuelle, la migration est devenue plus durable et familiale. Les besoins médicaux sont, en outre, souvent au cœur du projet de mobilité. En France, en 2023, les Géorgiens ont ainsi représenté 7 % des demandes de titres de séjour pour étranger malade (dont un tiers pour des cancers). Parfois, ces besoins sont dissimulés derrière des demandes d’asile, l’un des rares moyens, si ce n’est le seul, de faire durer un séjour en règle, le temps de l’instruction du dossier.

      En 2022, selon Eurostat, plus de 28 000 Géorgiens ont déposé une demande d’asile en Europe, dont près de 10 000 en France. Cela reste faible, en comparaison avec la population du continent ou avec le volume total des demandes d’asile enregistrées dans l’Union européenne, qui a dépassé 955 000 requêtes la même année. Mais, l’octroi d’une protection internationale aux Géorgiens étant très rare – environ 4 % des demandes d’asile géorgiennes en Europe connaissent une issue positive –, cette migration ne manque pas d’alimenter un discours politique virulent.

      Emmanuel Macron a dénoncé plusieurs fois le « détournement du droit d’asile », des propos qui visent notamment les flux en provenance de Géorgie. Les pouvoirs publics ont tenté de les réduire, au travers de textes de loi ou de mesures réglementaires. Ainsi, la loi « immigration » de 2018 a permis l’expulsion des déboutés de l’asile provenant de pays d’origine « sûrs », nonobstant un éventuel recours.

      Risque d’appauvrissement

      En mai 2019, le ministre de l’intérieur de l’époque, Christophe Castaner, s’était déplacé à Tbilissi pour fustiger l’« anomalie » de la demande d’asile géorgienne et la « dette médicale » générée par ceux « qui viennent se faire soigner en France », alors même que l’état du système de soins en Géorgie « ne justifie pas cette venue ». Fin 2019, la lutte contre le « tourisme médical » avait encore occupé une place importante dans le débat sur l’immigration organisé au Parlement par Edouard Philippe, alors premier ministre. Il avait débouché sur une série de mesures imposant notamment un délai de carence de trois mois pour accéder à la protection maladie pour les demandeurs d’asile et la limitation de la durée de cette protection à six mois pour ceux qui sont déboutés de leur demande.

      « On identifie un ensemble de raisons qui incitent les gens à investir dans la migration, analyse Sanja Celebic Lukovac, de l’OIM. L’absence ou le manque d’accès aux traitements, le manque de confiance dans les soins et leur coût. » En Géorgie, où l’espérance de vie moyenne n’atteint pas 74 ans et où 15,6 % de la population vit sous le seuil de pauvreté, le système de soins pâtit notamment d’une faible prise en charge du handicap et des médicaments, ce qui expose les ménages à un risque d’appauvrissement.

      Si Zhaneta Gagiladze avait fait opérer sa fille, atteinte d’une forme grave de scoliose, en Géorgie, cela lui aurait coûté 23 000 euros. « Et seulement 40 % de la somme aurait été prise en charge », explique cette femme de 44 ans. En outre, ajoute-t-elle, le chirurgien géorgien lui avait conseillé d’annuler l’intervention, faute d’implants disponibles dans le pays et de garantie de succès. A Lyon, l’adolescente a pu être soignée, tandis que sa mère avait trouvé une chambre dans une colocation avec des Géorgiens, pour 200 euros par mois. Leur séjour n’a pas dépassé huit mois.

      En bénéficiant d’un retour aidé, fin 2019, grâce à l’OFII, Zhaneta Gagiladze a pu relancer son activité de coiffeuse dans un petit garage qu’elle loue à Tbilissi, au pied d’une khrouchtchevka, ces immeubles de trois à cinq étages emblématiques de l’architecture soviétique de l’après-guerre, qui privilégiait la rapidité et le moindre coût. Elle a aussi pu racheter pour 3 000 euros de matériel. Et propose à une clientèle d’habitués une coupe ou une coiffure pour 15 laris.

      Une étude réalisée en 2019 par le cabinet Evalua pour l’OFII, sur un échantillon de près de 400 bénéficiaires d’aide à la création d’entreprise dans quatorze pays, dont la Géorgie mais aussi la Côte d’Ivoire ou le Mali, montrait que, trois ans après avoir quitté la France, 82 % des « retournés » ayant bénéficié de l’aide – qui peut atteindre 6 300 euros dans certains endroits – se trouvaient toujours dans leur pays. En outre, 51 % des projets financés étaient encore actifs.

      Miraculés et déçus

      Zhaneta Gagiladze aime « beaucoup » son métier de coiffeuse. Elle mène sa vie avec énergie et ambition. C’est d’ailleurs pour cela qu’elle veut repartir. Seule et en Israël, cette fois, où elle espère pouvoir gagner 4 000 dollars par mois comme femme de ménage. A deux reprises déjà, en 2023, elle a tenté de s’y rendre. Mais, à chaque fois, elle a été refoulée à l’aéroport de Tel-Aviv. Elle attend désormais d’avoir économisé suffisamment pour pouvoir s’acquitter des 6 000 dollars qui lui garantiront d’entrer sur le territoire, avant d’y demeurer clandestinement.

      Elle a du mal à comprendre qu’Israël ne donne pas de visa malgré ses besoins de main-d’œuvre. « Mon projet est juste d’y travailler deux ans, pour gagner de quoi acheter un appartement ici », dit-elle. Elle rêve aussi « d’aider [sa] fille à accomplir son rêve de retourner étudier en France », un pays qu’elle associe à une vie meilleure. « En France, elle a même été suivie par un psychologue, alors que, depuis notre retour, elle a fait une dépression », confie Zhaneta, qui répète à quel point elle est « reconnaissante » vis-à-vis de la France. A Lyon, elle a croisé des compatriotes miraculés. L’un a pu être guéri d’un cancer en Géorgie. Un autre, atteint d’une cirrhose et à qui l’on ne donnait pas un mois à vivre, a pu bénéficier d’une greffe de foie.

      Mais il y a aussi les déçus. Comme Natela Shamoyan, 58 ans, hébergée par le 115 en banlieue parisienne de 2019 à 2022 avec sa fille lourdement handicapée, pour qu’on lui dise finalement la même chose que dans son pays : il n’y a pas de traitement qui guérisse la maladie de Charcot. Grâce à l’argent de l’OFII, à son retour en Géorgie, elle a relancé dans son garage, et avec son fils de 35 ans, une petite activité de fabrication de tapis de voiture.

      Zurab Dalakishvili, 36 ans, n’a pas non plus trouvé en France le traitement contre l’infertilité qui lui aurait permis de fonder une famille avec sa femme. Après quelques mois passés près de Rennes, sous le coup d’une OQTF, ils ont préféré rentrer au pays. Avec l’aide de l’OFII, Zurab a pu acheter des équipements pour développer son activité de mécanicien automobile, interrompue pendant son séjour en France. Son métier le passionne et l’amène à multiplier les allers-retours en Allemagne pour rapporter des moteurs ou des voitures d’occasion, qu’il retape puis revend. Le secteur de l’occasion est florissant en Géorgie, où 90 % du parc automobile a plus de dix ans.

      Installé dans la région de Gardabani, une zone rurale au sud-est de Tbilissi, Zurab Dalakishvili montre avec fierté le pont élévateur dont il a fait l’acquisition grâce à l’aide de la France. « J’ai aussi pu construire et aménager un hangar plus grand », explique-t-il. Sur le petit terrain qu’il transforme progressivement, où il stocke voitures et matériel, on découvre aussi les fondations inachevées d’une maison. Depuis qu’ils sont rentrés de France, en janvier 2020, Zurab et sa femme suivent un protocole de procréation médicalement assistée qui leur a déjà coûté près de 100 000 laris, et pour lequel ils ont dû repousser la construction de leur maison. En attendant, ils se serrent dans une pièce attenante aux hangars.

      Resserrement des critères

      De son côté, ce ne sont pas les trois vaches laitières qu’il a pu acheter grâce aux 3 000 euros de l’OFII, ni son activité de taxi qui lui rapporte 40 laris par jour qui permettront à Giorgi Maraneli de payer l’opération des ligaments de la cheville dont son fils aurait besoin. Il est, depuis la naissance, atteint de paralysie cérébrale avec quadriplégie spastique. « Je regrette d’être revenu, lâche le père de famille de 36 ans. Je n’avais pas le choix, je ne pouvais pas prendre le risque que nous finissions dans la rue. » Déboutés de leur demande d’asile, Giorgi, sa femme et leurs deux enfants étaient pressés par les gestionnaires du CADA de Bailleul, dans le Nord, de quitter les lieux.

      La maison où ils se sont réinstallés en 2023 se trouve dans un village de deux cents familles près de Gori, la ville natale de Joseph Staline. Dans la principale pièce à vivre, où dorment les parents de Giorgi et l’un de ses frères, un vieux portrait du Petit Père des peuples orne un mur. Comme si le temps était suspendu. A 2 kilomètres à peine d’ici se trouve la frontière avec le territoire occupé d’Ossétie du Sud. La population locale continue de subir les conséquences de la guerre de 2008 avec la Russie. L’eau courante, qui venait d’Ossétie, a été coupée par les occupants russes. Impossible d’irriguer une quelconque culture, la famille doit utiliser un puits pour sa consommation. Le père de Giorgi, Tamaz, s’est même fait voler ses quelques moutons par des militaires russes. « On ne peut pas envoyer les vaches en pâturage vers la frontière, ni couper du bois », regrette Giorgi.

      Pour l’heure, les animaux sont gardés dans l’étable et nourris au foin. C’est l’hiver, les plaines environnantes sont recouvertes d’un épais manteau de neige. Il est tombé une telle quantité de poudreuse la veille que l’électricité est coupée dans la maison, en cette journée de février. Assis devant le poêle à bois, Giorgi a sorti ses médailles militaires, lui qui a été pendant treize ans dans l’armée et a servi en Afghanistan. Sur la toile cirée de la table à manger, il a ouvert le dossier médical de son fils de 5 ans. « Quand on est partis, début 2021, la Géorgie ne proposait aucune forme de prise en charge. Je m’étais renseigné sur Internet, il y avait des groupes sur Facebook qui conseillaient d’aller en France pour les soins », témoigne-t-il. Il a été hébergé un an et demi. Ça lui a fait drôle, confie-t-il, de côtoyer des Afghans dans le CADA, alors qu’il les avait rangés dans la catégorie ennemie pendant ses missions aux côtés de l’OTAN, à Bagram.

      Giorgi Maraneli garde néanmoins un bon souvenir de la France. Son fils avait pu être soulagé et la prise en charge était gratuite et de qualité. Aujourd’hui, il a l’impression d’être revenu à la case départ. Les projets financés dans le cadre des retours aidés ne fournissent souvent que des revenus d’appoint. Sanja Celebic Lukovac, de l’OIM, a constaté qu’avec le temps les « retournés » d’Europe reçoivent de moins en moins d’aide pour leur réinsertion. « Cela signifie qu’il y a de plus en plus de gens dans le besoin », prévient-elle.

      En France, un arrêté ministériel d’octobre 2023 a resserré les critères d’éligibilité aux retours aidés, prévoyant une dégressivité de l’aide dans le temps à partir de la notification de l’OQTF. Mécaniquement, sur les premières semaines de 2024, les demandes de Géorgiens auprès de l’OFII ont baissé, car ils sont moins nombreux à pouvoir y prétendre. S’il avait obtenu des papiers, Giorgi Maraneli avait un poste de palefrenier qui lui était destiné dans une écurie près de Bailleul. Régulièrement, sur Facebook, il prend des nouvelles des bénévoles qui avaient adouci son quotidien et avec lesquels sa famille s’est liée d’amitié. Eux lui disent que la situation en France ne s’améliore pas, évoquent la loi « immigration » promulguée le 26 janvier. Avec franchise, Giorgi leur écrit qu’il veut revenir.

  • Julien Grenet : « L’école privée sera majoritaire à Paris dans dix ans »
    https://www.mediapart.fr/journal/france/070224/julien-grenet-l-ecole-privee-sera-majoritaire-paris-dans-dix-ans

    Il n’y a pas une augmentation du nombre d’élèves inscrits dans le privé, c’est davantage lié à la baisse démographique très forte, amorcée depuis 2010, que connaît la capitale. Entre 2010 et 2023, on est passé de 30 000 à 20 000 naissances par an à Paris. Cette très forte baisse se répercute déjà dans le nombre d’élèves inscrits dans les écoles, avec un peu de décalage sur l’entrée en sixième. Et cette baisse se répercute quasi intégralement sur l’enseignement public. Le privé parvient, lui, à maintenir ses effectifs.

    Combien d’élèves le privé à Paris scolarise-t-il aujourd’hui par rapport au public ?

    En pourcentage, Paris est déjà à un taux de privé sous contrat très élevé. Cela s’accentue encore depuis 2023 : la part du privé en élémentaire, c’est 27 %, au collège, 37 % et dans les lycées, 40 %. On est très loin de la répartition d’usage, qui tourne autour de 80 % pour le public et 20 % pour le privé. Le taux d’élèves scolarisés à Paris est deux fois plus élevé que la moyenne en France.

    Pendant longtemps, tout cela était stable, mais la tendance est à une augmentation très forte si l’on regarde l’entrée en CP et en sixième. En sixième, la part augmente d’un point par an. En 2020, on était à 35 %, trois ans plus tard, presque à 39 %. Chaque année, cela augmente au même rythme.

    Et dans dix ans ?

    Ce taux va continuer à augmenter si l’on ne décide pas de fermer des classes dans le privé. Dans le scénario, réaliste, qui est celui d’un maintien des effectifs du public, on sera en 2034 à 51 % d’élèves scolarisés au collège dans le privé. Le privé sous contrat deviendrait donc majoritaire. Pourquoi c’est un problème ? La conséquence d’un tel laisser-faire se traduirait par un niveau insupportable de ségrégation sociale dans le système scolaire parisien.

    Car le privé ne recrute pas n’importe quel type d’élèves…

    S’il maintient ses effectifs en période de baisse démographique, c’est qu’il y a plus de demandes que de places. La baisse démographique permet d’avoir un accès encore plus facile au privé, et d’aller encore moins dans le public. Aujourd’hui, 55 % des familles scolaires les plus favorisées font le choix du privé. Le cap a été franchi cette année. Dans dix ans, on sera à 76 %. Seuls 6% des enfants d’ouvriers ou dont les parents sont sans activité professionnelle seront inscrits dans le privé*. On peut vraiment parler d’une école à deux vitesses.

    Vous avez présenté ces travaux aux élu·es parisien·nes à l’hôtel de ville. Quelle a été leur réaction et quels sont les leviers disponibles, selon vous ?

    Il y a toujours une forme de fatalisme, mais qui tend à diminuer. On peut et on doit faire quelque chose : le premier levier, c’est cette règle du 80-20 dans l’allocation des postes enseignants. Le ministère doit réduire le nombre de postes attribués dans le privé dans l’académie de Paris, c’est une nécessité. À la rentrée 2023, rien ne s’est passé, on a maintenu le même nombre d’élèves que l’an passé, alors qu’on ferme des classes dans le public. Cette demande doit être formulée par le rectorat et par la ville. Avec 30 % d’élèves en moins au total en raison de la baisse démographique, il faut des fermetures de classes, c’est incontournable, mais pourquoi seul le public est-il concerné ?

    Le deuxième levier, c’est le contrôle : il me semblerait parfaitement légitime que soit mise en place une plateforme obligatoire pour recenser les inscriptions dans l’enseignement privé. Pas pour réguler, pas encore, mais au moins pour savoir qui candidate et qui est retenu. L’article 1 de la loi Debré est parfaitement clair : l’enseignement placé sous le régime du contrat est soumis au contrôle de l’État, et tous les enfants sans distinction d’origine, de croyance, ou sociale doivent y avoir accès.

    Qui le vérifie aujourd’hui ? Si l’enseignement privé n’accueille que 3 % des élèves les moins favorisés, est-ce parce que 3 % seulement postulent ou parce que les autres sont recalés ? Ce serait un outil très puissant pour ensuite négocier fermement avec le secteur sous contrat. Cela éviterait les questionnaires d’entrée délirants comme à Stanislas, où l’on demande aux familles si les enfants sont baptisés ou ont fait leur communion...

    Il faut aussi un contrôle pédagogique et financier accru, ce que demande la Cour des comptes, et moduler les financements publics en fonction de critères sociaux. La Haute-Garonne l’a fait, même si ce n’est que sur le forfait éducatif, une toute petite part du financement. Paris a voté un vœu en ce sens, il faut passer aux actes.

    On pourrait vous opposer qu’en le rendant encore plus accessible, on va jeter encore plus de monde dans les bras du privé, même si c’est à des fins, louables, de mixité sociale.

    Oui, j’ai bien conscience que cela comporte des risques. Mais si l’on regarde froidement les chiffres, on est déjà dans un système de ségrégation. Soit on prend acte et on contrôle mieux la part de l’enseignement privé, en essayant de faire en sorte qu’il prenne sa part socialement, soit on choisit le statu quo.

    Bien sûr, on peut ensuite aller plus loin et mettre fin à cette exception très française qui octroie plus de 76 % de son financement à un système scolaire tout en le laissant maître de son recrutement. Il faudra à terme des critères et des quotas.

    • A Paris, la perspective d’un enseignement privé majoritaire à l’entrée au collège, source de nouvelles tensions politiques
      https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/03/04/a-paris-la-perspective-d-un-enseignement-prive-majoritaire-a-l-entree-au-col

      Le bouleversement des équilibres entre public et privé tient surtout à la baisse démographique considérable que connaît la capitale et qui, faute d’action ministérielle jusqu’à présent, n’affecte pas le privé et le public dans les mêmes proportions. En 2023, 21 700 naissances ont été enregistrées à Paris, soit 10 000 de moins qu’en 2010. Cette diminution se répercute quelques années plus tard dans les établissements scolaires et est essentiellement absorbée par l’enseignement public.

      Les écoles publiques parisiennes ont ainsi connu une chute de près d’un quart de leurs effectifs de CP depuis 2016, quand ceux des écoles privées sous contrat n’ont baissé que de 4,5 %. Le choc démographique atteint désormais le collège et se traduit par une diminution de 13 % du nombre d’élèves entrant en 6e dans le public depuis 2020, mais il n’a pour l’heure presque aucune incidence sur le nombre d’élèves scolarisés dans le privé. Même si ce dernier n’augmente pas, le poids du privé s’alourdit ainsi mécaniquement.

      [...]

      Comme pour le public, c’est en effet au ministère de l’éducation nationale d’attribuer les postes d’enseignants pour le privé et de décider des ouvertures et des fermetures de classes. Au niveau national, la Rue de Grenelle attribue les moyens en fonction de la proportion d’élèves dans chaque système (20 % des moyens du public attribué au privé). Mais, « à l’échelle d’une académie, il n’y a pas nécessairement de symétrie entre les évolutions de moyens du privé et du public », reconnaît la direction des affaires financières, qui gère les moyens de l’enseignement privé. En 2023, le ministère a ainsi décidé de 337 suppressions de postes d’enseignants dans le public, mais seulement 17 dans le privé.

      « Pour maintenir les équilibres actuels, il faut une action extrêmement volontariste : pour deux classes fermées dans le public, une classe fermée dans le privé », affirme Julien Grenet, pour qui ces projections posent à nouveau l’enjeu de « la régulation d’un secteur subventionné aux trois quarts par l’argent public ». Selon les scénarios qu’il a établis, pour maintenir le statu quo, avec un peu moins de 40 % des élèves de 6e scolarisés dans le privé dans la capitale dans dix ans, il faudrait fermer des classes du privé sous contrat à un rythme de 2,6 % par an.